Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
ok pour le « tu »

Merci, tu m’enlèves une sacrée épine du pied…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Trop long, trop âgé, voir wikipédia pour les plus curieux.

Enfant, quel lecteur étai-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?
Mickey, Pif, Calvo, les Tout l'univers avec des illustrations de folie, Lucky Luke, Astérix, tout le franco-belge, puis Hermann et Giraud.

A quel moment l’idée de devenir auteur de BD a-t-elle germée ? Un auteur en particulier a-t-il suscité ta vocation ? Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Vers 10-12 ans, les Tuniques bleues, Calvo, Hermann. J'ai annoncé à mes parents que je voulais faire de la bande dessinée, ils m'ont dit passe ton bac on verra après.

Quelles sont, pour toi, les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Terminer un album, frémir en attendant sa sortie, ouvrir le carton pour découvrir les premiers exemplaires , carresser les couvertures et les sentir:) . Se lancer dans un nouveau projet, c'est excitant, pendant le confinement j'ai proposé à quinze des plus grands auteurs de western de participer à un projet assez fou, ils ont accepté ! Le directeur de collection Hervé Richez et moi-même n'en dormons plus, le sommeil reviendra dans qq années .

Les déceptions sont autres, un dessin qui ne vient pas facilement, l'énergie pour se mettre à sa table à dessin qui faiblit après 20-30 ans de métier, les faibles ventes ou l'accueil décevant sur un livre auquel on a tout donné, certains auteurs jettent l'éponge.

Quand est née ta passion pour le western ? Un film en particulier vous a-t-il donné le goût des grands espaces et de l’ouest sauvage ?
Little big man, Butch Cassidy et le Kid, les Leone, les Gary Cooper, etc... Et puis les chevaux à la maison, l'odeur du foin qu'on donne le matin avant de partir au collège...

Si tu devais conseiller 3 westerns à un de nos lecteurs désireux de parfaire sa culture cinématographique, quels seraient-ils ?
Ceux que j'ai cité, et puis Hostiles, Tombstone, Danse avec les loups, Impitoyable... Pourquoi s'arrêter à trois:) ?

J’ai cru comprendre que ta préférence allait aux westerns classiques plutôt qu’aux western spaghettis… Que reprochez-vous aux films de Sergio Leone ?
Bin rien

J’ai du mal comprendre
Pourquoi avoir mis tant de temps avant de signer La Piste des Ombres, ton premier western ?
Il faut trouver l'éditeur qui vous dit : « ok, coco, ton projet il est trop d'la balle, tu te lances, trois millions, ça te va ? » (pour commencer, bien entendu !...) . Mais dans la réalité, l'éditeur ne connait rien à la création, il a des chiffres, il aligne à la salle de réunion les albums qui cartonnent chez les concurrents et il dit « bon, les enfants, il va falloir trois albums d'heroic fantasy cette année, deux bouquins pour les gamines prépubères, ça lit beaucoup, la gamine pré pubère, et deux-trois polars sf, c'est à la mode. Quelqu'un a un projet sur le confinement ? Je sens que ça va marcher, ça, le coronas machin et tout le toutim »... et à une période donnée de mon existence, le western, fallait pas en parler...

À l’instar de Buffalo Runner, Ghost Kid parle de la fin d’une époque et du début d’une nouvelle ère… Pourquoi avoir choisi de situer tes deux récits à cette période charnière ?
Je n'avais pas fini de raconter le ressenti de ces vieux cowboys dépassés par le monde. C'est un thème universel, on est tous dépassés un jour ou l'autre, par la musique, la technologie, une vision du monde qui évolue pour les nouvelles générations. « aut'fois, c'était bien mieux ma pauv' dame»...

Comment a-tu construit le personnage de Ambrosius Morgan, héros vieillissant de Ghost Kid ?
Je ne sais pas, un peu de moi, sans doute, un peu des gens qui m'entourent, je suis un vampire, j'adore saisir des petites choses chez les gens, des réflexions, des expressions.

Son apparence s’est-elle imposée d’emblée ou est-elle passée par différent stades avant de revêtir celle que l’on sait ?
Il me fallait un vieux cowboy buriné mais différent de mon vieux chasseur de bisons de Buffalo runner, au visage en lame de couteau. Ambrosius a le nez plus rond, plus de joues, il a encore les cheveux bruns malgré la cinquantaine. Je l'ai dessiné très rapidement, il était dans mon cerveau malade depuis certainement longtemps déjà

Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Ambrosius c'est le principal protagoniste, ses émotions devaient passer malgré ses yeux plissés. L'enfant me plaisait à dessiner pour son côté énigmatique et touchant.

Concrètement, du synopsis à la planche finalisée, comment s’est organisé ton travail sur l’album ? Quels outils utilises-tu pour composer tes planches ?
Après l'écriture du scénario, découpé scène par scène puis par pages et cases, je crayonne tout l'album, puis reviens dessus afin de modifier et corriger ce qui m'apparait avec le recul, puis encrage au pinceau et encre de chine,de la totalité des planches puis couleurs, encres écolines et gouache. Cela m'évite de perdre du temps à me réaclimater à chaque changement de technique.

Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Aujourd'hui, l'écriture. Le dessin est fastidieux, long, laborieux. Les crayonnés ont encore ce petit je ne sais quoi de surprises.

Dans quelle ambiance sonore travailles-tu généralement ? Silence monacal ? Radio ? Musique de circonstance ?
Pour le scénario, je m'enferme dans mon atelier, musiques de films, folk, Antony and the Johnson, Angus &Julia Stone, Aldous Harding, etc

Aurais-tu une B.O. à conseiller pour accompagner la lecture de l’album ?
Le dernier album de Johnny Cash, la B.O. de l'Assassinat de Jessy James, La B.O. de La ligne rouge...

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Angèle, une jeune chanteuse Belge aussi belle que talentueuse. Trop de bd pour les citer mais la production de qualité est là, avec de jeunes auteurs qui déchirent.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Oui, j'ai mangé de la paella ce midi

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…

un personnage de BD : Red Dust de Comanche
un héros de western : Butch Cassidy
un personnage mythologique : moi
un personnage de roman : Dorian Gray
une chanson : Patrick Watson the great escape
un instrument de musique : le piano
un jeu de société : Risk
une découverte scientifique : que la Terre est ronde
une recette culinaire : noix de saint-jacques à la crême
une pâtisserie : poudding
une ville : aucune
une qualité : ténacité
un défaut : ténacité
un monument : La bibliothèque d'Alexandrie
une boisson : rhum arrangé
un proverbe : araignée du jour, jour...

Avant de nous quitter, peux-tu nous dire quelques mots de l’Enfer pour aube à paraître chez Soleil…
L'Enfer pour aube sera en deux tomes une histoire de Philippe Pelaez se déroulant en 1903 à Paris. J'ai adoré son écriture et, moi qui ne voulais plus travailler sur des scénarii d'autres per-sonnes, j'ai craqué. Je me suis rattrapé en écrivant un album réunissant quinze pointures du wes-tern.


Un dernier mot pour la postérité ?
Prenez soin de notre petite planète.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Merci à vous