Haut de page.

Entretien avec Benoit Du Peloux
interview accordée aux SdI en octobre 2020


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…

Ça ne me pose pas de problème, adoptons le « tu ».

Merci bien smiley
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)

Je ne suis pas tout à fait un » perdreaux de l’année «, je suis né en 60. Mon père était agriculteur et j’ai donc vécu à la campagne une bonne partie de ma jeunesse. C’est là que j’ai puisé une bonne partie de mon inspiration. La nature, les vieilles pierres, les animaux, la beauté des paysages, tout m’enchante à la campagne !

Malheureusement il a bien fallu la quitter … Étude classique, bac D puis université … Et premier boulot à Paris … Pour me rapprocher des maisons d’éditions.

Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?
J’ai toujours beaucoup lu, des B. D bien sûr, mais aussi des romans, les aventures de Davy Crockett, le club des 5, les contes de Perrault, Grimm, etc … , Plus tard , l’île au trésor, le livre de la jungle, sans famille , Arsène Lupin, Jules Vernes , Bob Morane, le seigneurs des anneaux … etc...etc …

En B.D c’était assez classiques : Astérix, tintin, Lucky luke, Moky et Poupy ...

Tracnar et Faribol, le cahier graphique : le loup © Bamboo / Du PelouxQuel album conseillerais-tu à un lecteur de romans désireux de s’ouvrir au neuvième art ?
Il y a plusieurs romans dont j’ai eu, en les lisant, l’envi d’en faire des scénarios : Les pilliers de la terre, Ces messieurs de Saint Malo, les rois maudits, Michel Strogoff … Et surement d’autres .

Non, je voulais dire quelle BD pour s’initier… à la bd !
C’est difficile à dire, il y a tellement de style de roman … Bran Ruz0 de Auclair .

A quel moment l’idée de devenir auteur de BD a-t-elle germée ?
Je crois que j’ai toujours voulu être auteur de B.D. J’ai dessiné ma première B.D à l’âge de 5 ou 6 ans

Quel en étais le sujet ? As-tu gardé trace de ces premiers travaux ? Tes parents t’ont-ils encouragé dans cette voie ?
La toute première c’était après avoir vu un dessin animé où l’on voyait un ours qui tentait d’hiberner et qu’un écureuil venait déranger .
Quelques années plus tard c’était l’histoire d’un petit indien genre Yakari .

Tracnar et Faribol, le cahier graphique : le Renard © Bamboo / Du PelouxUn auteur en particulier a-t-il suscité ta vocation ?
Uderzo sans conteste, pour moi c’est l’un des plus grands. Il était aussi bon dans le réalisme que dans l’humour ! Gamin je découpais dans « la vie catholique » que recevais ma grand-mère , les pages de « Belloy chevalier sans armure « .

Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Oui, sans conteste ! Je ne connaissais personne dans le milieu et je n’ai fait aucune école de dessin. Je ne savais pas trop par quel bout ça se prenais. Je me suis essayé à « carte blanche « pour Spirou . J’ai reçu une réponse me disant de ne pas insister tellement j’étais mauvais …

J’ai ensuite envoyé des projets chez différents éditeurs … Il a fallu attendre très longtemps avant d’avoir une première réponse positive .
D’ailleurs, même après le succés de « Triple galop » c’est toujours compliqué de « caser « un projet … Il m’a fallu batailler ferme pour imposer « Tracnar et Faribol » .
J’ai donc pendant une quinzaine d’année travailler pour la pub et différents magazines pour vivre .

Pourquoi Tracnar et Faribol a-t-il été si difficile à imposer alors que tes planches donnent d’emblée l’envie de se lancer dans la lecture ?
Ça il faudrait le demander aux éditeurs … Le lombard m’a répondu qu’il avait leur cota de B.D animalière pour l’année … Les autres c’étaient des lettres types … Je pense aussi que je ne sais pas très bien monter un dossier qui donne envie . J’ai un autre défaut, je ne suis jamais dans la mode, dans ce « qui se vend « . Mes projets répondent à mes propres envies, mes coups de cœur . Ça m’a réussi avec Triple galop dont personne ne voulait . Sport trop élitiste me disais t’on . Même Olivier n’y croyais pas trop, mais il avait une case sport à remplir . Au vue du succés , tous les éditeurs ont lancés leurs séries « cavalières » . En fait le problème numéro un des éditeurs c’est qu’ils se copient tous. Quand un succès sur un thème pas encore exploité apparait, vous pouvez être sûr que tous les autres lanceront une série dans le même genre .

