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Entretien avec Rebecca Morse
interview accordée aux SdI en mars 2021


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…

obviously not smiley

Merci ! Vous m’en voyez ravis… smiley
Enfant, quelle lectrice étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?

J’ai mis longtemps à sortir, bébé, et ma mère maintient que c’était parce que j’étais déjà calée tranquillement avec un livre et que je ne voulais pas bouger. Donc, oui, j’étais absolument la binoclarde qui fait pas trop de bruit, planquée dans sa chambre ou tous les midis au CDI, le nez dans un bouquin. Vers mes 9 ans, un ado fils d’amis de mes parents m’a fait jouer à Hero Quest et m’a dit d’absolument lire Bilbo le Hobbit, ce qui a marqué un virage appuyé de mes goûts et mon imaginaire vers la fantasy. J’avais donc digéré Le Seigneur des Anneaux et le Silmarillion avant le collège, et ça reste des livres à l’odeur familière et nostalgique. J’avais la chance qu’on recevait le catalogue Scholastic et ma mère me laissait régulièrement y commander des livres anglophones “de mon âge” qui m'intriguaient. J’adorais les livres de la série YA Wizards de Diane Duane, qui commencent seulement à être traduits en VF, je voulais être de ce monde magique là, c’était avant Poudlard, et la philosophie de l’univers y est plus forte et humaine, je trouve encore aujourd’hui.

Dragon & Poisons, baaaaaasssstttonnn! © Rebecca Morse Les BDs de mon enfance, c’était celles de mes parents, surtout, les classiques Astérix et Tintins…. et les Claire Bretécher, pleines de trucs d’adultes que je comprenais pas trop. Yavait des Servais, et des tomes discontinus de Balade au Bout du Monde au CDI du collège qui me fascinaient. Je faisais des BDs d’humour pour le journal du collège…. En vacances chez un ami, mon père et moi sommes tombés dans sa collection d’intégrale de Thorgal, je crois que c’est là que j’ai commencé à voir les possibilités de la BD plus épique, avec de vrais arcs narratifs… Et puis à l’adolescence, lors d’un voyage aux US, j’ai découvert tout à fois les comics strips du dimanche dont Calvin&Hobbes, les comics sexy et modernes type Witchblade et Fathom, et puis surtout, l’anime et les manga… (re-découverts, un peu? Je suis arrivée en France vers la fin de l’ère Club Dorothée, mais j’avais bien vu les diffusions de Lady Oscar, Princesse Sarah…)

A quel moment l’idée de devenir autrice de BD a-t-elle germée ? Un auteur en particulier a-t-il suscité ta vocation ? Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
J’ai toujours dessiné, et j’ai pas mal appris en recopiant des dessins de BD. Et j'écrivais des histoires… mais je ne crois pas avoir vraiment pensé que je voulais faire de mon métier le raconter-des-histoires-en-images ainsi, petite. Ado, je disais donc, j’ai eu ma grosse phase manga, et j’étais embarquée dans un projet épique de saga d’héroic-fantasy shoujo tourmentée avec ma meilleure amie, j’en ai rempli des carnets…. et je dessinais (en cours…) sous forme de petits persos SD les aventures de nos persos de JdR (c'était avant Les Légendaires….!). Mais je ne connaissais pas vraiment le monde contemporain de la franco-belge.
Des trucs qui m’ont vraiment parlé, c’est les mangas de Rumiko Takahashi - la folle énergie et les délires des persos déformés lors des scènes comiques - et, je pense, The Essential Calvin&Hobbes dans lequel Watterson parle beaucoup de son métier, ses processus, ses envies…
En école d’art, évidemment, ça a été le foisonnement d’échanges et de discussions. On s’extasiait tous sur le nouveau Blacksad, et j’ai passé quelques soirées étudiantes en mode asociale, à fouiller les étagères BDs des camarades….
Je pensais vouloir faire de l’animation, et j’ai pris cette spécialisation à Emile Cohl, mais finalement c’est mes profs de BD, les frères Jouvray, qui m’ont filé le bug. Très bons pédagogues, ils communiquaient vraiment le kiff de la narration séquentielle, et nous faisaient faire des exercices très complets et concrets, professionnalisants. (Le prof d’anim, lui, n’aimait pas mon dessin…. et je ne voulais pas faire de 3D….)
Dragon & Poisons, rough © Rebecca Morse
Quelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ? Comment définirais-tu le métier de dessinatrice ?
La raison pour laquelle j’ai toujours un peu hésité entre l’animation et la BD, c’est à cause de la zone qui se recoupe sur un des trucs qui me font vibrer : la phase storyboard. Le moment où on a une idée ou un texte écrit et qu’on veut le mettre en images, de la façon la plus efficace possible ; quand le dessin est au service d’une narration. C’est la partie du travail qui fait le plus mouliner du cerveau, en fin de journée on est essorés et on a juste des griffonnages pas aboutis, mais c’est le plus magique, pour moi. Ça, et épingler l’expression, l'émotion juste sur un visage. C’est ce pur art de la narration séquentielle, une grosse part d’instinct soutenue par ce qu’on a pu apprendre et absorber chez d’autres. Ça, j’adore. La partie du travail où il faut tout finir et tout dessiner soigneusement… ça reste un plaisir, mais je suis alors plus confrontée à mes limitations techniques ou de dessin pur, les doutes s’immiscent, l’ennui parfois. Je n’aime pas trop faire du dessin “gratuitement”, pour le beau ou pour le défi technique, j’ai pas bien le feu sacré si mon image ne raconte pas un truc. C’est ballot pour étoffer son portfolio, ou s’entraîner efficacement !

Dragon & Poisons, work in progress © Rebecca Morse J’ai découvert quasiment seulement en étant publiée, le monde professionnel de la BD franco-belge, son lectorat, les festivals - j’en avais très peu fait en tant que lectrice ou fan. J’adore ! Voir ce que font les collègues dessineux, c’est “énervant” au sens premier et positif du terme - ça énergise ! ça me complexe et ça me remotive à la fois. Et y’a une sacrée camaraderie, une grosse fierté de se retrouver à tutoyer à table ses propre idoles du dessin…. C’est aussi le seul moment - à part stalker les forums et faire des recherches ego-google ! - où on a un retour des lecteurs sur son travail, et je me considère avant tout une “entertaineuse”, j’aime savoir que j’ai communiqué avec mon public. J’ai ma double culture anglophone et française, et j’ai souvent déploré une attitude élitiste en France - un fossé entre une certaine Culture, pleine d’entre-soi et de nombrilisme et d’Auteurrrrs, chiante comme un dimanche de pluie dans un appart bourgeois parisien dans lequel un couple se déchire sur leurs infidélités avec une mauvaise prise de son…..et la production d’œuvres populaires franchement pas finaudes, clairement méprisées et méprisables. J’en veux pour preuve la quasi disparition du cinéma français de genre (où sont les Gandahar et les Metal Hurlant d’antan?!), la dévolution consternante des comédies musicales françaises ! par opposition à du divertissement populaire de qualité type productions de la BBC - bref - ça s’améliore carrément en ce moment avec les possibilités de Netflix, ce que fait Alexandre Astier, etc…. mais les meilleures idées de scénarios “gros budget” français actuellement, pour moi, sont dans la BD ; et à quelques rares Auteurs Du 9e Art encensés près, la majorité de cette profession est consciente qu’elle ne fait rien de plus - rien de moins ! - que de vendre une demi-heure de divertissement à ses lecteurs. Pour un certain public et une partie des gardiens du temple de la Culture, la BD, ça ne sera jamais plus que “des ptits Mickeys”... donc ça limite la prise de melon.

Dragon & Poisons, work in progress © Rebecca Morse Avec tout ça, j’ai conscience de venir d’un milieu assez aisé, avec des parents qui ont pu me payer des études d’art et me soutiennent dans ce choix de carrière, ce qui est une sécurité énorme dans une profession aussi sauvagement libérale et mal reconnue. Je suis solidaire des camarades auteurices dans les nombreux combats et coups de stress de la profession depuis de nombreuses années. Le rapport Racine a pointé de multiples soucis avec nos organismes de gestion collective et nos différents régimes impôts/retraite/santé mal accordés, ya l’URSSAF qui nous récupère et fait n’importe quoi depuis, et les Etats Généraux de la BD ont clairement dégagé les chiffres d’une précarisation grandissante des auteurs dans un marché de la vente de BDs en pleine forme. Le livre, et d’autant plus la BD, est situé sur une jonction incongrue de l’objet d’Art et de culture, et un produit marchand. C’est dur parfois de réconcilier des rapports amicaux avec nos interlocuteurs directs en maison d’édition, avec qui on boit des coups en festival et on parle entre passionnés, et des négociations inéquitables et rapaces sur des prix planches ou pourcentages. Et malheureusement, on a beau produire quantité de dessins acerbes et drôles pour dénoncer les choses ou tenter le boycott des dédicaces des fois, nous n’avons ni pouvoir de nuisance par nos grèves, ni grande compréhension ou sympathie de la part du grand public - vu que nous faisons ce metier passion, que nous aimons dessiner, que c’est pas non plus l’usine…
Comme a pu le résumer un collègue, c’est pas un “vrai” métier dans le sens où, un métier on doit pouvoir en vivre en le faisait juste bien, et pas seulement si on devient une célébrité best-seller.
Bref, allez voir les sites de La Ligue des Auteurs et la AAA…
C’est dur parfois d’avoir l’impression que, en plus de nos revenus, notre valeur en tant qu’artiste et personne est liée à nos succès ou échecs commerciaux, qui dépendent parfois de facteurs tellement variés. Je répète que j’essaie de garder à l’esprit le facteur chance, d’être philosophe, parce que y’a toujours plus jeune et plus doué que soi !

Et sinon, j’avoue aussi être assez irritée par un vieux sexisme dans le milieu qui peine à s’évaporer, tout de même. On est de plus en plus d’autrices ; certaines vieilles gloires de la “BD à papa” ont du mal à s’y faire de ne plus être entre couilles au bar du festival, certains collègues masculins jeunes se croient malins à faire de la provoc réac, certains lecteurs ne nous attendent pas ailleurs qu’en jeunesse, et y’a toujours un peu beaucoup de nichons dans les livres d’or. Il arrive un moment, après qu’on se soit pas mal écrasée devant ses “senpais”, on a accepté le paternalisme quand on était débutantes par manque de confiance et respect envers de longues carrières, mais quand l’attitude n’a toujours pas changée après des années dans l’arène, qu’on voit la même chose arriver aux amies, des autrices super-compétentes et sous-sélectionnées sur des projets, ce n’est plus une question de devoir faire ses preuves, c’est du sexisme.

Mais on en parle, et on se soutient !
Dragon & Poisons, recherches © Rebecca Morse
Comment as-tu rencontré Isabelle Bauthian avec qui tu a signé Yessika, voyance, amour, travail, argent... ou encore Alyssa avant d’entamer le jubilatoire Dragon & Poisons qui vient de paraître sur les étals ?
Le forum cafésalé ! Au moment où j’étais étudiante, il était encore bien actif et fréquenté par beaucoup de jeunes amateurs et pros. Mon nouveau copain, également dessinateur, cherchait des projets BD… je fouillais dans le thread “scénariste cherche dessinateur” pour lui, à la base, moi je pensais toujours m’orienter vers un travail en studio d’animation. Et Ia toooouute dernière annonce c’était Isabelle qui pitchait « Yessika ». Et ça ressemblait pas mal au dossier BD théorique que j’avais monté en cours l’année d’avant, comme projet société/tranche de vie…. et puis j’imagine qu’Isabelle avait bien rédigé son pitch, je me souviens plus! J’ai pris contact avec elle par mail, j’ai pu la rencontrer à l’occasion d’un voyage à Paris… on s’est avérées créativement très compatibles, et elle avait déjà l’expérience de quelques parutions et un petit succès critique pour appuyer notre dossier, ce qui m'a évité quelques écueils de débutante, je pense.

Dragon & Poisons, work in progress © Rebecca Morse Alyssa, c’est une série qui a pour bonne-fée marraine Audrey Alwett. Nous avions fait après Yessika un dossier ‘Petite Génie’ qui avait été refusé par Glénat, il n’était franchement pas assez abouti. J’avais monté d’autres dossiers (en jeunesse) que je croyais mieux engagés… et puis j’ai repéré le nom d’Audrey, je crois sur son écriture d’un album de vampire que j’avais trouvé bien mené et original en le feuilletant en magasin.... Un peu de recherches sur son blog m’a convaincu de sa démarche (entre autres, son projet de créer une collection de BD “shoujo” chez Soleil, à l’époque). J’ai tenté une approche à froid par mail, en tant que dessinatrice-en-recherche-de-scénariste, j’aime-beaucoup-ce-que-vous-faites. Elle m’a fait quelques retours francs sur mon travail… et surtout a dit qu’elle était overbookée en tant que scénariste, mais cherchait des projets pour la nouvelle collection qu’on lui avait confiée. Nous avons ressorti Alyssa des tiroirs, et Audrey m’a fait sérieusement reprendre le chara design et le rendu, jusqu’à trouver cette bouille de rouquine. Elle a soutenu cette série à fond, elle peaufinait les gags, et nous a obtenu un tome 4 contre vents et marées éditoriales.

Elle et Isabelle et Christophe Arleston s’entendaient bien et se sont lancés ensemble dans l’aventure Bad Wolf, l’écriture de “vrais” livres. Nous participions au Lanfeust Mag, également… bref, Isa et moi étions dans le réseau d’Arleston quand il a pu créer Drakoo.

Isabelle a fait un peu des manières pour me rattacher au projet… elle avait son synopsis validé par Christophe et est venue me demander si je ne pouvais pas lui conseiller un.e camarade pour le dessin..! En fait je crois qu’elle avouera que c’était une demande indirecte… mais il est vrai que jusque-là je n’avais fait presque que de la jeunesse, je devais faire mes preuves sur un dessin plus adapté à l’héroic-fantasy, et à la hauteur du lancement de l’identité Drakoo. No pressure, donc.

Je savais déjà qu’on formait une bonne équipe avec Isabelle, mais l’approbation d’Arleston, avec son expérience et son carnet d’adresses plus que fourni de dessinateurs expérimentés et partants pour sa nouvelle collection, ça reste quelque chose d’assez énorme. Un autre coup de chance professionnelle, d’avoir été dispo à ce moment-là...
Dragon & Poisons, encrage numérique, WIP © Rebecca Morse
Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce scénario iconoclaste d’heroïc-fantasy?
Evidemment donc, le combo professionnel susnommé, dont l’opportunité de signer chez ce nouveau label Drakoo/Bamboo créé avec un réel engagement de rénumération décente des auteurs et du volontarisme éditorial pour soutenir les albums lancés. Et l’incroyable chance d’avoir Christophe au suivi éditorial, avec de vrais retours sur les planches, et ajustements efficaces d’écriture.

(Bonus aussi : j’avais intégré depuis peu l’atelier de Florent Maudoux, qui est un ange d’encouragements et très très TRES fort pour aider au découpage de scènes d’action….)

Et comme une autre évidence, ma confiance absolue dans le talent d’écriture d’Isabelle et de son écoute et son respect professionnel, quand j’ai des remarques à faire. Depuis Alyssa, madame avait quand même gagné des prix pour son écriture de fantasy en romans, ça ne pouvait être que bien. Et oui, comme toujours, Isabelle sait écrire des personnages cohérents et consistants qui sont une évidence à habiter/animer/dessiner, avec empathie. Pour avoir comparé un peu son écriture avec d’autres scénaristes de BD, j’apprécie le naturel de ses dialogues et la progression organique du récit - les persos font des choix, réagissent aux choses, entraînent la narration que l’on vit à leur hauteur, plutôt que d’être baladés par un plot plein de twists “malins” calculés. Je pense que le travail éditorial de Christophe a apporté un petit plus de "caféine" pour une BD d’aventure rythmée et efficace.
J’ai adoré Natch et son manque de chichis, et le défi de faire une héroïne de BD pro-active pas trop pin-up. Oui, elle est sexy - ou plutôt sexuelle - et “badass”, et on l’a évincée du tome 1… pour mieux la faire revenir casser des bouches dans le tome2, ce qui fut un régal. J’aime bien que Greyson soit en partie le résultat de notre tendresse à toutes les 2 pour la série Musketeers et son Porthos métissé. Et Névo tellement malin et foireux.

Bon, et évidemment, en tant que fan avouée de fantasy et de tous les classiques et clichés, c’était un régal absolu de devoir créer notre version d’un dragon. Gros kiff que ce gros saurien asocial et son acariâtre acolyte “mamie kung-fu”.

J’ai applaudi sans réserve comment Isabelle a géré son histoire de déplacement temporel, sans qu’on s’y perde, c’est un outil narratif souvent utilisé et tellement casse-gueule. Elle s’en sert pour creuser ses personnages, ces questionnements du regret, des choix de la vie, et du qu’est-ce-qu’on-est-cons-quand-on-est-jeunes. (Bon, j’en ai bavé sur la double-page du vortex temporel, il est vrai….)

J’aime bien Pamoison, la ville des poisons est un concept simple et fourni à la fois. Je maintiens toutefois que c’est bien là une idée de romancière, car logiquement les personnages devraient tous être protégés de pied en cap en cuir et cachés sous des masques à gaz….! Et pareil, le principe des duels à multiples lames empoisonnées - c’est original et très drôle, mais visuellement c’est un cauchemar à dessiner avec un minimum de vraisemblance, faut hérissonner les personnages d’épées et de dagues tout en en faisant le décompte, et ça pouvait parasiter parfois le dynamisme de scènes d’action.

Et j’ai a-do-ré comment Isabelle a géré le GROS twist de ce tome 2, dont je ne peux pas parler ! J’ai vraiment hâte que les lecteurs puissent lire le récit complet et juger du diptyque dans son ensemble.

Dragon & Poisons, crayonné & bulles © Rebecca Morse Voilà qui nous met l’eau à la bouche smiley

Comment s’est organisé votre travail à quatre mains sur la sérié ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail sur l’album ? Quels outils utilises-tu habituellement ?

Isa a eu son synopsis validé, j’ai pu commencer des recherches de personnages et d’univers, et de mon rendu “moins jeunesse” donc, en attendant son scénario complet. Elle découpe assez précisément les scènes, d’une façon que je trouve généralement assez naturelle pour moi - sinon je fais à ma sauce si ça fonctionne mal au dessin. Je fais de petits storyboards griffonnés au crayon sur carnet puis scannés et montés avec les textes du découpage d’Isa, pour relecture et validation par elle et Christophe, par séquences ; puis crayonnés sur A3, puis encrages numériques, avec validation à chaque étape. Parfois je me prends un peu plus la tête sur le storyboard et mes collègues doivent m’aider à trancher entre des suggestions.
C’est donc crayon bleu et critérium, puis scan et encrage numérique à la tablette/Cintiq, en faisant une tambouille de photosh et Clip Studio Pro.

Comment as-tu créé l’apparence des personnages de la série ? Ont-ils rapidement trouvé leur apparence ou sont-ils passés par différents stades avant de revêtir celle que l’on connaît ?
Parfois Isa a des idées de “casting” en tête qui me donnent des pistes. Greyson, c’est beaucoup de Howard Charles en Porthos, donc. Natch tient de Sigourney Weaver.

Il fallait dès le début concevoir les 2 héros en version jeunes et vieillis, et pour le tome 2 leur relooking-déguisement… Je tends naturellement à dessiner des persos plutôt longilignes et “spaghetti”, c’était un défi de gérer le volume de Greyson… et ses muscles… j’étais pas forte en anatomie en école d’art…

Dragon & Poisons, le casting du Dragon © Rebecca Morse L’un d’entre eux t’a-t-il donné particulièrement du fil à retordre ? Lequel as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Ben le dragon, j’ai cherché un moment pour lui donner un look entre fantasy classique et qqch d’un peu différent. A un moment je lui ai tenté une gueule inspirée de la marionnette Chirac des Guignols…. J’ai adoré dessiner ses moues blasées, mais l’échelle de la bestiole complique certains cadrages!

J’ai pris beaucoup de plaisir à faire bouger “mamie kung-fu” qui botte les fesses des deux crétins… ainsi que Natch qui casse des bouches dans le tome 2. Les scènes d’escrime aussi, le duel d’ouverture de tome 1 et [SPOILER DU TOME 2] m’ont demandé pas mal de travail de chorégraphie virtuelle et mise en scène, en bluffant sur mes sincères mais assez théoriques recherches.

Quand donc pourra-t-on lire le second tome de ce jubilatoire Dragon & Poisons ?
Nous finissons actuellement les retouches couleur… l’info est sur le site de Drakoo, je ne suis pas toujours au fait des décisions stratégiques des équipes édition et commerciaux. Il est annoncé pour mai…. Mais bon, on vit une époque incertaine…..

Peux-tu nous parler de tes projets présents et à venir ?
Avec beaucoup de conditionnel… Je devrais retravailler avec Florent Maudoux sur un autre tome de Kim Trauma, et rempiler avec Isabelle chez Drakoo pour une trilogie un peu plus sombre et … théâtrale...

Le tome 2 de Dragon & Poisons est annoncé pour une sortie au 28 avril, et de plus on aura droit à un joli écrin pour la vente de l'intégrale - pas de coffret ou d'album intégrale, mais un lot de 2 albums un peu pimpé -. smiley

Comment vis-tu cette période un brin irréelle de pandémie ?
smiley Je suis pas la plus à plaindre, j’ai pu continuer à travailler de chez moi sans trop de tracas… même si le retard de sortie du tome2 est parlant. Mais mon atelier de travail partagé avec des collègues auteurs me manque énormément, et les festivals aussi, et les terrasses avec les copains, et….

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le bouquin Space Opera de C.M. Valente - bon courage pour le traduire! - un délirant récit qui mélange du Douglas Adams et Eurovision. Le merveilleux et étrange Piranesi de Susanna Clarke.

Giant Days.

Plusieurs séries de la mangaka Akiko Higashimura.


Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan