Episode 7 : 2005 « le saut périlleux »
Mon parcours & les étudiant.e.s., par Joseph Béhé
Malgré la passion mise dans l’aventure de l’école à distance, j'ai toujours essayé de garder mes quelques heures de chargé de cours aux Arts Déco de Strasbourg (aujourd'hui la Haute école des arts du Rhin). J'avais trop de choses encore à apprendre avec Claude Lapointe, trop de chance de pouvoir accompagner des étudiant.e.s aussi incroyables…
Claude vient de faire sa trentième rentrée dans son atelier d’illustration (et de BD) qu’il a créé. Il en a une vision très large, il le voit presque comme une université populaire, un lieu où il accueille à cette époque jusqu’à 30 personnes par an… Il faut dire que nous avons maintenant plus de 150 étudiants qui viennent tous les ans de plusieurs belles écoles européennes tenter l’équivalence chez nous. Ils sont tous bons, on voudrait tous les prendre, psychologiquement le concours devient difficile à gérer. J’estime qu’au delà de 16/20 personnes, on ne peut plus suivre les projets et encore moins les personnes, on ne tient plus assez bien le groupe. Cette histoire d’effectifs sera notre seul désaccord en 18 ans.
Arrive juin 2005, Claude Lapointe à 65 ans, il fait son dernier cours devant près de deux cents anciens étudiants revenu le célébrer pour l’occasion. Une fête mémorable.
Deux mois plus tard, c’est Guillaume Dégé qui sera recruté pour lui succéder. L’héritage n’est pas facile à endosser mais cet illustrateur / éditeur / éclectique / amoureux des images / de l’histoire des images et les deux pieds dans la création contemporaine a le charisme, la fougue et l’intelligence pour emporter l’atelier vers de nouveaux territoires.
Pendant ce temps, ma « carrière » est à un tournant. Je dessine avec délectation le triptyque « Chimères » avec Thomas Mosdi mais il ne trouve pas son public. Je finis la série « Le légataire » avec Frank Giroud et Camille Meyer, mais là aussi, je suis sur une fin de cycle, ce d’autant plus que je sens la différence grandissante entre ce que je produis comme albums et ce que font mes étudiant.e.s. Bref, il me fallait moi aussi trouver un nouveau souffle. Ce sera une rencontre et une baston...
D’abord la rencontre avec Amandine Laprun et Erwann Surcouf avec lesquels nous feront deux albums qui resteront tout en haut dans mes préférés « Erminio le milanais » chez Vents d’Ouest et « Le chant du pluvier » chez Delcourt .
Puis, la baston… Aux Arts Décos, un directeur aux manières aussi fortes que stupides va nous donner l’occasion d’une tempête mémorable pour sauver le fonctionnement de l’atelier d’illustration.
Dans la tourmente, je fais envoyer une cinquantaine de courriers de soutien de la part de quasiment tout le gratin des éditeurs BD (indé, mainstream français, belges, suisses…) De Jean Wacquet chez Soleil à Jean-Christophe Menu en passant par Jacques Glenat, François Le Bescond ou Jean-Philippe Garçon (six pieds sous terre) … Pas un.e seul.e ne fait défaut! Tous ces éditeurs connaissent l’atelier de Strasbourg et des auteurs qui en sortent… et tous les courriers déboulent en une semaine à la mairie de Strasbourg… ils font du bruit.
Nos différentes mobilisations (avec pétition et articles dans la presse…) font mouche et l’atelier est sauvé. Dans la foulée, après 14 années de contrats précaires La ville de Strasbourg fait un geste, je suis engagé avec d’autres précaires en CDD puis CDI payé à l’année.
En 2011 je fais donc ma première année en tant que « vrai prof » certes à mi temps, mais je veux absolument rester auteur de BD!…
C’est à cette époque que murissait le livre un peu ouf (coucou Sebastien Gnaedig!) que je suis en passe de finir et un spectre administratif qui s’approche à pas de loup… je vous raconterai cela dans le prochain épisode.
JOUR 7 : de brillants étudiants qui ont eu l'amabilité de me faire confiance
Amandine Laprun Élodie Durand Illustratrice Camille Jourdy Glen Chapron Benjamin Adam Matthias Picard, Dominique Mermoux...
Je vous invite, pour celles et ceux qui ne les connaissent pas encore à découvrir leur travail!
par Joseph Béhé