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Entretien avec Dobbs
Interview accordée aux SdI en novembre 2023


Bonjour et merci de te prêter à nouveau au petit jeu de l’entretien…

Lors de notre dernier entretien, nous étions restés sur le mode du tutoiement… Peut-on continuer ainsi malgré ton âge canonique et le respect dû aux anciens ? smiley

Ai-je vraiment le choix ? smiley

Oui… Je peux me faire violence smiley

Quoi de neuf depuis juillet 2020, date de notre dernier entretien ?

Un bébé, des BD, des collaborations en écriture audiovisuelle pour de la pub et des trailers de jeu vidéo… pas mal de choses en fait, du coup.
Il y a eu donc des RDV avec X, du Hit the Road, des tomes docuBD sur Montpellier, des Nicolas Le Floch, sans compter de l’écriture pour des collections Glénat telles que les Grandes Batailles de Chars, ou encore la Véritable histoire du Far West, des biographies sur Molière ou le cosmonaute Leonov, et puis le début des aventures d’Alea Drumman…

Quelles sont aujourd’hui les grandes joies et les grandes difficultés du métier d’auteur de BD ? D’ailleurs, c’est quoi, pour toi, un scénariste de BD ?
Comme tous les métiers indépendants, le premier des avantages est la liberté. Mais intimement lié à cette liberté, il y a tout un cortège de choses à gérer qui parfois peuvent dissuader de poursuivre cette voie… le bédéaste doit être un couteau suisse du technique, de l’artistique mais aussi de l’administratif et de la communication. A ceci, on rajoute les aléas de la signature de contrats, toujours plus difficiles en ce moment, et les périodes entre contrats à gérer avec des projets à fabriquer qui parfois mourront dans l’œuf. Je le dis souvent, un scénariste BD c’est un marathonien qui mise sur le long terme et qui doit s’en donner les moyens. C’est une histoire de rythme, d’endurance, d’idées, de contacts, de collaborations, de moments de grâce ou de solitude, de période de commandes ou de créa…
Planche de Blandini
13 Batailles, planche de l'album, encrage © Passés Composés / Bandini / Dobbs 13 Batailles, planche de l'album © Passés Composés / Bandini / Dobbs

Qu’est-ce qui te donne envie de raconter des histoires ?
13 Batailles, planche de l'album, crayonné © Passés Composés / Joss / DobbsBonne question.
Trouver un bon contexte et avoir le point de vue d’un personnage à ce propos, c’est un point de départ qui est nécessaire. Par la suite, est-ce qu’on ira au bout, ou est-ce que cette idée cessera tout simplement d’être une envie dans le process ? C’est plutôt ça qui détermine le futur ou la destinée d’une histoire. Veut-on la raconter ? Est-on capable de la raconter ? Jusqu’où doit-on aller pour le faire ? Est-ce que cette histoire pourra plaire et à qui ?

Comment est né le projet de 13 Batailles pour lequel tu t’es associé à une poignée de dessinateur sacrément talentueux ?
En fait, mon ami et éditeur Stéphane Dubreil est venu me voir avec cette idée d’anthologie guerrière pendant notre travail sur l’album Leonov. On en a discuté avec lui et Nicolas Gras Payen, et comme j’avais déjà travaillé sur des projets à multi-artistes (Méchants, le Côté Obscur), je me suis dit que ça pouvait être vraiment un bel objet à réaliser et un beau challenge narratif. Il a fallu par la suite faire une wishlist d’artistes et les contacter pour que leurs plannings collent avec celui de l’édito.

Pourquoi 13 d’ailleurs ? Comment s’est opéré le choix des batailles de cette captivante anthologie historique ? A-t-il été douloureux où ces 13 batailles se sont-elles d’emblée imposées ?
Rien de douloureux ou d’imposé, depuis notre première collaboration avec Stéphane on discute, on débat, on communique. Il m’a proposé une série de contextes, d’époques et de batailles pour stimuler mon cerveau et on en a discuté longuement après : le compromis se trouve dans les 190 pages du livre.

13 Batailles, planche de l'album, encrage © Passés Composés / Joss / DobbsQuelles furent tes principales sources historiques ? Aurais-tu l’un ou l’autre ouvrage à conseiller aux lecteurs désireux d’en apprendre davantage sur ces batailles qui esquissent en creux l’histoire de France ?
Une partie essentielle de mon métier de scénariste est la recherche de documentation (articles, livres, documentaires etc) pour approfondir, s’en servir de façon prioritaire, ou choisir de s’en distancer quelque peu pour des raisons narratives ou de choix de personnages. Lors de l’écriture de Leonov, deux ouvrages importants m’ont permis de creuser des anecdotes ou coller à une chronologie et des données chirurgicales : Von Braun contre Korolev chez Plon (Kohler, Germain, 1994) et Two Sides of the Moon chez Simon & Schuster (Scott, Leonov, 2004).

Il en est de même pour 13 Batailles. J’ai été marqué par l’Atlas de la guerre 1870-1871 aux Editions des Paraiges (Przybylski, 2014), César contre Vercingétorix chez Belin (Olivier, 2019), Guerre des Vosges et guerres des montagnes 1914-1918 chez BG (Actes du colloque international de mai 2015 à Epinal-Colmar, 2016) ou encore L’Armée de l’Air dans la tourmente chez Economica (Facon, 2005). Pour le reste, j’ai la chance de travailler avec un éditeur qui est lui-même historien et iconographe pour Guerres et Histoire, ce qui facilite grandement les pistes de lectures et de sources de recherche.

13 Batailles, planche de l'album, couleur © Passés Composés / Joss / DobbsQuelle bataille t’a le plus surpris ou fasciné parmi celle que tu as mis en scène ?
Malplaquet et la tragédie de la brigade irlandaise qui, ironiquement, a été prise pour une troupe anglaise et est tombée sous le feu allié des Français. Ou encore l’acharnement sur Château Gaillard avec des personnalités mercenaires comme celles de Lambert Cadoc qui a œuvré à la chute de l’ennemi et de sa bâtisse.

As-tu facilement trouvé l’angle d’attaque de chacune de ces batailles qui confère à ces dernières une atmosphère singulière ?
Cela a été parfois très facile comme avec la Bataille d’Ivry grâce au traitement décalé d’Ohazar qui avait déjà fait d’hilarantes caricatures thématiques sur son site, comme celles de Deadpoule au pot ou encore les Henri IV Fantastiques... ou les histoires « action débridée » comme Montcornet avec Ludovic et la bataille de France en mode aérien avec Tristan. D’autres fois, cela a été plus compliqué pour trouver LE truc qui allait faire matcher atmosphère, point de vue et style artistique : Champigny avec Bones, Chartres avec Rémi ou encore Montereau avec Fawzi. Sur ces dernières histoires, on était limite fantastique d’ailleurs avec des hallucinations, des visions oniriques ou des quasi-miracles…

As-tu travaillé de la même façon avec chacun des dessinateurs qui ont participé à l’album ?
J’ai une méthode personnelle de base qui me permet de m’adapter au style et au langage de chacun. Je suis un scénariste plutôt technique, ayant l’habitude de travailler en pub ou en trailer de jeu vidéo, avec des storyboarders par exemple. Ce qui était prioritaire c’était surtout de composer avec les plannings des uns et des autres, leurs préférences de batailles et leur approche artistique qui pouvait coller ou non à mes idées. Quitte à changer l’idée ou le point de vue pour que ça cadre avec le style de l’artiste concerné. En fait, le côté hétéroclite du livre devait plutôt se voir comme une force de propositions et de visions sur une matière unique : des personnalités prises dans la tourmente de la guerre.

Comment s’est opéré le choix de la (somptueuse) couverture de l’album ? Plusieurs versions ont-elles existées avant que le choix ne s’arrête sur celle-ci ?
J’ai l’habitude de travailler en BD avec mon ami Chris Regnault, et il a une expérience très riche de la composition de couvertures : Il en a fait énormément pour certaines éditions du Monde, et est plutôt généreux en propositions personnelles. On avait déjà avec Stéphane Dubreil quelques idées ciblées pour éviter de faire perdre du temps en essais à Chris. Du coup, il y a eu peu de versions (en comparaison à Jesse James et à l’Homme Invisible) car celle-ci a rapidement fait l’unanimité.
Recherche de couverture
13 Batailles, recherche de couverture © Passés Composés / Chris Regnault 13 Batailles, recherche de couverture © Passés Composés / Chris Regnault

13 Batailles, recherche de couverture © Passés Composés / Chris Regnault 13 Batailles, recherche de couverture © Passés Composés / Chris Regnault

Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
J’ai fini cette année l’écriture d’une adaptation de jeu vidéo, et je travaille sur une BD à énigme autour de bâtiments de Paris, ceci tout en suivant la collection des Grandes batailles de chars chez Glénat en tant que directeur d’écriture. Quant au futur, ma foi… J’ai plusieurs projets personnels de Dark Fantasy, de Fantastique contemporain, de thriller décalé ou encore de biographie portant sur les années 1950 aux USA… On verra ce que cela donne en collaborations et en feu vert éditorial par la suite.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Les épisodes de jeu de rôle de Critical Rôle, le jeu de plateau de construction de deck et de combats de robots Robot Quest Arena et le one man show de Panayotis Pascot, Presque.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Trouves-tu un moment pour faire du Jeu de rôle ? Pas assez, hélas…

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé…
Planche de Chris Regnault
13 Batailles, planche de l'album, rough © Passés Composés / Regnauld / Dobbs 13 Batailles, planche de l'album, encrage © Passés Composés / Regnauld / Dobbs

13 Batailles, planche de l'album, encrage © Passés Composés / Regnauld / Dobbs 13 Batailles, planche de l'album, rough © Passés Composés / Regnauld / Dobbs
Le Korrigan