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Entretien avec Nicolas Jarry
accordé aux SdI en mars 2005


Tout d’abord, un grand merci de vous prêter au petit jeu de l’interview…
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ? (parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse smiley… )

Bac D (une véritable pièce de collection) / Deug de biologie (un grand moment dans ma vie), tout en écrivant un roman qui a été publié en 2000 aux éditions Mnénos (le loup de Deb), puis les deux autres tomes ont suivi. J’étais alors surveillant de collège (expérience assez traumatisante) après avoir été recalé à divers concours d’entrée dans des écoles d’édition. Je suis entré petit à petit dans le monde de la Bd et depuis un an j’en vis (enfin je mange à ma faim et j’ai un toit…).
Si j’en crois ma carte d’identité, je dois avoir dans les 28 ans. D’après ma mère et ma grand-mère, je n’ai que des qualités. Pour les passions, je verrais ça à la retraite… pour l’instant pas le temps… (rire en boite)


Avant de vous lancer dans la bande dessinée, vous avez édité plusieurs romans, de la Chroniques d'un guerrier Sînamm à La Citadelle des cendres. A quand remonte votre passion pour l’écriture ?
Ça doit dater du secondaire, peut-être d’avant. C’était plus une fascination pour les histoires qu’une véritable passion pour l’écriture. Je n’étais pas ce qu’on pourrait appeler une flèche en français (je me suis mis assez tard à lire, vers 14 ans), mais j’avais envie de raconter des choses. Alors je l’ai fait avec les moyens du bord, j’ai appris sur le tas. Petit à petit j’ai compris qu’écrire pouvait être un véritable plaisir, alors j’ai travaillé et retravaillé mes textes jusqu’à être édité. J’ai un peu moins de temps pour l’écriture ces derniers temps, mais je ne lâche pas l’affaire, je co-écris une série avec une amie aux éditions du Rocher. (Sphinx). Deux tomes sont prévus pour cette année (le premier vient juste de sortir)


Tu parles de la Guerre des Dieux / Sphinx? Comment s’y prend-on pour écrire une histoire à 2 mains (ou 4 si vous êtes ambidextre) ? Comment se fait le partage des tâches ?
Mais… Mais… qui es-tu pour connaître l’ancien titre de ce roman ? Hum ? Oui, il s’agit bien du même roman ! Pour l’écriture à deux mains, c’est quelque chose que je n’avais jamais envisagé avant de m’y coller. En fait, une amie m’a fait lire les premiers chapitres d’une histoire qu’elle voulait écrire depuis de nombreuses années. Ce n’était pas encore vraiment au point, mais j’ai vraiment flashé dessus et je lui ai proposé d’y travailler à deux dessus. On a tout remis à plat et chacun a trouvé naturellement sa place par rapport à l’autre, pour l’instant ça fonctionne plutôt bien.
Etape 1 – Elle me parle de ce qu’elle veut faire, on en débat rapidement s’il y a un point d’ombre.
Etape 2– Elle avance l’histoire de son côté.
Etape 3– Je passe derrière elle en chamboulant certains passages, en en conservant d’autre, en en écrivant certains…
Etape 4– On se prend un peu le bec pour savoir qui a raison.
Et on reprend à partir de l’étape 1 et comme ça jusqu’à la fin du bouquin.

BD ou roman, finalement, qu’est-ce qui te pousse à écrire?
Je ne me pose pas la question. L’écriture est une activité naturelle, ça fait parti de ma vie. Si j’arrêtais, j’aurais l’impression d’être amputé de quelque chose de précieux. Je pense que même si je n’étais pas édité, je continuerais à écrire. L’argent ou même avoir mon livre ou ma Bd entre les mains est une motivation, mais ça n’a jamais était mon monteur.

Construire un récit et des personnages de roman fait-il appel aux même mécanismes que l’élaboration d’un scénario de BD ? Est-il plus facile ou plus difficile de poser un univers dans un album de 46 planches que dans un roman ?
Ce sont deux exercices fondamentalement différents. Le roman est un travail qui permet une grande liberté, je construis mon univers à mesure que mon personnage avance, au gré de mes envies, avec une vague idée de la trame principale. Le scénario d’une Bd doit être structuré, réfléchi à l’avance, on ne peut pas partir à l’aventure avec l’espoir qu’à la fin tout se boucle comme par magie en 46 planches ! J’essaie tout de même de ne pas tout prévoir afin de conserver un peu de spontanéité. Il est bon parfois de se laisser aller et d’être surpris par ses propres personnages !


Quels sont aujourd’hui les auteurs que vous préférez?
Dernièrement j’ai été scotché par UW1. Mais je suis plus fasciné par les œuvres que par des auteurs et puis je n’aime pas les listes… ou juste pour faire mes courses.