Tracnar et Faribol, le cahier graphique : le Roi © Bamboo / Du PelouxQuelles sont pour vous les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Pour moi c’est de concevoir et dessiner une histoire, qu’elle sorte en album et que le public l’apprécie. La difficulté c’est de persuader un éditeur que votre idée est bonne ...

Comment définiriez-vous le métier d’auteur ?
Je pense que pour faire ce métier il faut être passionné, chaque jour il faut être impatient de s’assoir à sa table à dessin pour créer .

Dans quelques jours paraîtra Tracnar & Faribole… Comment est née cette aventure jubilatoire qui semble tenir autant des contes de notre enfance et du Roman de Renart, recueil de contes animaliers datant du Moyen-Âge qui s’abreuvent à de multiples sources et traditions ?
J’ai toujours aimé les contes ! Je me souviens de mon premier Disney au cinéma, c’était Blanche Neige. J’aurai voulu que ça ne s’arrête jamais. C’était merveilleux …

Ensuite, depuis toujours j’ai voulu faire de la B.D animalière, j’avais un projet , il a fort longtemps, qui à pas mal tourné dans les maisons d’éditions, mais qui finalement ne c’est pas fait … « Un B.D animalière, ça ne marchera jamais ! » avait conclue Didier Chrisman ...

Tracnar et Faribol, le cahier graphique : la Princesse © Bamboo / Du PelouxQuels sont vos références en matière de récits anthropomorphiques et pourquoi d’ailleurs avoir opté pour un récit mettant en scène de tels personnages plutôt que d’opter pour un récit plus « classique » ?
Bien sûr « Blacksad » . D’autant que grâce à lui les portes des éditeurs se sont enfin ouvertes aux récits animaliers.

Comme je l’ai dit, j’ai toujours voulu faire de la B.D animalière, j’aime dessiner les animaux et je pense, pour les avoir beaucoup observé, être assez bon dans ce domaine. De plus mon récit très picaresque, se rapprochais beaucoup de l’ambiance du « Roman de Renart »

A quand remonte ta découverte avec ce fameux Roman de Renart et qu’est-ce qui t’a séduit dans ce récit truculent?
J’étais gamin, c’était la maîtresse de la petite école primaire qui nous en a lu quelques réçits , ça m’a fasciné . C’était à la fois drôle et inventif, poétique même . J’étais dans un univers décalé qui porte à la rêverie et puis c’était beaucoup plus subtile que les histoires habituelles que l’on sert aux gamins .

Comment as-tu élaboré Faribol et Tracnar, les deux fripouilles attachantes dont tu as fait les héros de ton récit ? Sont-ils passés par différents stades avant de revêtir l’apparence que l’on connaît ?
Je pense qu’il ne faut jamais aller à contre pied de l’imaginaire collectif ; Donc le renard, Faribol, devait être malin et roublard et le loup, Tracnar, un peu bête et méchant. Sinon, si l’on parle du dessin, j’essayes de ne pas être influencé par des archétypes déjà trop connue… De faire du sous Disney pour être claire. Je pars donc toujours de l’animal réel et ensuite je cherche à le caricaturer. Donc je crayonne jusqu’à obtenir quelque chose qui me plaise.

Tracnar et Faribol, le cahier graphique : personnages © Bamboo / Du PelouxComment as-tu travaillé la distribution des rôles, donnant à tel ou tel personnage l’apparence de tel ou tel animal ?
Là encore je suis resté dans la tradition, Le roi est un lion ...etc … Et puis j’ai pris des animaux peu utilisés, comme par exemple le sanglier, qui a l’image de la brute épaisse et qui allait donc bien pour figurer des gardes .

Pour cet album, tu as complétement renouvelé ton style… Comment as-tu organisé ton travail sur l’album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de ton travail ?
Oui, mon style est très différent de « Triple galop », mais je m’y sent particulièrement à l’aise . Ça n’a donc pas été trop dure de m’y glisser .
L’écriture d’un scénario commence par une idée, qui me vient par des lectures, des rencontres, des reportages, que sais-je ? … Ensuite ça « mouline » , j’y pense, j’y reviens à mes moments de détente et petit à petit l’histoire se dessine . Je cherche avant tout à ce qu’il y est un final qui soit original , quelque chose que le lecteur n’anticipera pas .
A partir de là « j’écris « mon scénario en rough . Ça me permet de couper des cases, en rajouter, bref de bidouiller et de voir si le réçit fonctionne . Quand la totalité de l’album est ainsi crayonné , je peux le tester auprès de mes proches et de mon éditeur . Je corrige, je réduit certaine séquense, en allonge d’autres . Et quand à mon sens , ça fonctionne alors je passe au crayonné définitif .
Pour Tracnar et Faribol,comme j’avais besoin de roder mon dessin , j’ai crayonné toutes les pages avant de me lancer dans la finalisation .

Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser les différentes étapes ?
Donc il y a eu le storyboard, dessin très griffonné, ensuite le crayonné poussé. A partir de là je scanne le crayonné, que je nettoie à l’ordinateur et que j’imprime en gris très claire sur du papier aquarelle 300 gr. A l’encre de chine je renforce les traits des premiers plans et je me lance dans l’aquarelle. Jamais d’encre ! Elles donnent de belles couleurs, mais ne résistent pas à la lumière.

Work in Progress
Tracnar et Faribol, le cahier graphique : personnages © Bamboo / Du Peloux Tracnar et Faribol, le cahier graphique : personnages © Bamboo / Du Peloux Tracnar et Faribol, Page 10 © Bamboo / Du Peloux
Tracnar et Faribol, rough de la page 11 © Bamboo / Du Peloux Tracnar et Faribol, rough de la page 1 © Bamboo / Du Peloux Tracnar et Faribol, rough de la page 27 © Bamboo / Du Peloux
Tracnar et Faribol, rough de la page 29 © Bamboo / Du Peloux Tracnar et Faribol, mise en couleur de la page 20 © Bamboo / Du Peloux Tracnar et Faribol, mise en couleur de la page 41 © Bamboo / Du Peloux

Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Je pense que c’est la mise à l’aquarelle, c’est l’étape finale où j’essaye de faire correspondre mon imaginaire avec le rendu sur papier. Ça peut être jubilatoire quand c’est réussi.

La nature occupe une place centrale dans ton récit… Quelle saison préfères-tu mettre en image (et, accessoirement, pourquoi ? ) ?
J’aime bien l’hiver et les paysages de neiges. Ça donne de beaux contrastes. Et puis dans un récit, il y a un côté dépaysant et romantique dans ce style de paysage qui n’est pas inintéressant.

On s’attache à tes deux sympathiques vauriens et on a un petit pincement au cœur en refermant l’album en se disant qu’il serait bougrement dommage de ne pas en faire une série au long cours… Est-il envisageable de les retrouver dans d’autres aventures ?
Dans le prochain album, sur lequel je suis, ils sont tous les deux là. Je pense avoir du mal à totalement les abandonner.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Je viens d’écouter l’enregistrement de Dutronc au Casino de Paris : Superbe !
Sinon je regarde pas mal de séries et bien sûr Le trône de fer . C’est superbe, décors, costumes, scénarios, sauf l’ultime saison …
J’aime beaucoup les comédies anglaises. Je viens de revoir 4 mariages et un enterrement. Très bon moment !
En B.D : Les indes fourbes avec le dessin magnifique de Guarnido et Aldobrando , Une bonne histoire .

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Mes films préférées :
Le nom de la rose
Le bal des vampires
Mon nom est personne
Indiana Jones (les premiers)

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…

Tracnar et Faribol, portrait de l'auteur et d'un paresseuxun personnage de BD: Yakari (rève de gosse, être un indien au milieu des animaux)...
un personnage mythologique: Pégasse (être un cheval et en plus voler…)
un animal:un faucon (ça doit vraiment être génial de voler !)
un personnage de roman: D’Artagnan
une chanson: Les loups sont entrés dans Paris
un instrument de musique: Piano
un jeu de société: le Cluedo
une découverte scientifique: La théorie de la relativité
une recette culinaire: Le lièvre à la royale
une pâtisserie: Paris Brest
une ville: Vannes
une qualité: Persévérant
un défaut: Demandez à ma femme ...
un monument: Le mont saint Michel
une boisson: Un wiskey hors d’âge
un proverbe : Patience et longueur de temps font plus que force ni que râge.

Un dernier mot pour la postérité ?
Une devise que j’essaye d’appliquer : Plus est en toi.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan