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Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Non pas de souci, partons sur le « tu ».
Merci à toi 
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
J'ai 41 ans, je suis ingénieur de formation, et je me consacre depuis un peu plus d'une dizaine d'années à la BD, avec 7 albums au compteur.
Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Oui, la BD a toujours tenu une grande place ! Dans mes grandes références, il y a Franquin, Moebius, Tardi, Rossi. Et puis le magazine Spirou.
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Quelles sont toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier d’auteur ?
Les grandes joies, ce sont les moments de recherche graphique, la possibilité d'explorer des thèmes et des univers passionnants, la collaboration avec de grands scénaristes. Pour les difficultés, je dirais en tout premier lieu la précarité du métier. Lorsqu'un album marche, tout va bien, mais lorsqu'il fonctionne moins bien, c'est difficile. Et il est vital d'enchaîner les projets, ce qui est souvent assez dur.
Quelle était l’idée de départ de la Brute et le Divin ? Ta formation d’ingénieur spécialisé en environnement et en environnement et éco-conception n’y est sans doute pas étranger…
Non bien sûr ! L'idée était de créer une histoire dont le cœur soit l'écologie, mais qui ne soit pour autant ni manichéenne, ni moralisatrice. Je voulais aussi que cela puisse être lu comme un thriller d'aventure, avec des rebondissements palpitants à chaque page ou presque.
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Tu as eu à cœur que la production de l’album ait le moins d’impact possible sur l’environnement… A-t-il été facile de convaincre son éditeur d’une part et de trouver les partenaires pour concevoir et fabriquer un tel album d’autre part ?
Non cela n'a pas été facile. Mais Rue de Sèvres a fait un beau travail là-dessus. En particulier Nadia Gibert, mon éditrice. Il a fallu lever un certain nombre d'inconnues, sur la réactivité du papier, son épaisseur, les couleurs, faire des tests, pour être sûr que cela fonctionne. C'était assez difficile puisque presque aucun livre n'est imprimé en papier recyclé.
Tes études vous t’ont orienté vers Ingénierie environnementale. Qu’est-ce qui a éveillé ta conscience écologique ?
J'ai toujours été écologiste dans l'âme. Cela remonte à mon enfance, où je passais beaucoup de temps dans les vignes, les bois, et où je lisais La Hulotte, le journal le plus lu dans les terriers.
La crise du COVID a poussé de nombreuses personnes à s’interroger sur leur rapport au travail et à la société et à remettre parfois radicalement en cause leur mode de vie… Mais pour beaucoup, le retour à la normale a mis fin à cet élan salutaire… Qu’est-ce qui pourrait convaincre les citoyens de l’urgence environnementale ?
Je pense que nous sommes tous (ou presque) convaincus de l'urgence environnementale. Ce qui nous manque, ce sont des moyens d'action dans notre vie quotidienne. Et nous sommes tous lassés devant le manque de courage de notre classe politique. Cette BD est une modeste contribution pour redonner du courage dans l'action individuelle.
Dans la Brute et le Divin, tu pointes le greenwashing d’une grande société qui, sous couvert d’écologie, continue sans vergogne à maximiser leur profit et à détruire l’environnement. Face à elle, Eva semble bien seule… et pourtant… Penses-tu qu’un changement est encore possible quand on voit où s’est déroulé la COP 28, que l’interdiction du glyphosate dont la toxicité n’est plus à démonter est repoussée aux calanques grecques ou que les militants écologiques sont taxés de terrorisme par certains membres du gouvernement ?
Je ne crois pas que ce soit possible de baisser les bras. Et ce pour une raison simple : si on baisse les bras, vers quel avenir allons-nous aller ? Quelles perspectives cela ouvre ? Nous n'avons en réalité pas le choix : nous sommes obligés de transformer nos sociétés. Et nous, citoyens 'de base' allons être les premiers à subir les effets du changement climatique, il faut donc se battre, partout, tout le temps. Et j'ajoute que s'engager dans un tel combat est très libérateur au niveau individuel.
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Comment as-tu abordé graphiquement cet album somptueux ? Du scénario à la planche finalisée, peux-tu nous expliquer la façon dont vous avez travaillé sur celui-ci ?
