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Paroles de Joueurs : Miles Christi
Propos recueillis par le Korrigan


Le JdR souffle ses 30 bougies. Comment as-tu découvert cet étrange loisir ?
Jérôme Darmont : C'était il y a 20 ans, un ami américain au collège (échange de profs - c'était le fils de mon prof d'anglais, donc) nous montre une feuille pleine de trucs écrits petits. Une feuille de perso AD&D. Coïncidence, quelques semaines plus tard, des grands de 3e montent un club D&D. Et voilà. Certains sont encore mes meilleurs potes.
Frédéric Bouteiller:C'est une allemande qui m'a initié à 14 ans, une fois que j'ai eu mon diplôme de la Grande Boucherie de Notre Dame de la Presque Pitié en poche. Mais c'est une longue et douloureuse histoire d'amour, qu'il vaut mieux éviter de dévoiler ici.
Fr.-Xavier: Petit retour en arrière… Tout début 1983, internat, classes prépas. Jusque là, j’avais « croisé » la notion de JDR en lisant Jeux & Stratégies, mais je n’y avais jamais joué et, en fait, je ne savais pas trop ce que c’était. Des copains d’internat m’invitent à une première partie. Avec Légendes Celtiques, je plonge dans le JDR, et je deviens rapidement accro. Joueur au début, puis souvent MJ par la suite.
Julien : J'ai découvert le jeu de rôles en compagnie d'un ancien ami. Nous n'y connaissions rien tous les deux. Mais nous évoluions dans cet environnement de boutique de jeux, de figurines et de livres dont vous êtes le héros... En achetant un Casus Belli Simulacres nous nous sommes lancé en partageant les scenarii disponibles.


Quels sont tes jeux favoris, en tant que joueur et en tant que meneur ?
Jérôme Darmont : En tant que meneur, Ars Magica, Blue Planet, Château Falkenstein. En tant que joueur, Maléfices, Nephilim, Arkeos.
Frédéric Bouteiller:Miles Christi, Sengoku, L5R...
Fr.-Xavier: Le genre de question qui entraîne des réponses qui vont me faire passer pour un grognard de la Vieille Garde…
Globalement, je suis plutôt porté vers les JDR « historiques ». Pour la facilité à me mettre dans l’ambiance et à trouver des inspirations dans des livres, des films, etc. Et aussi parce que les « suppléments » coûtent moins cher, puisque la matière première est disponible dans les bibliothèques, les librairies, les bouquinistes, etc.
D’un autre côté, je suis incapable de m’immerger correctement dans un univers que je ne comprends pas bien, auquel je n’accroche pas (le post-apocalyptique, les jeux autour des vampires et autres-morts-vivants, les ambiance très décalées, etc.), ou d’incarner des persos qui me sont totalement étrangers (mutants, non-humains, et même magiciens au sens large).
Mon chouchou est incontestablement Capitaine Vaudou : un univers qui accroche facilement, des règles simples (même pour le combat naval, ou la magie). Je l’ai pratiqué pendant des centaines d’heures de jeu.
J’aime aussi beaucoup le JDR espagnol (plus récent) Capitan Alatriste, inspiré des romans d’Arturo Pérez-Reverte.
Lorsque mon activité rôlistique était plus intense que maintenant, j’aimais beaucoup jouer à Avant Charlemagne, Les Trois Mousquetaires / Flashing Blades, Empire Galactique, James Bond 007, Légendes de la Vallée des Rois, Gurps Western. Jouer à Gurps Aztecs, c’était plus rare, smiley.
Parmi les jeux d’aujourd’hui, j’ai du goût pour Lyonesse et pour Dying Earth.
Et, comme tout insatisfait, ne trouvant pas dans le commerce ou sur le net le jeu auquel j'ai envie de jouer, je suis en train d'en écrire un : Ombres & Lumières, un jeu 'historique' ancré dans le XVIIIe siècle.

Julien : J'apprécie un tas de jeux. Tous les citer serait probablement ennuyeux. Disons que ceux qui sortent vraiment du lot et que j'apprécie sont: Le Livre des Cinq Anneaux, Le Seigneur des Anneaux, Fading Suns, Miles Christi, Kult, Obsidian, Retrofutur et Brain Soda.

