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Entretien avec Ohazar
interview accordée aux SdI en mai 2022


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…

Pas de soucis pour le tutoiement smiley

vYouhou ! Pardon, ça m’a échappé… Merci à toi…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Je suis né au siècle dernier à Nantes. Pour ce qui est des études, c’est pas très glorieux, après le Bac, que je n’ai pas eu, j’ai vaguement fait une école d’audiovisuel sur Paris, que j’ai arrêté au bout de la deuxième année car je voyais bien que ça aboutirai plus à de l’institutionnel (entreprise) que sur de la fiction ou du reportage et que ça coûtait très cher.

J’ai ensuite travaillé en bar (le soir) pendant une année ou deux, puis ai fait mon service militaire (dernier contingent appelé, pas de bol) dans les services audiovisuels de la marine, ce qui m’a permis de m’ouvrir au mal de mer smiley. J’ai de nouveau travaillé en bar et repris en parallèle (double journée de travail pendant un an) un commerce ( « Au Petit Troll » : jeux de rôles, figurines, jeux de plateau, Paintball) que j’ai tenu pendant dix ans. Mais pendant toutes ces années, et depuis enfant, j’ai toujours dessiné. Fort des contacts que j’avais noué avec les maisons d’éditions de jeux de rôles, j’ai assez vite travaillé pour eux lorsque j’ai arrêté mon commerce.

Vikings dans la brume, planche du tome 1 © Dargaud / Ohazar / LupanoEt là, ça s’est enchaîné : illustrations, graphisme, bd etc. Dans pleins de domaines : presse, jeunesse, jeux, événementiel, institutionnel, éditions etc. Avec des hauts et des bas bien entendu, car étant autodidacte je ne bénéficiais d’aucun réseau et encore moins de méthode pour apprendre à me vendre. Tout ça s’est fait de manière empirique. Il y’a eu quelques moments de galère, on ne va pas se mentir. Heureusement que nous pouvions compter sur la stabilité financière de mon épouse qui est enseignante.

Pour mes qualités, je dirai que je suis curieux, têtu, autodidacte et plutôt sympa. J’ai pas vraiment de passions, je dirai plutôt que j’aime bien plein de choses : lire, dessiner, le cinéma, découvrir des choses dans différents domaines etc. Mais je n’ai pas de passion « culte », à part rigoler peut-être. J’ai évidemment plusieurs comptes dans des paradis fiscaux, mais comme j’ai une mémoire de poisson rouge je les oublie, comme mes numéros de carte bancaire d’ailleurs. smiley

Oui, de nombreux auteurs ont le même souci avec les paradis fiscaux… arf…

Sans indiscrétion, sur quels jeux de rôle as-tu travaillé ? Etais-tu toi-même rôliste ?

Alors de mémoire j’ai bossé pour pas mal de jeux édité chez Oriflam (Hawkmoon, Elric, Feng Shui), du Descartes aussi il me semble mais j’ai oublié quoi. En magazine j’ai collaboré sur plusieurs numéros de Ravage, le magazine pour jeux de figurines. J’avais travaillé également avec une maison d’édition de jeux qui s’appelait Eclypse si ma mémoire est bonne sur Paparazzi et Taverne. J’étais évidement joueur : D&D, l’Appel de Chthulhu, Mutant Chronicle et le génial Bitume, pour ceux dont je me souviens. Après j’étais quand même plus jeux de figurines : Warhammer, whammer 40K et Confrontation.

Ah Bitume… que de souvenirs !
Si tu devais en quelques phrases expliquer ce qu’est le JdR à ma grand-mère, que lui dirais-tu ?

Je dirai que ceux sont des jeux qui vous permettent de vous mettre dans la peau de n’importe quel personnage, dans plein d’univers ou d’époques possibles, avec très peu d’investissement à la base (un livre, une feuille, un crayon et quelques dés) et le tout entre amis. Le kiffe en fait. ;)

Quels sont ton meilleur et ton pire souvenir de JdR ?
Meilleurs souvenirs, les parties de Bitume. Je trouvais excellent le principe de devoir, à la création du personnage, investir des points dans des défauts pour pouvoir augmenter ses autres compétences. Ça donnait des cocktails complètement barges. Les pires souvenirs, sans hésitations, les récits de clients rôlistes le lundi à la boutique. Amis rôlistes, sachez-le, vos récits d’aventures n’intéressent que ceux qui y étaient, et encore. smiley
Fiche de Personnage © Ohazar
Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
J’ai été biberonné à tous les grands classiques de la bande dessinée : Astérix et Obélix, Lucky Luke, Achille Talon, Gaston Lagaffe, Boule et Bill, Gotblib etc. Puis vers l’âge de 11-12 ans, dans une maison de la presse je suis tombé sur un Spécial Strange dans lequel j’ai découvert les X-men et par extension l’univers des super héros mais pas que.