Et du côté des écrivains? Quels sont tes derniers coups de cœur dans les romans que tu as lu dernièrement ?
Dernièrement j’ai lu et apprécié Robin Hoob (et oui, comme tout le monde, mais j’ai un peu de retard à l’allumage). J’ai relu la reine de Vendôme, un roman chez Mnémos passé injustement inaperçu. Et là je viens d’attaquer Abzalon de Bordage, Quel talent ce type ! En fait j’ai passé ces trois dernières années sans lire grand chose et je compte bien me rattraper, j’ai l’impression d’un grand vide qu’il me faut combler !


En juin 2003 sort La Citadelle oslanne, premier tome des Brumes d'Asceltis aux éditions Soleil. Trois mois après paraît Les enfants de la Cyberchair, premier tome des Chroniques de Magon… Chronologiquement, quel a été votre premier projet ? Comment est-il né?
Le premier projet a été Maxime Murène… En fait c’est même le projet qui m’a fait entrer dans le monde de l’édition. Je connais David depuis une bonne douzaine d’années. J’écrivais des romans, il avait envie de dessiner, on a monté un projet, on l’a signé et pour moi ça a fait boule de neige : De romancier à la petite semaine, je suis passé Scénariste à plein temps.
Merci David smiley


Après lecture, je trouvais que l’univers de Maxime Murène se trouvait à l’improbable frontière qui séparait le polar des années 50 et le jeu de rôle In Nomine Satanis / Magna Veritas où les joueurs incarnent anges des démons, pions dans la terrible partie d’échecs que jouent Dieu et Satan sur la Terre. Le jeu de rôle a-t-il fait partie de tes loisirs?
Oui, au début le JDR a été un moteur. Je n’ai jamais été un grand joueur, mais j’aimais écrire des scénarios, que ce soit pour Warhammer, l’appel de Cthullu et bien d’autres… In nomine Satanis en faisait parti. La Vierge Avortée n’est pas issue d’un scénario de JDR écrit quand j’avais 15 ans ! Mais c’est vrai que je me suis replongé dans cet univers décalé, violent et amoral, avec plaisir. INS/MV n’est pas la seule source d’inspiration qui a conduit à cette BD, mais je ne renie absolument pas une certaine parenté …

Si tu devais présenter le JdR à un quelqu’un en deux-trois phrases, comment t’y prendrais-tu ?
Humm… Quand il y a une véritable osmose entre les joueurs (ce qui est rare, mais qui arrive parfois), C’est une manière de partager un moment d’intense liberté. C’est du moins le souvenir principal qui me reste de mes parties… Nostalgie nostalgie…

Dans un univers assez proche, as-tu vu Constantine (malgré des critiques peu tendres) ?
Bé non… les critiques m’ont un peu rebutée…

Chacune de vos séries possède un univers particulier, que le lecteur découvre en suivant l’intrigue et les personnages principaux. Dans votre travail d’écriture, la création du monde et de ses particularité est-elle l’amorce du travail ou au contraire bâtissez vous votre univers autour d’un personnage et d’une trame?
Ça dépend. Parfois je tiens un personnage intéressant, ce qui me conduit à créer un univers particulier sur mesure (c’est le cas pour Maxime Murène), mais la plupart du temps, pour mes scénarios de Bd, je construis mon univers pièce par pièce et ensuite je crée mes personnages en tenant compte de cet univers, du rôle qu’ils auront à y jouer. Le problème de ce second « monde » de création c’est que les personnages peuvent être alors perçus comme des pantins manipulés par les intentions malhonnêtes de l’auteur si l’on n’y prend pas garde. Dans le cas Maxime, ce que je voulais, c’est un héros qui prennent son destin (entendre par la là, sa carrière) en main…

Dans les différentes séries que tu as scénarisé, comment s’est fait le choix des dessinateurs ? Au grès des rencontres? sur proposition de l’éditeur ?
Au grés des rencontres, sur proposition des éditeurs, parfois je suis allé les chercher moi-même… ça dépend. En général je n’impose jamais un projet à un dessinateur et même s’il m’arrive de proposer à un dessinateur un projet déjà écrit, alors je n’hésite pas à modifier l’univers pour le faire correspondre à celui de mon co-auteur. J’essai d’être respectueux des envies de chacun…


Quel a été le point de départ des Chroniques de Magon, série magnifiquement mise en image par Guillaume Lapeyre superbement mis en image par Elsa Brants (je n’y peut rien, je suis toujours scotché devant les planches de cette BD).
LOL… Le point de départ est Mr Arleston lui-même. J’étais en relation avec lui de part mes romans et le scénario de Maxime Murène qu’il avait lu et il avait un jeune dessinateur (Guillaume) et sa coloriste non moins jeune (Elsa) dans ses valises. Il voulait leur faire faire une histoire courte pour Lanfeust Mag. On était plusieurs (jeunes) scénaristes sur les rangs, mais j’ai coiffé les autres concourants au poteau smiley, et après l’histoire courte dans le mag, on s’est embarqué pour l’histoire longue chez Delcourt !

Parmi les personnages que tu as crée, lequel prends-tu le plus de plaisir à mettre en scène ?
Il n’y a pas « un » personnage en particulier, mais plutôt un archétype. J’aime assez ceux qui sont un peu instable et qui vous échappe et vous surprenne, ceux qui prennent leur destin en main plutôt que d’être pris en main par leur destin. Maxime est un de ceux-là, tout comme Asmo (les Chroniques de Magon).

