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Entretien avec Nicolas Delestret
interview accordée aux SdI en septembre 2020


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…

Non, du tout ! Dès qu'on me vouvoie, j’ai l’impression d'être un vieux Monsieur…

Merci bien !
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)

Je n'ai découvert ma passion pour le dessin que tardivement, vers 14 ans. Avant ça, je détestais dessiner. Par contre je voulais raconter des histoires. Je ne me voyais pas écrire de romans, mes lacunes en orthographe étant trop importante à l'époque, j'ai opté pour le dessin que je pensais plus facile à apprendre ( la blague !). J'ai suivi un cursus aux Beaux-Arts de Tournai interrompu par la signature de mon premier album : « l'homme qui rit » avec Jean David Morvan au scénario. S'en suit différentes expériences allant des journaux (sciences & vie junior) aux dessins animés ( dofus le film ; la série TV « aux trésors de Kerubim) jeux vidéo, bd de commandes pour un géant du fast food et même la réalisation d'un clip publicitaire interne pour une grande entreprise.
Et bien sûr quelques bd .
J'adore lire, cuisiner, écouter et jouer de la musique et être père.
Pour le compte aux îles caïmans s'adresser directement à Jacques Glénat. 😀

La maison aux souvenirs, recherche de couverture © Nicolas DelestretEnfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?
Enfant je ne lisais que des bd. Un gros lecteur de bd : des journaux comme Pif gadgets et Picsou Mag mais aussi du « gros nez » : Spirou, Tif et tondu, Johan et Pirlouit… etc.

A quel moment l’idée de devenir auteur de BD a-t-elle germée ? Un auteur en particulier a-t-il suscité ta vocation ? Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Plusieurs auteurs m'ont fortement marqué dans ma jeunesse. J’adorais les premiers Spirou de tome et janry. Olivier rameau de Dany aussi. Puis j'ai découvert Calvin et Hobbes (en vo, cadeau de ma sœur qui revenait d'un voyage en Amérique) . Enfin Akira et la Quête de l'oiseau du temps furent aussi des bd importantes dans mes premières années.

Quelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ? Comment le définirais-tu ?
J'aime toutes les étapes du travail d’auteur. C’est un vrai plaisir car ce sont des étapes très différentes qui permettent d'éviter l'ennui.
J’aime aussi pouvoir travailler où je le souhaite, il n'est pas rare de pouvoir me croiser dans un salon de thé ou, en été, au milieu du bois de Lille s'il fait beau.
Les moments de doute face à un dessin peuvent être fatiguant.
C'est aussi un travail ou on ne compte pas ses heures et qui, après 20 ans, abîme bien plus physiquement qu'on ne pourrait le soupçonner : mal de dos, cervical ou tendinites.

La maison aux souvenirs, recherche de couverture © Nicolas DelestretLorsque tu t’es lancé dans l’écriture de La maison aux souvenirs, savais-tu déjà que tu le dessinerais ?
Oui, j'ai vite su que je le ferais de a à z.

Comment est né ce récit intimiste plein riche en émotions et en surprises ?
J'avais envie de parler des souvenirs et de leurs impacts sur nos vies. C'est une thématique assez récurrente dans mes histoires. C'est cette envie qui a déclenché l l’écriture de l’histoire. Généralement je commence l'écriture car une image forte m’apparaît et me donne envie de broder autour mais je ne me souviens plus si c’était le cas ici.

Je me souviens juste que j’avais l'image d'un homme qui rodait près de la maison. Ça devait être un souvenir de David qui aurait, plusieurs fois enfant, aperçu son père suite à sa disparition. Son père venait discrètement observer ses enfants grandir. Cette scène a finalement disparu lors de l’écriture. J'avais pourtant les images très clairement à l’esprit. C’était peut-être ça le point de départ. Je ne sais plus. Rhaaa la mémoire…

La maison aux souvenirs, recherche de couverture © Nicolas DelestretComment as-tu construit les différents personnages de ton intrigue ? Ecris-tu une fiche synoptique pour chacun d’entre eux ?
Jamais au début de la création de l’histoire. Je me laisse porter et souvent je ne m’attache qu’à un personnage. Au fur et à mesure que l’histoire se développe, les personnages se précisent et je commence à les développer à ce moment-là en fonction des thématiques. À partir de là j’écris un petit résumé de la vie du personnage juste pour moi.

L’apparence des différents protagonistes s’est-elle imposée rapidement ou sont-ils passés par différents stades avant de connaître celle que l’on sait ?
Dans l’ensemble les personnages sont sortis assez facilement. David et Marceau, le père d’Aglaé, sont les deux personnages à m’avoir donné du fil à retordre. Je n’avais pas une vision claire de leur personnage. Il existe une version encrée des premières planches où David est complètement différent.

Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
J'ai vraiment aimé animer Théo, David et Eva.