En effet par ricochet sont apparu Conan le barbare, mais aussi Blek, Zembla et plus tard des magazines tel que Magazine USA qui m’ont ouvert à plein de choses également. Bref tu l’auras compris, de ricochet en ricochet, j’ai vraiment lu de tout. Ce que je continue à faire aujourd’hui. J’ai des potes libraires qui me permettent de piocher dans les stocks et d’emprunter tout ce que je veux dans les piles de nouveautés qu’ils reçoivent, et c’est bien pratique. Sans parler de l’énorme médiathèque que j’ai à côté de chez moi. smiley

Vikings dans la brume, planche du tome 1 © Dargaud / Ohazar / LupanoDevenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Bien que dessinant tout le temps, je n’ai jamais vraiment imaginé qu’un jour je vivrai de mon dessin, tout simplement parce qu’à mon époque, de ma province paloise, je ne savais pas que c’était possible ( il n’y avait internet) et que, quand au lycée on allait voir une conseillère d’orientation, on ne nous parlait pas d’école de dessin ou d’illustration qui pourtant commençaient à exister.

C’est pour cela que je m’étais plutôt orienté vers le cinéma, ou plutôt qu’on m’a orienté vers l’audio visuelle, plus sérieux, plus institutionnel que le cinéma. C’était comme ça, les conseillers d’orientation n’étaient pas vraiment formés ou habitués à voir des gamins avec mon profil, et toute l’industrie des films d’animations et des jeux vidéos n’existaient pas. J’aurai adoré faire une école de dessin. J’aurai certainement gagné beaucoup de temps.

Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier de dessinateur ?
Les plus grandes joies de ce métier : varier les projets et les collaborations. Devoir s’intéresser à plein de choses, se documenter, découvrir, varier les techniques, les styles. C’est du moins comme ça que je vois la chose, et c’est pour cela que je jongle quand même assez régulièrement entre bd, illustrations, graphisme ou peinture quand j’ai le temps. J’ai toujours peur de me lasser, de m’ennuyer. C’est qui est aussi malheureusement un handicap, car on ne sait pas trop dans quelle case me ranger, ce qu’aime bien faire les éditeurs.

La plus grande difficulté, comme pour beaucoup je pense, c’est enchaîner les projets. N’ayant pas « l’intermittence » comme dans les métiers du spectacle ou de l’animation, il faut constamment être en recherche du projet suivant, et ce bien avant d’avoir fini celui qui nous occupe afin de ne pas se retrouver sans boulot. A moins bien entendu d’avoir plusieurs albums qui vous rapportent des droits, ce qui n’est malheureusement pas mon cas.

Vikings dans la brume, planche du tome 1 © Dargaud / Ohazar / LupanoPeux-tu nous révéler les origines obscures de votre nom de crayon ?
Non, il faudra faire des recherches, je l’ai déjà dit dans une interview. smiley

J’ai mené mon enquête et j’ai ma réponse petit scarabée… smiley

Pourquoi avoir mis si longtemps à signer un album avec votre frère (bien que vous ayez assuré la colorisation de l’excellent Ma Révérence) ?

Essentiellement pour des histoires de timing et de planning. Nous avions déjà collaboré sur plein d’autres choses dans plusieurs domaines. Nous avions également monté des projets BD ensembles, projets qui n’ont pas vu le jour parce que certainement pas aboutis ou pas au bon moment. Nous avions également fait de la BD ensemble pour de la presse spécialisée (Facefull) distribuée essentiellement aux USA et en Asie. Et entre « Vikings dans la brume » et « Ma Révérence », je suis intervenu sur les couleurs du tome 1 de « Célestin Gobe la lune » ( dessin Y.Corboz chez Delcourt) quand l’intégrale est sortie, et j’ai également participé au livre « Faire Face » sorti chez « The Ink Link » qui traite de la gestion de la crise Covid au tout début à l’hôpital de Bordeaux. Wilfrid en avait écrit toutes les histoires, et j’en avais dessiné une : « Ninon Express ».