Quelle étape préfères-tu dans l’élaboration d’une BD ?
Ce que j’aime tout particulièrement c’est la première étape, celle ou je laisse mon imagination vagabonder dans tous les sens en gribouillant sur un carnet. J’ai l’impression de chercher des œufs en chocolat dans un grand jardin fleuri… smiley

Comment avez-vous organisé votre travail avec David? Du synopsis à la planche colorisée, quelles sont les différentes étapes de votre travail ?
David est plutôt du genre travailleur solitaire. J’ai écrit le scénario, je lui ai donné et ensuite il m’envoyait les planches finalisées (je n’ai plus qu’à féliciter). Pour les étapes intermédiaires, je le laisse donc répondre !


©Delcourt / David Nouhaud


Et avec Guillaume Lapeyre?
Avec Guillaume, une fois le scénario écrit, il n’envoie le story-board, on en discute s’il y a lieu (Comme je fais le découpage, il est parfois obligé de se rattraper aux branches) puis il m’envoie le crayonné (je félicite), puis les couleurs (re-félicitations)

Comment l’album a-t-il était accueilli, à Angoulême et ailleurs ?
Pour l’instant, plutôt bien. Ce qui revient le plus souvent, c’est un peu de frustration que ce ne soit qu’un one-shoot, c’est donc que la Bd doit plutôt bien fonctionner !

C’est le moins que l’on puisse dire, elle fonctionne fort bien! Mais… euh… c’est bien sûr ? C’est et cela restera un one-shot?
Il ne faut jamais dire jamais, mais pour l’instant David travail sur un projet personnel qui lui tient à cœur. Plus tard, peut-être, on verra…


L'antre de la gorgone, le nouveau tome des Chroniques de Magon sort prochainement. Dans quel état es-tu généralement lorsqu’une de tes Bd arrive sur les étals ?
Impatient, stressé et plutôt fier. Mais ce qui prends très vite le pas sur tout le reste, c’est l’envie d’écrire la suite ! Un album est une étape importante, mais ça reste une étape ! L’essentiel est de pouvoir raconter son histoire jusqu’à la fin !

Quels sont tes projets actuels et futurs (bd ou ne roman)? De nouvelles séries en préparation ?
Pour ce qui est de mes nouvelles séries, il y a la Rose et la Croix en mars, 2 (ou 3) nouvelles série courant 2006 et boucler les 4 tomes de Sphinx avant d’entamer autre chose.


©Soleil / Critone / Jarry – Richemond / Pier


Je viens de voir quelques planches sur le site de soleil, graphiquement, c’est superbe! Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette nouvelle série dont le thème semble être l’ésotérisme et l’alchimie ?
Je crois que les planches parlent d’elles-mêmes ! Luigi (le dessinateur) et Lorenzo (le coloriste) travaillaient dans un studio qui fait de l’illustration historique en Italie. Ils étaient en relation avec Thierry Joor (directeur de collection chez Delcourt, même si finalement le projet a finalement était signé chez Soleil). J’ai monté un scénario avec France Richemont (avec qui j’écris Sphinx) plutôt ambitieux, on y traite d’alchimie, de la pierre philosophale, du Graal (dans un futur proche), le l’histoire de la (futur Prusse) et d’une puissante société secrète de l’époque qui existe encore aujourd’hui : les Rosecroix ! On suivra les aventures d’un adolescent, Johann Friedrich Böttger, qui sera la pierre angulaire de ce grand récit…

L’élaboration de l’intrigue a-t-elle donné lieu à de longues et passionnantes recherche?
Pour les recherches, c’est France. Elle a une passion immodérée pour les vieux bouquins (quelle que soit la langue !). Personnellement je me documente aussi, mais ça reste superficiel par rapport à l’énorme travail qu’elle fait ! En fait, elle connaissait déjà Böttger, elle m’a proposé le thème de l’alchimie et en creusant un peu, on a découvert une mine d’or.

Y-a-t-il une question que je n’ai pas posé et à laquelle vous aimeriez néanmoins répondre ?
Bof, Moi, les questions, ça me saoule un peu… smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce chrysopéenne :
Si tu étais…
une créature mythologique
: le Minotaure…
un personnage de cinéma : Spiderman ou Forest Gump…
un personnage biblique : Noé.
un personnage de roman : Cyrano de Bergerac.
un personnage historique : Pierre Richard (au moins lui, il a pas fait trop de conneries !)
un personnage de JdR : Le vieil archiviste acariâtre enfermé dans sa tour avec son chien pouilleux et son mainate grossier.
un personnage de BD : Garulfo.
un personnage de théâtre : Cyrano de Bergerac. (je cache mon ignorance derrière une redondance smiley)
une œuvre humaine : un château du moyen âge… en ruine quand le lierre l’a presque entièrement recouvert

Le Korrigan