J'ai beaucoup travaillé le story-board, comme pour tous mes albums. Pour essayer d'avoir la plus grande lisibilité possible. Et ensuite j'ai utilisé des encres de couleurs, qui sont très vives et intenses. J'avais besoin d'une technique qui permette d'en jeter plein la vue, pour que le lecteur soit immergé dans cette beauté paradisiaque.
Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
C'est l'étape de la colorisation ! Malheureusement, je ne la fais pas sur tous mes albums car elle prend beaucoup de temps. Mais c'est très agréable de travailler avec des encres fluides ou des aquarelles.
Serait-il possible, pour une planche donnée, de nous montrer les différentes étapes de sa réalisation ?
Oui. Comme je le disais je travaille d'abord beaucoup le story-board (en doubles pages), et ensuite j'encre une partie des contours (pas totalement). Après je tends la planche pour qu'elle ne gondole pas, je fais mes couleurs, et je reviens un peu sur les contours manquants.
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Comment as-tu travaillé l’apparence d’Eva ? S’est-elle rapidement imposée ou est-elle passée par différents stades avant de revêtir celle que l’on sait ?
Non elle n'est pas venue tout de suite ! Pendant assez longtemps, le personnage principal était un homme. J'ai changé en cours de story-board car je trouvais que quand mon protagoniste était un homme, on s'attendait un peu à ce qui survient dans la deuxième moitié de l'album.
Ensuite, Eva devait être une femme assez « classique », ni belle, ni laide, entre 30 et 40 ans.
La couverture s’avère particulièrement belle et attractive. Quelle était ton idée directrice lors de sa conception ?
Eh bien, c'est un exemple d'un bon travail d'éditeur cette couverture. Car en réalité, j'avais réfléchi à une autre image pour la couverture, représentant Eva au milieu de la jungle de l'île. J'y tenais pas mal, et l'éditrice a réussi à me convaincre qu'une autre solution était mieux. Et avec le recul, je vois qu'elle avait diablement raison.
Je trouve le titre d’album particulièrement puissant. S’est-il rapidement imposé ou d’autres avaient-ils un temps retenu ?
Le titre est venu assez rapidement. J'avais besoin de quelque chose d'énigmatique, et d’intrigant. Et ce concept philosophique (venant des écrits de Thoreau et d'Emerson) qui distingue deux pôles dans notre rapport à la nature, était parfait. J'ai simplement assemblé les deux termes.
Dans quel état d’esprit étais-tu lors de la sortie de cet album ?
J'étais assez anxieux, et inquiet. Car c'est mon premier album en tant qu'auteur complet, et je ne pouvais pas me retourner vers un co-auteur pour partager ces angoisses. Mais j'étais aussi content d'être arrivé au bout, et d'avoir fait le maximum.
Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Pour l'instant, je suis reparti sur une BD en collaboration avec Wilfrid Lupano. Il s'agit d'une histoire de pirates, et je m'amuse beaucoup !
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Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Il y a pas mal de choses ! Côté BD, j'explore en ce moment les travaux des grands anciens (Pratt, Alex Toth, Risso, Tardi, Bernet), et je me rends compte que je suis passé à côté de beaucoup de choses. Côté livres, je lis beaucoup des sorties de Monsieur Toussaint Louverture, et des récits historiques . J'adore. Et puis je regarde beaucoup de films, mon dernier coup de cœur est « Sans filtre », de Ruben Östlund, qui arrive d'une manière absolument géniale à faire un film drôle, dynamique, qui explore les absurdités de notre monde.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Eh bien non écoute, je crois qu'on est pas mal là !
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
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un personnage de BD : Corto Maltese
un écologiste : John Muir
un personnage de roman : Madame Bovary
une chanson : N'importe laquelle de Queen
un instrument de musique : La guitare
un jeu de société : La belote
une découverte scientifique : Le requin du Groenland
une recette culinaire : L'aubergine grillée au four avec des herbes.
une pâtisserie : Le Paris-Brest
une ville : Nice
une qualité : Pas de défauts
un défaut : Trop de qualités
un monument : La tour de Pise
une boisson : Une bière
un proverbe : « Il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne »
Un dernier mot pour la postérité ?
Soyez bienveillants avec le monde qui vous entoure !
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !