Episode 4 : 1999/2000 Le tournant fatidique d un « chargé de
Mon parcours & les étudiant.e.s., par Joseph Béhé
C’était donc ma troisième rentrée en tant que « chargé de cours » c’est à dire « vrai-faux prof » (vous verrez plus loin pourquoi). J’ai un peu moins le trac. Les échanges avec Claude Lapointe et les collègues m’ont conforté dans mon nouveau rôle. Je découvre les réussites de telle ou telle idée de cours et les inévitables ratés.
Je fais par exemple dans ces années là un cours de « personnage » lui aussi hérité en droite ligne de Claude Lapointe et de Christian Heinrich. Le cours consiste à faire poser un modèle en costume avec des accessoires (en fait un bric à brac choisi en fonction d’une situation ou d’un métier qui sera le point de départ d’une histoire courte que les étudiant.e.s vont développer en une page de BD). Les modèles trouvent là une occasion un peu plus ludique de poser que les traditionnels nus académiques. Certains sont bons comédiens, ils deviennent guitaristes, plombiers ou vigiles… Ils transforment n’importe quelle situation en quelque chose d’intéressant… Ils se piquent au jeu et inspirent tout le monde…D’autres posent comme des balais et n’inspirent personne! Ils sont carrément capables de plomber votre cours!
Je me dois de citer l’un d’entre eux, un garçon un peu inquiétant qui mettait un point d’honneur à ne pas bouger d’un cil pendant toute la pose (qui durait entre 10 et 15 mn). Quand, pour les besoins de la situation, il tenait un outil à bout de bras, il se forçait à « tenir » en serrant les dents, en tremblant, en tétanisant de tous ses muscles, les yeux injectés… Naturellement, plus personne ne croyait au personnage! on ne voyait plus qu’un gars subissant un martyr volontaire… On avait beau lui dire que 'c'est bon, vous pouvez vous reposez' On devinait dans ses yeux « plutôt crever que de bouger » un héroïsme masochiste qui tournait au ridicule!
Bon, pour en revenir à ma situation de l’époque… Chargé de cours, tiens! ça paie, ça?
Je faisais parfois 2h par semaine, parfois 6… on ne savait jamais à l’avance. Cela se décide fin septembre pour une embauche début octobre. Entre 300 et 700 euros par mois 8 mois sur 12 car on est viré fin juin et on attend septembre pour savoir si l'on était réembauché l’année suivante… ah, le service public! ses soit disant 'planqués'... ha! ha! on en rit encore.
C’est la précarité de base des « chargés de cours » … je vais le rester 14 longues années avant d’obtenir une embauche sur l’année entière…
Mais qu’importe, la passion de l’enseignement l’avait emporté. Le tournant fatidique était pris!
JOUR 4: Clotilde Perrin et Daniel Blancou et Thomas Baas
Je vous invite, pour celles et ceux qui ne les connaissent pas encore à aller voir leur travail!
par Joseph Béhé