











Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Hello ! Avec plaisir ! C’est à moi de vous remercier !
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Aucun souci, on peut se tutoyer !
Merci à toi !
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
J’ai grandi entouré de bouquins, BDs, jeux de rôles, jeux de société, magazines divers et variés, à une époque dénuée d’effets spéciaux tapageurs, trop souvent malheureusement associés à beaucoup de vacuité intellectuelle, mais forte en propositions d’évasions imaginaires extrêmement variées, nouvelles, créatives et originales. Tout ça dans un cadre verdoyant et avec beaucoup de musique, des amis avec qui partager mes découvertes et mes coups de cœur, et peu de technologie électronique addictive.
Vous en déduirez donc aisément mon âge ! J’ai fait des études scientifiques et j’exerce un métier qui n’a rien à voir avec le propos de cette interview ! J’ai toujours aimé créer, inventer des histoires, écrire, et j’ai eu, comme bon nombre d’auteurs en herbe, des déconvenues désagréables avec le « milieu de l’édition professionnelle ». J’ai donc décidé en 2009 de créer une maison d’édition associative qui me permettrait sur le long terme de développer tous les projets que j’avais en tête ! Et nous voilà, 15 ans plus tard, avec les premiers projets sur la table et un micro pour en discuter ensemble !

Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Un gros lecteur ! Et un dévoreur d’images et d’univers ! Les jeux de rôles et la bande dessinée occupaient deux places de choix dans mes lectures d’adolescent, et j’étais très curieux de nature ! A la maison, j’avais la chance de pouvoir lire Métal Hurlant, les journaux de Spirou et Tintin, mais aussi des comics, et parfois Circus ou d’autres magazines de BDs de l’époque.
Dès que j’ai eu de l’argent de poche, j’ai commencé à acheter des bouquins et des BDs. Bon, ça ne s’est pas arrêté depuis… Je vous laisse imaginer la maison dans laquelle je vis ! J’ai été biberonné aux histoires et aux illustrations de Druillet, Moebius, Caza, Andreas, Fred, Tome & Janry, Rosinski, Manara, Serpieri, Schuiten, Tardi, et bon nombre d’autres, avec une dose de Batman, une de X-Men et une de Gustave Doré, le tout saupoudré en permanence par les travaux d’Alfons Mucha. Je crois qu’on peut donc parler d’une certaine forme d’éclectisme !
Si tu devais en quelques mots expliquer à ma grand-mère ce qu’est le jeu de rôle, que lui dirais-tu ?
Oh, nous voilà donc déjà en train d’emprunter un chemin de traverse !
Eh bien, chère mamy, un jeu de rôle, voyez-vous, c’est comme du théâtre, ou du cinéma, à l‘exception près que vous ne vous contentez pas de passivement regarder le spectacle : vous y participez ! Vous jouez donc le rôle d’un personnage dans une histoire qui vous est narrée par un ami ou un compagnon de jeu, et dans laquelle vous interagissez avec d’autres amis incarnant également des personnages. Bien souvent le but de tout cela est de passer de bons moments rassemblés autour d’une table, à inventer des actions astucieuses ou surprenantes dans le but de faire évoluer l’histoire et de l’amener à son dénouement ! C’est très stimulant pour l’intellect, et bien souvent on en profite pour grignoter quelques douceurs et siroter du thé ou du café ! Vous voyez, mamy, c’est donc avant tout un bon moment entre copains, rassemblés autour de la grande table du salon, mais partis loin, ailleurs, dans leurs têtes, arpentant les terres de contrées étranges ou inconnues, en compagnie de gens ou d’êtres qu’on se plaît à imaginer tous ensemble !