Si tu devais en quelques mots définir ce qu'est un JdR, que dirais-tu ?
Jérôme Darmont : Un jeu de société où l'on raconte une histoire ensemble et où il n'y a ni gagnant, ni perdant.
Frédéric Bouteiller:Un application ludique d'univers issus de films de genre, de comics, de littérature fantastique et SF, et j'en passe.
Fr.-Xavier: Le JDR, c’est jouer à « Et si j’étais Ivanhoé… » ou aux « cow-boys et aux indiens », comme dans une cour de récréation, à l’école, mais avec quelques règles pour éviter qu’il y ait trop d’arbitraire. Evidemment, il est probable que pour des ados d’aujourd’hui, la question est plutôt « Et si j’étais Legolas ? ». smiley
Julien : Un conte interactif entre amis. Chacun apporte sa part à la construction d'une histoire qui peut devenir mémorable, dans la convivialité et l'esprit de groupe.

Qu'est ce qui t'as donné envie de découvrir Miles Christi ?
Jérôme Darmont : L'époque, le thème (les croisades), le lieu (l'orient), la couverture du livre de règles !
Frédéric Bouteiller:D'abord l'époque, étant donné que j'ai découvert le jeu dans une période où je m'intéressais beaucoup au bas et haut Moyen-Age, et cet espèce de western avant l'heure qu'on appelle les croisades. Puis le côté 'immersif' de l'ouvrage, de par son contenu et son contenant.
Fr.-Xavier: Un cocktail de raison, en fait : un article dans Casus Belli, une rencontre avec les créateurs du jeu au Monde du Jeu, une bonne sensation physique en feuilletant le livre en boutique, un certain penchant pour les jeux sortant de l’ordinaire, des tas d’idées d’aventure dans un cadre passionnant.
Julien : A l'époque, j'étais en pleines études d'histoire, j'ai eu envie de jouer un jeu médiéval plus historique et dépaysant. De plus, le look du bouquin est superbe. C'est probablement le plus beau jeu que j'ai pu voir.

Le système de jeu sort quelques peu des sentiers battus. Peux-tu nous le présenter dans les grandes lignes ?
Jérôme Darmont : Mes souvenirs datent un peu, mais le système n'est pas le meilleur dans M+C. Il est pourtant original (à base de cartes) et colle assez bien à l'ambiance qu'on voulu rendre les auteurs, mais n'a clairement pas été assez testé et montre ses limites dès les premières parties. Dommage !
Frédéric Bouteiller:L'une des particularités du jeu est d'utiliser un jeu de carte classique pour résoudre les actions. Assez dépaysant pour moi à l'époque, je pense que si je devais refaire jouer une partie de MC aujourd'hui je m'en passerais, je trouve que c'est un peu 'gadget' finalement.
Fr.-Xavier: Chaque joueur incarne un templier, ce qui revient à dire qu’il faut être à la fois un guerrier, un chevalier et un moine. Le personnage est créé peu à peu, en passant en revue les étapes de sa vie, chaque étape étant traduite par un archétype qui confère au personnage des niveaux de caractéristiques et de compétences.

Ce qui est assez particulier dans MC, c’est la gestion de la part aléatoire des actions. Les éléments aléatoires sont générés à l’aide d’un jeu «classique» de 52 cartes (plus 2 jokers). Les cartes à «points» ont leur valeur nominale (par exemple, le 7 de carreau vaut 7), le Valet vaut 10, la Dame 11 et le Roi 12. (cf encart)

Evidemment, ce système ne collerait pas du tout avec d’autres univers de jeu, notamment ceux faits pour les joueurs qui raffolent de situations héroïques où même le premier personnage incompétent venu a une chance (minimale certes, mais non nulle) de réussir une exploit intergalactique si le joueur qui lance les dés a un coup de chance fantastique. Ce n’est pas l’ambiance de miles Christi.
Alors, j’ai bien peur que certains joueurs qui pensent que le système de miles Christi est «pourri» (c’est un des qualificatifs que j’ai lus…) aient jugé ce système sans tenir compte qu’il est taillé pour l’ambiance que les créateurs ont voulu donner au jeu.
Je comprends que des joueurs n’aient pas aimé miles Christi (c’est un jeu très exigeant dans sa «mentalité», c’est vrai), mais je trouve dommage qu’ils jettent le bébé avec l’eau du bain.

Julien : Chaque joueur (et le meneur) a son paquet de cartes et un certain nombre de cartes en main. Les cartes ont chacune leur valeur (as=1, 2=2 etc...). A chaque action qui demande une carte, le joueur joue une carte et fait la moyenne avec le score de son personnage dans la compétence. Il faut donc jouer une plus grosse carte pour essayer de monter son score. Mais la main n'est pas toujours heureuse. Et parfois on se retrouve avec des petites cartes à jouer. Le combat a quelques spécificités. Le joueur peut aussi écarter des cartes pour réaliser par la suite des prodiges et faire appel à la providence (le côté magique et spirituel du jeu). Mais il est devant un dilemne, car il vaut mieux écarter une carte puissante. Mais se faisant, il se prive d'une telle carte pour une action plus terrestre.

Quel est ton plus grand souvenir à M+C ?
Jérôme Darmont : Une énigme à résoudre pour conclure un scénario vers 1h du matin, qui nous a tenus jusqu'à 4h du matin, épuisés !
Frédéric Bouteiller:Un scénario tirant vers le genre 'Indiana Jones', avec recherche d'un trésor perdu, agrémenté d'énigmes parfois ésotériques, patchwork de mysticisme et d'Histoire. Certes un peu linéaire, mais cela montrait que M+C pouvait se prêter à un style d'aventure moins 'ampoulé' que ce qu'on imagine quand on parle d'un jeu historique (avec tout plein d'a priori).
Fr.-Xavier: Au risque de paraître « bateau » dans ma réponse, je dirais que je n’ai, globalement, que des bons souvenirs de M+C. Je n’en vois pas un qui mérite plus que les autres d’être mis en valeur. J’ai eu la chance d’y jouer avec des amis qui ont su se plonger dans l’ambiance, d’accepter les contraintes de ce jeu. Nous étions un petit groupe de joueurs curieux de tout, contribuant à nourrir nos parties de détails qui donnaient une vraie saveur locale à nos parties. Ceci nous a permis de tisser une campagne où le poste de MJ était tournant, car nous avions donné une vraie cohérence à notre univers de jeu.
Julien : Hum, voyons...Précisons que je suis meneur à ce jeu. Je pense au moment où l'un des Frères, qui s'est retrouvé seul dans l'action, par hasard, a sorti une superbe tirade qui a résolu la situation vraiment épineuse dans laquelle était un PNJ capital du scénario. On se serait cru dans un film. Ce fut un grand moment. J'ai aussi quelques souvenirs d'affrontements épiques très sympa.

Est-ce difficile d’incarner un templier, avec ses valeurs et ses codes de conduite ? N’est ce pas trop restrictif ?
Jérôme Darmont : Au contraire, c'est un expérience passionnante que d'appeler ses petits camarades beaux doux frères et de surveiller les écarts des autres.
Frédéric Bouteiller:Il y avait de quoi se plaindre en effet de cette restriction, mais cela rend le jeu d'autant plus immersif. Et puis rien n'empêchait d'ouvrir le jeu et le système à d'autres catégories de chevaliers. Un colon souhaitant entrer dans les Ordres ou un templier déchu peuvent donner des personnages très intéressants à jouer.
Fr.-Xavier: Le guerrier, c’est probablement l’archétype le plus facile à incarner de tous les personnages de JDR. Celui, en tout cas, qui traîne, en guise de casseroles, mille et un clichés.
Le chevalier apporte une touche de noblesse et de rigueur mêlées. Il appartient à l’ossature de la société, il est sensé porter des valeurs d’honneur, tout en représentant le pouvoir et ses tentations.
Quant au moine, il pose le personnage sur une voie étroite, celle de l’humilité, de l’obéissance, de la prière, de la chasteté.
Chaque rôliste peut incarner un templier qui se situe quelque part dans ce triangle dont le guerrier, le chevalier et le moine sont les sommets. Selon le goût de chacun, le templier peut se situer plus ou moins près des sommets. Rien n’oblige le joueur à incarner un templier situé au centre de gravité du triangle, juste équilibre entre les trois facettes.

Toutefois, cette variété de caractères au sein de la famille des templiers ne fait pas oublier que, justement, reste exactement cela, un templier. Et cela entraîne donc de fortes restrictions : appartenir à un ordre militaire et monastique à la fois, cela double les autorités de tutelle. En choisissant d’incarner un templier, on signe un contrat bien différent de la plupart des autres jeux de rôle. Pas question, ici, de dépouiller les marchands, de s’échapper avec le butin, de se lancer dans d’héroïques bagarres de taverne, de lutiner des drôlesses. Sinon, la confession sera longue, et le châtiment sévère.

Il faut aussi remarquer qu’un certain scénario publié à l’époque pour M+C dans Casus Belli a pu refroidir les ardeurs de joueurs qui l’auront parcouru pour se faire une idée du type d’aventure offert par ce jeu. Si ce scénario avait une trame intéressante, les indications qu’il donnait pour sa résolution laissaient clairement penser que les joueurs devaient être bons connaisseurs des Ecritures. S’affronter dans un procès à coups de citations de Jean ou de Matthieu, voilà qui n’est pas à la portée des premiers venus.
M+C avait déjà une réputation de jeu atypique à sa sortie, mais la publication d’un scénario comme ça n’a pas dû contribuer à faire changer les gens d’avis.

Julien : C'est vrai que c'est restrictif. Mais cela fait aussi la force du jeu. Incarner un tel personnage est une gageure même pour un rôliste blasé. C'est dépaysant en quelque sorte de devoir essayer de coller à la morale d'un tel personnage. Mais on peut relativiser néanmoins. Car tous les Templiers n'étaient pas des saints, loin s'en faut. Et pour les allergiques à ce type de persos, on peut toujours leur faire incarner, moyennent bricolage, d'autres types de personnages (par exemple, des marchands, des chevaliers laïcs, voir des Assassins).

Pour ceux qui sont meneurs, comment utilisez-vous la richesse du background historique du jeu ?
Frédéric Bouteiller:Au départ, j'avais tendance à me laisser étouffer par le soucis de véracité historique. Vers la fin, je m'offrais beaucoup plus de 'liberté', me reposant plus sur les bédés d'Hermann que sur les écrits de Georges Duby.
Fr.-Xavier: L’environnement historique de M+C est propice à des aventures variées, même en restant en Terre Sainte. Intrigues dans les allées du pouvoir, où l’esprit et la parole sont plus utiles que la main et l’épée. Menées diplomatiques entre seigneurs chrétiens, ou entre chrétiens et sarrasins. Escarmouches sur les franges de la Terre Sainte. Enquêtes sur des phénomènes étranges. Les décors sont variés, des villes aux oasis, en passant par les déserts et la mer.
On peut aussi élargir le champ géographique et revenir sur les terres de France ou d’Espagne.

L’intérêt de jouer dans un cadre historique comme celui-là, c’est aussi de pouvoir disposer d’une grande variété d’inspirations, d’aides de jeux presque toutes faites dans des livres d’histoire, de géographie, etc., en plus de ce qui est paru dans les livres de la gamme M+C. Avec tout ç a à disposition autour de nous, il est presque impossible de rester « sec » pour mettre au point un scénario ou une campagne.

Julien : J'essaie d'intégrer des événements et des personnalités historiques lors des parties, notamment grâce à la très détaillée chronologie fournie dans le livre. J'essaie aussi de retranscrire les différents peuples et cités que peuvent rencontrer les PJs.

Quel sont selon toi les points forts de ce jeu ?
Jérôme Darmont : L'ambiance très bien rendue, le background historique.
Frédéric Bouteiller:La parfaite adéquation contenant-contenu. Miles Christi c'est comme un gros gâteau appétissant.
Fr.-Xavier: Le premier point fort est l’univers du jeu. Je ne parle pas là uniquement de l’ordre du Temple et de ce qu’il véhicule comme rêves et fantasmes. Mais de cette Terre Sainte, de ces royaumes francs, des royaumes sarrasins, de ces gens qui s’affrontaient et se côtoyaient, qui luttaient et commerçaient, qui s’influençaient les uns les autres.

Le deuxième point fort est son système. J’ai entendu de tout sur ce système : il est obscur, il est bancal, il est ceci et il est cela. Pourtant, c’est un système auquel j’ai immédiatement accroché. J’aime beaucoup cette idée d’avoir dans la main les résultats des prochaines actions et de devoir faire le choix de la carte que je vais poser. Un mélange entre la prédestination et la possibilité de choix.

Le troisième point fort, ce sont les excellents suppléments publiés par SPSR. Scénarios et aides de jeu sont d’une haute volée, bien écrits et très prenants.

Julien : Je dirais son thème vraiment inédit (à l'époque et jusqu'à la sortie de Secretum Templi), qui est dépaysant, inédit, et dans une niche certes réduite mais passionante du jeu quasi-historique, ses règles avec les cartes et les dilemnes qu'elles posent. Le fait que les PJs soient des personnages à deux facettes, cette dualité entre homme de guerre et homme du clergé qui les départage est aussi passionant à mettre en scène.

L’éditeur SPSR n’étant plus, continues-tu de jouer à ce jeu avec ton groupe ? L’élaboration de scénarios nécessite-t-elle de se lancer dans de longues et fastidieuses recherches ?
Jérôme Darmont : Malheureusement non, mais plus faute de combattants (nous nous voyons peu) qu'autre chose.
Frédéric Bouteiller:Malheureusement, il était difficile déjà difficile de trouver des joueurs pour M+C à l'époque, aujourd'hui que j'ai beaucoup moins de temps pour jouer c'est cause perdue. Cependant, l'élaboration de scénarios était une phase vraiment intéressante, surtout lorsqu'on commence à mettre des personnages récurrents. Je pense sincèrement qu'il faut savoir 'digérer' les recherches et n'en garder que le minimum 'vital'. Chercher à être exhaustif plombe le jeu, il faut donner l'impression aux joueurs qu'ils en savent assez (voire autant que le MJ) pour s'amuser.
Fr.-Xavier: Notre groupe de joueurs de M+C s’est éparpillé pour cause de chemins professionnels qui nous ont éloignés. Ce n’est donc pas lié à la disparition de SPSR.
Si l’on s’en tient à des scénarios qui ne mettent pas en jeu trop de controverses religieuses ou de références aux Ecritures, l’écriture n’est pas plus complexe qu’à d’autres jeux dont l’univers est très structuré (il ne me semble pas, par exemple, plus difficile d’écrire pour Rokugan ou Agone que pour M+C).
En revanche, l’écriture peut être plus longue et demander plus de recherche si le MJ veut émailler son scénario de références religieuses. Mais il faut garder présent à l’esprit qu’un tel scénario va constituer un défi encore plus difficile pour des joueurs. C’est donc à réserver aux « connaisseurs ». Pour ma part, je n’ai pas d’inclination marquée pour des scénarios de ce genre.

Julien : Je ne pense pas. Si l'on part du principe que jouer dans un tel jeu fait prendre forcément des libertés vis à vis de l'Histoire. Sinon on ne touche à rien. Mais ceci dit le problème est le même pour des jeux basés sur des oeuvres comme Le Seigneur des Anneaux ou Star Wars. Sauf qu'avec Miles Christit, c'est la vraie histoire et donc forcément elle est carrément plus détaillée, forcément. Ceci dit, il suffit de respecter un tant soit peu l'univers et ne pas se prendre la tête pour savoir où était, par exemple, Renaud de Châtillon (VIP du jeu) le 10 décembre 1183. Je me suis documenté un peu sur quelques trucs, mais je me suis surtout servi du bouquin de base et des suppléments.

Le mot de la fin ?
Frédéric Bouteiller:Je trouve dommage la faible qualité des scénarios vendus en commerce. Mais après tout, ce style de jeu s'adresse certainement plus à des furieux qui ont envie de se créer leurs propres histoires dans l'Histoire.
Fr.-Xavier: Mon mot de la fin sera « regrets ».
Le regret que M+C ait été si vite décrié, principalement par des gens qui n’ont fait aucun effort pour lui laisser une chance, qui se sont arrêtés à des points de forme (le jeu avec les cartes) sans essayer d’en comprendre le fond (l’idée d’avoir une partie de son destin entre les mains, et de devoir faire le choix entre les réussites et les échecs connus d’avance).
Le regret que le jeu n’ait pas été un peu plus ouvert. L’ouverture à « l’autre camp », par le biais du supplément « Assassins »n’était en fait qu’une ouverture en miroir. Il manquait probablement la possibilité d’incarner d’autres types de personnages. Mais le jeu n’aurait plus été M+C. Peut-être aurait-il alors été « Outremer » ?
Le regret que le sous-titre du jeu ait pu être lu, quelque temps après la sortie du jeu, comme une prémonition de la mort de M+C : « Souviens-toi de la fin ».

Julien : Et bien, je ne peux qu'encourager tous ceux qui hésitent encore à essayer ce jeu (et essayer de se le procurer déjà, vu qu'il devient difficile à trouver). Dépaysement, action, fantastique, histoire et dilemmes moraux sont au rendez vous.


Zoom sur le système de jeu, par Fr.-Xavierr

L’utilisation des cartes est simple. Par exemple, dans ce que l’on peut appeler, par comparaison avec d’autres jeux, les tests de compétence :
le MJ établit la difficulté de l’action à réaliser ;
le joueur joue une des cartes qu’il a dans sa main, ajoute la valeur de la carte à la valeur de la «compétence» mise en jeu ;
si la somme des deux est supérieure ou égale à la difficulté de l’action, l’action est réussie, et l’écart entre les deux constitue la marge de réussite.

Rien de bien spécial à cela, diront certains, puisque en tirant une carte parmi des cartes valant de 1 à 12 (et toutes les valeurs de 1 à 12 étant réparties en même nombre dans le paquet), nous nous retrouvons avec une loi de probabilité identique à celle du tirage de 1D12.

Mais le système de miles Christi va bien au-delà.
D’une part, chaque joueur dispose d’un paquet de départ dont la composition dépend du «niveau» du personnage qu’il incarne. Ainsi, un Templier de niveau 1 dispose d’un paquet qui ne comprend que les cartes de 1 à 10 dans les quatre couleurs, tandis que celui de niveau 12 (le summum) dispose d’un paquet de cartes courant du 4 au Roi dans les quatre couleurs (je simplifie quelques détails mineurs).
D’autre part, le joueur dispose d’une «main» de 3, 4 ou 5 cartes (selon son niveau), piochées dans son paquet, et il CHOISIT la carte qu’il joue parmi les cartes qu’il a en main ! Quand il a joué une carte, il la défausse, et en pioche une nouvelle dans son paquet, pour revenir au nombre de cartes qui constitue sa main normale. Une fois que toutes les cartes du paquet ont été piochées, jouées et défaussées, le joueur bat son paquet et recommence.

De ces deux dispositions découlent des propriétés à noter
Le joueur connaît d’avance toutes les valeurs qui sont susceptibles de «sortir» de son paquet. Et quand une carte est sortie, il sait qu’elle ne reviendra pas avant qu’il ait épuisé tout son paquet. Un peu comme si avec un D20, vous saviez qu’une fois le 17 sorti, il ne reviendrait pas avant que toutes les autres valeurs soient sorties une fois et une seule chacune.
Le joueur est guidé dans son choix de cartes par la valeur de la compétence mise en jeu et le niveau de difficulté qu’il peut essayer d’estimer. A lui de voir s’il doit «combler un fossé» avec une «grosse carte» ou se contenter de jouer une «petite» carte (au risque de rater l’action s’il a mal estimé la difficulté).

En conclusion
Je pense que nous sommes là devant un jeu où le système a été conçu pour «coller» à une certaine forme de pensée. Si j’essaie de résumer cela, cela pourrait donner :
il y a une forme de prédestination à laquelle on ne peut échapper (les valeurs des cartes sont connues d’avance, et elles doivent toutes «sortir» avant de revenir dans le jeu) ;
malgré cette prédestination, le personnage a quand même des possibilités de choix (le joueur choisit la carte qu’il joue dans la main dont il dispose à ce moment-à). On peut donc se retrouver à choisir entre garder une carte forte pour plus tard, au cas où, et la jouer maintenant pour être sûr de réussir l’action et faire en sorte qu’il y a ait un «plus tard».
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