La maison aux souvenirs, planche 1 © Nicolas DelestretDu synopsis à l’album finalisée, quelles sont furent les différentes étapes de sa réalisation ? Quels outils utilises-tu pour composer tes planches ?
Synopsys, recherche graphique personnages et décors, storyboard, crayonné, encrage et couleur.
Pour le scénario, je travaille dans un premier temps sur un petit carnet ou j’entasse les différentes idées. Puis je prends l’ordinateur une fois que je dois débroussailler, mettre en ordre et mettre au propre tout ça.
Les recherches sont faites aussi dans un petit carnet, au bic souvent. Le storyboard aussi mais il peut m’arriver de faire des retouches à l’ordinateur, ce qui permet de zoomer ou déplacer des éléments facilement.
Pour les crayonnés, à l’ancienne au crayon et l’encrage au pinceau.
Enfin la couleur à l’ordinateur, c’est surtout pour une question de temps.

Etant à la fois scénariste et dessinateur, t’est-il arrivé de retoucher l’intrigue ou les dialogue en cours de dessin ?
Je ne retouche pas l’intrigue une fois le scénario écrit. Il est très détaillé et déjà dialogué. Par contre j’aime bien retravailler les dialogues une fois le storyboard dessiné pour les rendre le plus vivant possible.

La maison aux souvenirs, encrage planche 1© Nicolas DelestretQuelle étape préfères-tu dans l’élaboration d’un album?
La plus agréable est l’écriture. J’y prend beaucoup de plaisir. Le storyboard est très agréable aussi, on donne vie aux personnages sans penser à la finition, on peut faire ça n’importe où en plus. Le dessin me donne plus de fil à retordre, j’ai souvent beaucoup de doute face à mes capacités, c’est donc une étape plus sensible. Mais quand on est vraiment content d’un dessin, ce sentiment n’a pas de prix:)

Dans quelle ambiance sonore travailles-tu généralement lorsque tu t’atèles à l’écriture ou que tu t’installes à la table à dessin ? Radio ? Silence monacal ? Musique de circonstance ?
Pour l’écriture , le calme ou de la musique classique ou d’ambiance mais à un niveau très bas.
Une fois que j’attaque le dessin ou le board, là, ça peut monter en décibel. J’aime aussi à cette étape travailler en écoutant des livres audios ou des conférences sur x sujets. Il m’arrive aussi d’écouter des films ou des séries. Sinon papoter avec des amis en dessinant ça marche aussi.

Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
J’ai attaqué une nouvelle histoire toujours chez grand angle ,dans la même collection. Le titre est « le dernier quai ». L’histoire est plus atypique, plus tournée vers le merveilleux. La sortie de l’album est prévue pour début 2022. Je travaille à côté à un projet jeunesse mais j’y vais tranquillement, rien n’est encore signé. Sinon j’ai fini quelques scénarios qui devront trouver des dessinateurs mais je n’ai pas encore « prospecté ». Et puis je termine aussi le scénario qui suivra « le dernier quai ».
Pas mal de taf en somme:)

La maison aux souvenirs, mise en couleur planche 1 © Nicolas DelestretTous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
En film cette année j’ai aimé love Story ou Moonlight que j’ai vu avec quelques années de retard.
Pour les romans j’ai beaucoup aimé « soie » de Alessandro Barrico ou « neige » de Maxence Fermine. Un gros coup de cœur de ces dernières années fut pour la passe-miroir de Christelle Dabos mais je n’ai toujours pas lu le dernier !
Pour la musique j’aime bien le disque de Billie Eilish .Ces dernières années, le dernier tool et le dernier dead can dance m’ont bien plu aussi.
En bd : locke and key , saga , x the last man.(je me fais un rattrapage comics en ce moment)
En fait j’ai lu et regardé plein de choses mais ma mémoire en garde moins la trace ...

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non non c’est très bien comme ça !

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…

La maison aux souvenirs, planche 2 © Nicolas Delestretun personnage de BD: Onizuka
un personnage mythologique: Cupidon
un personnage de roman: Bandini dans la 50 taine
une chanson: Starless de king crimson
un instrument de musique: le violoncelle ou le hautbois
un jeu de société: munchkin
une découverte scientifique : un vaccin contre l’intolérance
une recette culinaire: un plat en sauce qui mijote longtemps mais lequel ?
une pâtisserie: un mille feuille
une ville: lille
une qualité: gentillesse
un défaut: gentillesse
un monument: aucune idée !
une boisson: de l’eau
un proverbe: la nature, qui ne nous a donné qu’un seul organe pour la parole, nous en a donné deux pour l’ouïe, afin de nous apprendre qu’il faut plus écouter que parler.


Un dernier mot pour la postérité ?
Des gros bisous à tous ceux qui ont lu cette interview !

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Et un grand merci à vous !!
Le Korrigan