Quels étaient tes jeux de prédilection ? As-tu encore le temps de jouer où est-ce avec nostalgie que tu repense à ces soirées à jeter compulsivement les dés ?
Dans mon groupe de joueurs, on ne passait pas beaucoup de temps à jeter compulsivement des dés, il faut bien l’avouer. Il est loin maintenant ce temps, mais je continue d’acheter toujours beaucoup de jeux et d’en lire. Les univers que leurs auteurs y déploient sont bien souvent fascinants et riches ! J’ai une collection de plusieurs centaines de jeux à la maison. Tu imagines donc que j’en ai pratiqué un certain nombre. Si je devais en citer : Cthulhu, Nephilim, Guildes, Hurlements, INS/MV, Warhammer, Stormbringer et Hawkmoon, et tellement, tellement d’autres !
Devenir éditeur puis auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ? Des auteurs en particulier ont-ils fait naître cette vocation ?
De gosse, non, certainement pas. C’est un rêve d’adulte ça. Depuis des années, des accroches de récits, des amorces, des concepts, des idées, me trottent dans la tête. Et j’apprends énormément en observant. Tout ça devait donc bien finir par arriver ! Ces éléments devaient inévitablement, un jour, se rencontrer, se combiner, et donner naissance à un golem de papier et d’encre, animé par des paroles magiques et secrètes.
Le boulot d’éditeur je l’ai appris, et je continue de l’apprendre chaque jour, depuis 15 ans, suite à une envie d’ailleurs, d’évasion, de renouveau, liée, va-t-on dire, à l’apprentissage assez brutal de la finitude et de la mortalité, à un âge où normalement ce n’est pas un sujet de conversation. Une expérience de vie, donc, qui m’a fait beaucoup réfléchir sur le sens que je voulais donner à la mienne, et la direction à prendre, les choix à faire, pour vivre en harmonie avec mes aspirations et mes envies. Je suis très heureux de créer des livres et de faire connaître le travail de nombreux artistes à des gens qui apprécient de le découvrir et qui nous font le bonheur d’aimer nos productions, et accessoirement de les acheter, ce qui nous permet de continuer sur ce chemin de partage.
L’écriture, je la côtoie depuis l’enfance. Les récits que je porte n’attendaient que le « bon moment », la « bonne conjonction » … Aujourd’hui, « les astres sont propices », comme l’écrivait Lovecraft. Les mots peuvent donc descendre du ciel, et venir se coucher sur le papier. L’avenir me dira s’ils sauront toucher les lecteurs. Ou non !
Et pour les encouragements, je ne peux que citer le nom de Philippe Xavier. Tout ça, c’est de sa faute. Et si vous, vous ne comprenez pas pourquoi, lui le sait très bien ! Trêve de plaisanterie, s’il est un homme que je dois remercier dans ce métier, c’est bien lui. Et s’il en est un second, je remercie Roger Seiter, de ses enthousiastes émerveillements à propos de mes travaux !
Faire de ta passion un métier a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Alors je t’arrête tout de suite, ce n’est pas mon métier. Même si j’aimerais que cela le devienne un jour (c’est-à-dire que je pourrais en vivre). Pour le moment, je me fais plaisir mais de manière tout de même assez désintéressée. C’est donc beaucoup, beaucoup, beaucoup de labeur, et peu de récompense, si ce n’est la fierté du travail achevé, que je peux partager avec mes très proches, et la naissance de très beaux livres qui valent pour moi, sentimentalement parlant, leur pesant d’or.
J’espère que mes divers projets sauront continuer de trouver du public pour les soutenir et les voir publiés. Mais comme je n’en sais rien, je reste très pragmatique. L’avenir nous le dira.
Aujourd’hui, le premier tome de Louise est là, et c’est formidable. C’est un vrai bonheur. Cela représente une somme de travail que bien peu de gens peuvent imaginer. Et sans les 15 années qui nous précèdent, rien de tout cela n’aurait été possible. Donc tu peux parler de parcours du combattant pour en arriver là, oui. Mais j’espère que la suite ne sera pas aussi compliquée ! Croisons les doigts !

Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier d’éditeur ? Et de scénariste ?
Ce sont deux métiers complètement différents, mais qui me nourrissent chacun à leur manière !
Comme je te l’ai expliqué précédemment, j’aime les mots autant que les images. J’ai réalisé avec un graphiste, qui, lui, sait utiliser ses logiciels pour réaliser les agencements que je lui expose, quasiment toutes les maquettes des livres que j’ai publiés en tant qu’éditeur. C’est vraiment la partie que je préfère dans ce boulot. Tout le reste, la com’, la gestion des commandes, la facturation, les envois, représente certainement 95% du travail. Mais il faut bien le faire ! Et je le fais quasiment tout seul, depuis 15 ans.
Donc concernant les difficultés, je pourrais t’en faire des listes interminables sur des sujets très variés. Mais ce n’est pas là-dessus qu’il faut se focaliser. Cela n’a aucun intérêt. Les difficultés sont faites pour être surmontées ou pour faire demi-tour et changer d’idée. Point. Parlons donc plutôt des grandes joies.
Eh bien, il y a eu énormément de rencontres, et de très très belles rencontres. Beaucoup d’amitiés sont nées durant ces 15 années, avec des gens venant de nombreux pays. Et c’est certainement ça la plus belle chose que le métier d’éditeur m’aura offert : beaucoup d’amitiés.
Le métier de scénariste, qui, lui, est un peu plus mon vrai métier, car il me permet d’en vivre à temps partiel, même s’il ne s’agit pas de mon occupation principale (mais là encore, qui sait de quoi sera fait demain !), m’offre le plaisir de l’introspection, de l’observation, de la réflexion, de la création et de jolies danses avec les mots. C’est un temps de repli sur soi qui convoque énormément de sensations vécues ou d’images croisées ici ou là, et qui offre à la fois un grand amusement et beaucoup de questionnements. L’écriture, c’est presque une forme de méditation. Et l’expérience d’une solitude remplie de voix d’autres êtres qui vivent à travers soi. Les inconvénients ? Ne faire que ça serait aliénant. Un mélange subtilement dosé de toutes ces occupations me convient parfaitement et me permet de ne jamais me lasser de l’une ou l’autre.

Comment votre route a-t-elle croisée celle de Djief qui signe les somptueux dessins de Louise Pembleton ?
Il y a quelques années, en me promenant sur facebook, j’ai découvert les planches au lavis du tome 1 de Broadway, de Djief. Je suis immédiatement tombé sous le charme. La suite, pas mal de gens la connaissent. J’ai publié en tirage de luxe les deux tomes de Broadway, les neuf tomes du crépuscule des Dieux (scénario de Nicolas Jarry) et les trois tomes des Liaisons Dangereuses Préliminaires (scénario de Stéphane Betbeder). Grâce à ces livres, beaucoup de lecteurs ont pu découvrir son travail. Et moi j’ai rencontré un ami, devenu depuis, très proche. Nous nous croisons maintenant environ un mois par an, avec nos épouses respectives, et si le destin de notre charmante Louise intéresse les lecteurs, il est fort probable que cela perdure des années encore !
Demander à Djief de mettre Louise en images était pour moi une évidence. Louise a été écrite pour lui, pour nous. Parce que j’avais envie d’offrir ce cadeau à mon ami, et je ne le remercierai jamais assez d’avoir eu l’élégance de l’accepter, et d’en faire ce qu’il en a fait. Louise c’est le fruit de notre amitié, et, pour le moment, toutes les personnes ayant lu ce tome 1 nous ont fait la même remarque : c’est attachant, délicieux, et terriblement enthousiasmant. Si les lecteurs nous font les mêmes commentaires à son propos, notre pari sera réussi !
Quel fut le point de départ de cette histoire qui va entraîner le lecteur dans le New-York des Années Folles ?
Louise c’est une histoire d’amitiés, de liens entre les êtres d’une même famille ou de la famille que l’on s’est créée une fois devenu adulte. C’est aussi l’histoire du XXème siècle, de l’Art et de l’émancipation des femmes dans les sociétés européennes.
Louise c’est l’histoire de deux amis qui avaient envie, ensemble, de parler aux gens de l’amitié et des montagnes qu’elle peut déplacer ! Des femmes, de l’immense respect qu’ils ont pour elles, de l’histoire de leur émancipation, à travers un personnage attachant et aux multiples facettes. Et de l’art, pictural, graphique, musical, littéraire, qui a abreuvé le XXème siècle encore plus que tous les siècles précédents.
Enfin, mon amour pour les Années Folles ne pouvait que me faire commencer cette belle histoire à cette époque.

D’où vient cet amour pour les années folles ? A-t-il un lien avec le JdR l’Appel de Cthulhu et son mythique supplément qui y est consacré ?
Ah mais tu y reviens au jdr ! L’appel de Cthulhu est évidemment un classique que j’adore. Mais il n’y a pas que ça, et loin de là. Bon nombre de films, m’ont également donné l’envie de découvrir cette époque fascinante (Il était une fois en Amérique par exemple, dont la traduction du livre vient de paraître pour la première fois en français très récemment chez Sonatine). Mais également le jazz, que j’écoute depuis très longtemps. Et puis certains écrivains également. Des affichistes, des illustrateurs, des couturiers, des architectes. L’Art Nouveau, les Arts Déco, le Bauhaus, etc… Et enfin les tenues de l’époque, leur élégance, leur raffinement, leur style… Etc, etc… Bon, on va passer à la question suivante sinon nous risquons de perdre nos lecteurs !
Concrètement, comment s’est organisé votre travail à quatre mains sur cet album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les grandes étapes de sa réalisation ?
J’ai tout écrit, assez rapidement, après avoir longuement exposé à Djief par écrit le cadre de l’histoire et de la série, ainsi que les caractères des différents personnages. J’ai préparé le travail pour les 6 premiers tomes de la série et je lui ai donné à lire. Il a beaucoup aimé et m’a donné son feu vert pour travailler ensemble. Il a ainsi lu chaque page de script, puis nous en avons discuté. Ensuite il a bossé les storyboards de l’ensemble de l’album, de manière très poussée, très détaillée. J’ai corrigé ce qui me semblait inapproprié. Et enfin il a travaillé sur les planches finales. Je n’avais plus rien à dire à cette étape. J’avais entièrement confiance en lui pour le rendu final.
Pourquoi avoir opté pour ces somptueuses teintes sépias ?
D’abord parce que je suis très difficile concernant les couleurs. Très souvent, quand je lis une BD, je n’aime pas la mise en couleur. C’est vraiment une affaire de goûts personnels, je ne critique pas le travail des coloristes (par exemple j’adore le rendu des couleurs d’Isa Cochet sur les travaux d’Andreas). Mais, globalement, on peut dire que ce que j’apprécie vraiment, c’est la mise en couleur directe. Et surtout, par l’auteur lui-même. Le lavis, l’aquarelle, voilà ce qui me parle. Et comme Djief aime également beaucoup ce traitement, nous sommes vite tombés d’accord là-dessus.
De plus, pour Louise, l’usage d’un lavis sépia nous semblait parfaitement dans la tonalité, à la fois du réçit, et de l’époque. Cela sonnait pour nous comme une évidence.

Quel effet cela fait-il de voir votre histoire et vos personnages prendre vie sous les pinceaux virtuoses de Djief ?
Oh ! Si tu savais le bonheur que c’est… Je choisis vraiment les artistes avec lesquels je désire travailler, c’est l’énorme avantage d’être le scénariste ET l’éditeur. Et chaque semaine, maintenant, je reçois des planches par mail de nombreux artistes avec lesquels je collabore. C’est un plaisir que de les découvrir à chaque fois. Tous ces artistes si talentueux donnent tant dans leurs illustrations et leurs planches. C’est magique !
Et bon, tu l’as compris, j’ADORE le trait de Djief ! Voilà, tout simplement !
L’apparence de Louise s’est-elle rapidement imposée ou est-elle passée par différentes étapes avant de revêtir ce que l’on sait ?
Derrière chaque personnage dans Louise, il y a une actrice ou un acteur dont nous nous sommes inspirés. J’ai envoyé à Djief la liste de mes choix concernant le casting, et il a pu ainsi imaginer les personnages à partir de ces comédiens. Saurez-vous les retrouver ? Un indice concernant Louise, son inspiratrice est canadienne… Je n’en dirai pas plus !
En tant qu’éditeur, comment a été pensé l’objet livre de ce premier opus des Chroniques de Louise Pembleton ?
Dès le départ il était convenu que nous ferions trois versions de l’album : une spécifique à la campagne participative, que nous serions seuls à vendre, une pour les librairies et un tirage de luxe.

Louise était prévu dès le départ dans la collection Empreinte, qui fait appel à des fonds participatifs pour pouvoir collecter une partie de l’argent nécessaire à la production, et le format des albums de cette collection existait déjà, puisque nous en avions déjà publiés auparavant. Pour la version spéciale, nous voulions absolument ajouter une histoire de 8 pages supplémentaires, pour donner un vrai bonus à cet album. Et pour le tirage de luxe, j’ai très rapidement évoqué à Djief mon envie de créer un ensemble de couvertures et d’articles que l’on aurait pu trouver dans le magazine Lady’s, sujet assez central de cette histoire. C’est donc dans cette direction que j’ai travaillé, en réunissant une très importante documentation sur les artistes de la période. Au final, le tirage luxe sera vraiment magnifique et extrêmement riche en suppléments grâce à ces 40 pages bonus copieusement remplies !
Nous avons d’ores et déjà beaucoup d’idées de compléments divers et variés pour les prochains tomes de la série : un portfolio de couvertures de Lady’s, une nouvelle histoire de 8 pages en bonus de chaque album financé grâce au crowdfunding, etc… L’avenir nous dira si nous pouvons développer tous nos projets. Tout dépendra bien entendu de l’accueil réservé à Louise par le public.
Il s’agit tout de même d’une production très particulière, puisque le tirage global, s’il est objectivement relativement faible, est plutôt élevé pour une structure comme la nôtre, qui doit assurer elle-même sa distribution (pour de simples raisons économiques). Arriverons-nous à motiver les libraires à se procurer cet album ? Là encore, il s’agit d’une question intéressante ! Et là encore, l’avenir nous le dira ! Rendez-vous d’ici quelques mois pour faire le bilan des ventes et de la distribution de ce premier tome, et des autres albums produits ainsi que nous allons publier dans les mois à venir !

Peux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Il y a pas mal de choses « sur le feu » ! Je travaille beaucoup et j’ai commencé à écrire, professionnellement parlant, des scénarios il y a plus de deux ans. Par conséquent j’ai pris beaucoup d’avance, étant donné qu’un album ne sort qu’environ 1 an et demi à 2 ans (voire plus) après la fin de l’écriture.
Les prochains albums à sortir et que j’ai écrits seront : A Propos D’Anna, dessiné et mis en couleur par Cosimo Ferri. Un récit contemporain s’intéressant aux destins de trois femmes unies par un secret. Ensuite viendra le Dossier d’enquête numéro 1 de Malena K. : Tant de ténèbres à étreindre, un polar extrêmement sombre qui se déroule dans le milieu des années 80 an Bretagne. La série Malena K. sera constituée d’histoires complètes, toutes dessinées et mises en couleur par Antonio Palma, et s’intéressera principalement aux violences faites à l’encontre des femmes.vIl s’agit d’une série de polars très durs, très sombres, dans lesquels nous avons opté pour un traitement réaliste et sans fard de la violence. Pas destiné à tous les publics, donc !
Puis nous aurons le tome 1 de la série mythologico-ésotérico-fantastico-contemporaine (rien que ça) DAEMON, dessiné par Nico Tamburo. Le tome 2 des Chroniques de Louise Pembleton, par Djief bien évidemment, dont la campagne participative va bientôt débuter ; Les Buveuses de Thé, illustré en couleurs directes par Stéphan Agosto, où la traversée d’une terrible épreuve par un groupe de femmes fortes et solidaires ; Fragments d’amour : une très belle et dramatique histoire de sentiments autour d’un couple et de la maison de famille qui les aura vus vivre et vieillir durant leurs vacances et leur retraite, avec au dessin et à la couleur (sépia) Pasquale Del Vecchio. Et puis Le premier tome de la série Archipelago, avec au crayon et à la palette de couleurs directes, la fantastique Carita Lupattelli !
Voilà. Ensuite nous continuerons les séries (
Malea dossier 2,
Louise 3,
Daemon 2, etc) et nous alternerons avec d’autres one shots sur lesquels je bosse en parallèle (
Le voyage de Giulia,
Ses troublantes éphélides, …). Comme tu peux voir : il y en a pour un certain temps !
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Cinéma : Poor things, de Yorgos Lanthimos ; Bonnard, Pierre et Marthe, de Martin Provost ; La Tresse, de Laetitia Colombani; Killers of the Flower Moon, de Martin Scorcese.
Musique : Live in Helsinki d’Apocalyptica ; La BOF d’House of the Dragon, de Ramin Djawadi ; Chicken slut bingo de Peter Brötzmann et Paal Nilssen Love ; 72 seasons de Metallica ; The devil always collects, de Brian Setzer ; Folklore : the long pond studio session de Taylor Swift, et tant d’autres ! J’écoute tout le temps de la musique !
BD : Ne lâche pas ma main, de Fred Duval et Cassegrain, d’après Michel Bussi ; Mademoiselle Baudelaire d’Yslaire ; Faut pas prendre les cons pour des gens, d’Emmanuel Reuzé.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?

Je vais profiter de cette occasion pour parler un peu de la forme de mes récits… Je travaille énormément mes scénarios, mes personnages, ainsi que les ambiances, les situations et les scénettes. Je crée toujours des personnages (premiers comme seconds rôles) connectés au monde dans lequel ils évoluent : ils ont des familles, des proches, des expressions qui leur sont propres, des manières de voir les choses et de se comporter. Ce ne sont pas des personnages interchangeables, ni des créations sans profondeur. Même ce petit chauffeur de taxi que l’on croise dans le conte de Noël de Louise nous donne une explication sur sa présence à cet instant dans l’histoire. Il n’est ni anonyme ni muet. A l’aide d’une phrase, le lecteur comprend qu’il bosse les soirs de noël car ses croyances sont différentes et qu’il ne fête pas cet événement. Ce n’est pas grand-chose, mais j’aime ce genre de détails « vivants » qui à mon sens renforce énormément les qualités narratives d’un récit.
Il en va de même pour la construction des histoires. J’aime que tout soit cohérent, et que la mécanique narrative soit bien huilée, que chaque élément trouve sa place et que le lecteur puisse ainsi évoluer dans un environnement riche, tant au niveau des décors que des interactions entre les personnages ou dans la dynamique même de l’histoire.
J’aime ainsi à penser mes livres plus comme des films illustrés que comme des « bandes dessinées ». Je raconte les histoires comme je les visualise, comme si j’étais moi-même spectateur d’un film se déroulant sous mes yeux. Je déteste les dialogues qui ne me semblent pas vivants, les situations déjà vues et les personnages « sans personnalité ». Trop souvent la BD se cantonne à des héros sans famille, sans origine, et dont la vie semble bien vide de sens ou dénuée de buts ou de motivations. Des personnages qui n’existent que via l’histoire qui est racontée et que l’on peut jeter ensuite, et pour lesquels on accepte le fait de ne rien savoir de leur passé ou de leur vie en général. Je n’aime pas ça. J’aime quand ça foisonne et quand se dégage une impression de réalisme, même dans un monde totalement imaginaire. Bien souvent les héros sont des archétypes et les situations des stéréotypes. On les retrouve déclinés jusqu’à l’écœurement dans des histoires sans âme oubliées sitôt le livre refermé. Et je trouve cela fort dommage. Le manga a su par exemple prendre plus le temps de s’intéresser à ses personnages dans bon nombre de séries. Même chose pour le comics. Dans nos contrées, il faut bien souvent pénétrer dans les jardins du « roman graphique » pour trouver des personnages fouillés et intéressants. Je trouve que trop souvent, la bande dessinée franco-belge a trop tendance à consommer ses héros, sans jamais essayer de les déguster.
Si l’on devait rechercher le metteur en scène des Chroniques de Louise Pembleton, il s’appellerait certainement Woody Capra. Un joli mélange de la verve et de la plume du premier et du sens de la mise en scène vivante du second.
Voilà donc la réponse à la question que tu n’as pas posée !
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…

un personnage de BD : Philémon
un personnage mythologique : Ulysse
un personnage de roman : Dave Robicheaux (James Lee Burke)
une chanson : breakfast de K’s choice
un instrument de musique : une batterie
un jeu de société : Détective conseil
une découverte scientifique : un anti-dépresseur
une recette culinaire : une langue sauce piquante
une pâtisserie : une tarte au citron meringuée
une ville : Assise, mais au bord de la mer
une qualité : la curiosité
un défaut : la radicalité
un monument : L’Obecni Dum, à Pragues
une boisson : un thé à la menthe
un proverbe : c’est en forgeant qu’on devient forgeron
Un dernier mot pour la postérité ?
Merci. C’est un joli mot pour terminer.
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !