Haut de page.

Thema : les jeux ambiance XIXième
Article publié dans Utopies n°1


Par Marc Laumonier.

Ah! Le XIXième siècle, commencé par Napoléon 1er et suivi par l'effondrement de l'empire ; la venue des romantiques, de l'impressionnisme ; la révolution industrielle anglaise et la naissance d'un capitalisme européen ; l'indépendance de la Grèce et de l' Amérique latine ; la guerre de l'opium en Chine et son refus de s'ouvrir au monde occidental ; le Japon de l'ère Meiji et son ouverture à l'Occident, les derniers Samouraïs ; l'Afrique noire colonisée ; la Russie de Nicolas 1er , les deux Internationales ; l'Inde anglaise ; l'unité italienne ; la guerre fratricide de Sécession, la conquête de l'Ouest américain et sa colonisation, le développement des steamers et du chemin de fer (1869 : les deux rives de l'Amérique du Nord sont reliées), la dernière grande guerre indienne vers 1885 conduite par le chef Apache Geronimo, enfin le capitalisme à l'américaine ; les premières grandes explorations…

Les créateurs de jeux ont-ils cherché à s'inspirer de ce siècle riche en évènements ?

C'est au XIX siècle qu'eût lieu la révolution des systèmes de transport, bateaux à vapeur et chemins de fer connurent un essor sans précédent permettant aux industries de prospérer. Aux Etats-Unis les 'steamers' se développent et, immortalisés par Mark Twain, permettent d'accélérer le développement du pays.


MISSISSIPI QUEEN

ET SON EXTENSION THE BLACK ROSE. JEU DE L'ANNÉE EN ALLEMAGNE (SPIEL DES JAHRES 1997).
Ce jeu un peu méconnu et trop critiqué ne mérite pas tant d'opprobre. Simple dans sa mise en place et dans la connaissance de ses règles, il séduira beaucoup de joueurs et en particulier tout un public familial, et ceux qui aiment les jeux faciles à expliquer.
Le jeu se déroule sur les bords du Mississipi et consiste en une course de steamers, tout en essayant d'arriver le premier il faut aussi s'arrêter en cours pour faire monter deux fois une passagère. Tout est dans la gestion de la vitesse et de l'orientation de son bateau, on ne dispose que de 6 points de charbon qu'il faut gérer parfaitement. Augmenter sa vitesse de 1 ou orienter son bateau de 60° ne coûte rien, mais au-delà il faudra payer 1 charbon. Des règles intéressantes de 'poussette' permettent un peu d'interaction entre les joueurs et autorisent aussi quelques coups de traître. Il n'est pas rare aussi qu'un concurrent en retard tente le tout pour le tout et loupe son coup, en arrivant trop vite sur les berges du fleuve ou sur les embarcadères. Enfin la méconnaissance du fleuve liée à la révélation au hasard des tuiles du Mississipi ajoute un petit élément compliquant le jeu (orientation de son bateau).
Une extension parue en 1998, 'the black rose', ajoute bancs de sable, bois flottant, stocks de charbon le long du fleuve, donne des règles pour 2 et 6 joueurs et précise l'utilisation du 'black rose', bateau à roues mystérieux joué par le joueur situé en dernière position et destiné bien sûr à gêner les adversaires.


DIE WEINHANDLER .1999

Il n'y a pas que les steamers américains ; apparurent aussi en France les premiers vapeurs. Sur la Loire, de Roanne à Nantes, beaucoup de marchandises transitaient. Parmi celles-ci le vin, quand ce vin restait trop longtemps sur le quai il tournait en vinaigre, et Orléans devint ainsi la capitale du vinaigre. Ces bateaux succédèrent aux gabares et autres chalands, ils possédaient des aubes latérales, pouvaient transporter plus de 250 passagers et 200 tonnes de marchandises. C'est en 1822 que le premier bateau vit le jour à Nantes ; on les appela les inexplosibles pour rassurer la population, les deux premiers bateaux ayant justement explosé.
Dominique Ehrhard a utilisé ce brin d'histoire pour faire un jeu familial fort agréable. Il s'agit de descendre ou de remonter la Loire en cherchant à prendre le plus possible de passagers et de tonneaux de vin. En utilisant un peu le même mécanisme que dans Condottière ; après avoir posé les cartes passagers et vins devant les villes adéquates, chacun essaye de déplacer son bateau en posant des cartes face visible devant soi ; un seul bateau à la fois peut être au même quai et des bagarres de mariniers sont nécessaires . D'autres cartes pimentent le tout ; un jeu dont le graphisme est très réussi, seule la couverture non réalisée par l'auteur est un peu loupée, évoquant la rigueur des châteaux allemands et non la douceur de ceux de la Loire.


AGE OF STEAM 2003.

Parlons du transport ferroviaire maintenant ; de nombreux créateurs de jeux ont utilisé ce fantastique développement des trains comme inspiration. De 'Santa Fé rails' à la rocket de Stephenson, de Union pacific à Volldampf, Dampfross, jeu de l'année allemand en 1984, les jeux de train ne manquent pas. Les plus célèbres sont les séries type 1829, 1830, 1835 etc… Celui de 1829 se déroule en Angleterre et essaye de retranscrire au plus proche de la réalité le développement des compagnies, la simulation est réussie avec une phase de transaction boursière et une autre de construction de rails très fidèle , le jeu peut durer plus de 10 heures et est réservé à un public averti. Le '1830' se passe en Amérique et ne dure que 4 heures, c'est le plus connu. Mais je voudrais surtout parler de Martin Wallace qui après un volldampf réussi nous a offert un des 3-4 meilleurs jeux de l'année : 'Age of steam'. A la lecture des règles le jeu peut sembler confus et long ; il n'en est rien, une fois tout relu une seconde fois, le jeu reste finalement assez simple. Il s'agit d'une succession de phases : argent à emprunter, ordre du tour, action particulière, construction des voies ferrées, déplacement des marchandises etc… l'intérêt du jeu est la perpétuelle interactivité entre les joueurs, il faut sans cesse contrecarrer ce que veut faire son adversaire tout en cherchant à mener ses affaires au mieux ; la prise de tête est raisonnable bien que la moindre erreur puisse coûter cher, ce jeu est subtil et les parties peuvent être assez courtes si tout le monde maîtrise les règles ; un des meilleurs jeux du moment.


TRANSAMERICA 2002

Pour ceux qui ne s'intéressent pas aux spéculations boursières ou au transport des marchandises et qui souhaiteraient un jeu plus simple et rapide, ce jeu est fait pour eux. Avec son objectif secret (une de mes astuces ludiques préférées) chacun cherchera le premier à rejoindre ses 5 villes pour relier l'est et l'ouest américain. Ce jeu simple, voire simpliste est pourtant un petit bijou de bluff ; jeu rapide par excellence. Chaque joueur pose à son tour un ou deux rails toute l'astuce étant d'utiliser les tronçons de rails posés par l'adversaire, également de faire croire qu'on a pris beaucoup de retard alors que la victoire est pour le tour suivant… j'aurais bien personnellement rajouté un pouvoir particulier à chaque joueur utilisable une fois par partie du type : sabotage, attaque d'indiens, achat de voie…etc, mais c'est sans doute mon lourd passé de joueur de cosmic encounter qui ressort car le jeu est déjà très plaisant ainsi ! attention par sa simplicité et ses évidences il peut décevoir cependant un certain type de joueurs.


SAN FRANCISCO 2000.

Construire une ville ? bon ce n'est plus vraiment le XIXième siècle puisque le jeu est censé se dérouler en 1906, date du tremblement de terre dévastateur de SAN FRANCISCO. Les joueurs vont reconstruire la ville qui se présente sous l'aspect d'une grille de 35 cases sur lesquelles des quartiers sont posés, pour délimiter ses quartiers on déposera des baguettes. Celui qui a la majorité des baguettes autour d'un quartier peut le reconstruire. Chaque joueur a des cartes influence et des chèques. Le jeu se déroule d'abord avec une suite d'enchères. Ce jeu est un mélange de mécanismes d'enchères ayant tous fait leur preuve, à la lecture des règles, cela peut sembler confus mais au cours du jeu cela reste fluide. Dès qu'un quartier a été reconstruit on tire une carte action, à la douzième carte action le jeu se termine. San Francisco, malgré des défauts certains (les auteurs ont peut-être trop mélangé les bonnes idées et problème de lisibilité de certaines cartes et du jeu) reste cependant un excellent jeu d'enchères.


BATTLE CRY 2001.

Les guerres au XIXième siècle ont donné lieu à la création d'un grand nombre de wargames, n'étant que très peu wargamer, je ne peux pas trop vous en parler, par contre un jeu qu'il faut découvrir sur la guerre de sécession est battle cry.
C'est un excellent jeu d'initiation aux 'batailles' et peut être pour ceux qui aimeraient une bonne approche pour des wargames plus typiques. Les règles sont claires, les combats très simplifiés - on y perd en réalisme, on y gagne en jouabilité - , On y joue à deux et 15 scénarii sont proposés, ceux-ci évoquent les premières années de cette guerre fratricide. La mise en place du jeu est assez simple. Les tours de jeu commencent en jouant une carte d'ordre qui permet d'activer une unité (artillerie, infanterie ou cavalerie) qui peut se déplacer ou attaquer. En cas de combat, tout se résoud par des jets de dés, ceux-ci rendent les combats particulièrement meurtriers, la mécanique peut paraître un peu simpliste, mais elle s'intègre très bien pour ce type de jeu. S'il y a victoire, on récupère le drapeau du vaincu. Dès la prise du sixième drapeau ennemi, c'est la victoire.
Continuons dans le Far West, nom donné aux Etats-Unis, pendant le XIXième siècle aux territoires situés au-delà du Mississippi. Beaucoup de jeux à citer : ABILENE, COLORADO COUNTY, PONY EXPRESS, MORT OU VIF, BANG!, GNADENLOS etc…mais intéressons-nous à SANS FOI NI LOI la création de Bruno Cathala.


SANS FOI NI LOI 2003

Chaque joueur se trouve à la tête d'un ranch qu'il doit gérer au mieux : acheter des terrains et des troupeaux qu'il essaiera d'engraisser au mieux, il faudra bien sûr acheter des cow-boys et aussi des fines gâchettes, tout le petit monde du far west est là réuni : des girls, au maire, au croque-mort et ainsi de suite. Il s'agit d'un jeu de cartes très simple qui séduira beaucoup de joueurs, les règles sont faciles à assimiler et permettent des petits coups en traître fort agréables quand c'est vous qui les maîtrisez, sinon… Certaines cartes sont vraiment trop fortes (je pense en particulier aux tueurs à gages les plus forts) et peuvent ruiner complètement un joueur malchanceux aux dés, de petits changements de règles peuvent rééquilibrer ces cartes trop chanceuses. L'ensemble est prenant et malgré un durée de jeu parfois un peu longue, on a souvent envie de rejouer dès la partie terminée.


ADEL VERPFLICHTET 1990.

Un dernier vient à l'idée : ADEL VERPFLICHTET, petit bijou de Teuber. Il s'agit du premier jeu allemand à recevoir un accueil très favorable des américains qui l'ont traduit très rapidement, le jeu reçut la même année (1990) le Spiel des Jahres et le prix allemand. Mettez vous dans la peau d'un lord anglais désireux de présenter la plus belle collection d'antiquités à la fin du jeu, mettez y des voleurs, des détectives, un peu d'argent et beaucoup de bluff, mélangez le tout et voilà un des meilleurs jeux jamais inventés. Le lord a le choix entre deux lieux, SOIT le château où il peut faire une exposition et avancer son pion, soit voler un objet d'une autre collection, soit lancer un détective pour capturer les voleurs et ainsi progresser SOIT la salle des ventes pour acheter un objet avec un chèque ou envoyer un voleur de chèque. Ce jeu est imprévisible et plein de saveur, il faut sans cesse prévoir ce que va faire un tel ou un tel et bluffer (voire double bluffer, plus encore si possible), un système astucieux fait qu'un joueur en retard peut réaliser des remontées spectaculaires et les fins de parties sont souvent très prenantes. Ce jeu est une perle, sans hésiter le meilleur jeu de bluff jamais publié.


J'espère que ces courtes critiques vous auront donné envie de 'jouer' avec le XIXième siècle…

Ludiquement Marc Laumonier.
Utopies