Un album c’est assez long à réaliser, il faut donc réussir à être en phase au bon moment et ça peut parfois prendre plusieurs années. Perso, je trouve que ça valait le coup d’attendre. ;)

Qui a été à l’origine de cette irrésistible BD humoristique mettant en scène de valeureux vikings un brin azimutés ?
C’est Wilfrid qui en est à l’origine. Il s’est intéressé à cette civilisation lorsqu’il faisait des recherches pour « La biblio mule de Cordoue ». Puis nous avons discuté, évoqué le format bien spécifique, le strip, que nous adorons tous les deux et c’était parti. Restait plus qu’à écrire le scénario et attaquer les recherches aussi bien graphiques que historiques. Et convaincre un éditeur évidement. ;)

Vikings dans la brume, planche du tome 1 © Dargaud / Ohazar / LupanoQuelles étaient tes références en matière de vikings, tous genres confondus ?
Gamin, le dessin animé « Vik le viking » et la bande dessinée « Knut le viking ». Plus récemment j’ai forcément vu la série « Vikings » (plusieurs saisons, de moins en moins bien à mon humble avis), quelques épisodes de « the last Kingdom ») et la première saison de « Northmen » que j’ai découvert quand j’ai commencé à dessiner « Vikings dans la brume ». J’ai trouvé ça drôle bien qu’inégal. Et dernièrement « Vikings Valhalla » que j’ai trouvé complètement nul en tout point. Et j’oubliais les vikings dans « Astérix le gaulois » smiley :- D

On a à peu près les mêmes goûts en matière de vikings smiley

Comment as-tu créé ce style humoristique avec lequel tu mets en scène les strips humoristiques de Wilfrid Lupano ? Comment as-tu travaillé l’apparence des différents personnages ?

Ça peut fonctionner du premier coup comme aboutir à ce qu’on appelle un vrai « ping-pong », on se renvoie la balle, en l’occurrence le storyboard jusqu’à ce que le gag fonctionne et que l’on soit satisfait tous les deux.

Certains gags ont nécessité jusqu’à 5 ou 6 versions avant que cela nous convienne. Pour ce qui est des personnages (character design) ça a été assez long mais c’est un processus normal pour moi vu que je m’attaquais à un nouveau style. Il y’a eu plein de version des personnages dans des styles différents, que je déformais de plus en plus jusque-là encore que nous soyons satisfaits tous les deux.

Ensuite il a fallu voir ce que ça donnait quand on les animait, qu’elles étaient leurs possibilités, leurs limites etc.

Est-ce facile de travailler avec son frère ?
Nous concernant ça c’est super bien passé. On se connait quand même par cœur, ce qui permet de gagner un temps précieux. smiley

Vikings dans la brume, planche du tome 1 © Dargaud / Ohazar / LupanoConcrètement, du synopsis à la planche finalisée, quelles ont été les principales étapes de votre travail à quatre mains sur cet album ?
Wilfrid m’envoie le scénario dialogué. Chaque gag est déjà découpé case par case. Je fais le storyboard en numérique (plus pratique et rapide pour tout ce qui est changement et modification) puis lorsque tout l’album est storyboardé et que nous nous sommes satisfaits, j’attaque le dessin. Là, je travaille en traditionnel, encre sur papier. Chaque gag est dessiné sur un A3. Pour la couleur et les typos je repasse en numérique.

Quels outils utilises-tu généralement pour dessiner ?
Dessin numérique : Clip Studio Paint.
Couleur : Photoshop.

Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Je suis en train de terminer le tome 4 des « Retraités en BD » avec Jacky Goupil au scénario. Série humoristique qui paraît chez Vents-d’Ouest et sortira à la rentrée prochaine. Ensuite je vais enchainer sur le tome 2 de « Vikings dans la brume » » qui sortira en 2023.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
J’ai bien aimé « Impact » d’Olivier Norek, la série « Mare of easttown » avec Kate Winsley, en six épisode, « Peau d’homme » de Hubert et Zanzim chez Glénat. J’en oublie certainement plein.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…
a
Vikings dans la brume, planche du tome 1 © Dargaud / Ohazar / Lupanoun personnage de BD : Wolverine
un personnage JdR : La fiche de mon perso est vers le début de l’article smiley
une chanson : Personnal jésus -Depeche Mode
un instrument de musique : Un banjo
un jeu de société : Zombicide
une découverte scientifique : Toutes, j’adore ça
une recette culinaire : La daube coquillette
une pâtisserie : Kouign amann ou gâteau de crêpe
une ville : Paris
une qualité : La mauvaise foi
un défaut : La mauvaise foi
un monument : Le David de Michael Ange à Florence
une boisson : L’eau
un proverbe : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. » -N.Mandella

Un dernier mot pour la postérité ?
Fin, c’est bien ça pour finir. smiley

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan