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Entretien avec Jacques Lamontagne
accordé aux SdI en décembre 2005


Bonjour et tout d’abord merci de te prêter au petit jeu de l’interview…
Bonjour et merci pour l'invitation!

Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi (Parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse.) ?
En 1961, ma maman qui m'avait porté depuis 9 mois s'est dit que c'était assez. Elle m'a donc expulsé de mon logis sans aucun préavis. Je suis né le même jour. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours tenu un crayon et sali des feuilles de papier. Élève moyen de taille moyenne j'ai usé les bancs d'école jusqu'au CÉGEP ou j'ai complété un cours en Graphisme. Outre le dessin, j'ai fait un peu de sculpture ainsi que de la peinture. Mes autres intérêts sont le cinéma, la lecture ainsi que le sport.

Quel lecteur étais-tu enfant? Quels étaient alors tes dessinateur favoris?
Le tout premier album que j'ai tenu dans mes mains ( je ne savais même pas lire à l'époque) était Martin le Malin. Je crois que c'était produit par un éditeur Flamand. Sinon, dès que j'ai eu l'âge de lire, j'ai fait comme de nombreux gosses de ma génération, j'ai dévoré tous les Tintin. Par la suite se sont enchaîné: Lucky Luke, Astérix, Gaston Lagaffe etc.

Devenir dessinateur de BD, était-ce un rêve de gosse?
J'y rêvais sans toutefois y croire. Tout jeune, je me disais que la bd, c'était l'affaire des "Français", j'entends par là , la Belgique et la France. Ici au Québec, nous n'avons pas la même tradition en BD qu'en Europe. Longtemps, la BD a été regardée de haut et jugée comme étant de la littérature pour les enfants. De plus, il n'existait à l'époque peu ou pas d'éditeur québécois qui en produisait. Il y avait seulement des magazines qui en publiaient. Donc, cela aurait été un rêve impossible auquel m'accrocher.

Depuis lors, des maisons d'éditions spécialisée dans la BD ont-elles vu le jour au Québec?
Oui, on en retrouve quelques-unes maintenant, mais elles ne permettent pas aux auteurs BD de vivre de leur création. L'à-valoir est à peu près inexistant et le tirage très bas, il est donc impossible d'en vivre.

Et qu'en est-il de la diffusion des production venue de l'autre côté de l'Atlantique? Comment sont-elles diffusées et comment le public les perçoit-elles?
Les productions venant du marché Franco-Belge sont plutôt bien diffusées ici, avec toujours environ 2 mois de retard quant aux dates de lancement. Elles sont grandement appréciées mais par un nombre infiniment plus petit de lecteurs en comparaison à votre lectorat. Les séries vedettes sont les même ici que chez vous.

Pourquoi une telle différence entre l'Europe et le Canada?
Tout d'abord la population au Québec compte environ 7 5000 000 individus alors que seulement en France vous êtes 60 millions et en Belgique 10 millions. Je ne parle du Québec car les reste des provinces Canadiennes sont presque en majorité anglophones et elles consomment d'avantage de produits américains. Avec ces chiffres on comprend rapidement pourquoi il y a moins de lecteur de BD au Québec.


Ahes-Dahud

© Soleil / Jacques Lamontagne



Comment est né ce projet avec Jean-Luc Istin et Thierry Jigourel?
Pour faire une histoire courte, un scénariste qui avait vu sur un forum des planches que je réalisais pour des magazines d'humour Québécois m'a proposé un projet qui devait se faire chez Soleil. Quand Jean-Luc Istin a vu mon travail il a préféré m'offrir de bosser sur la série "Les Druides". On a discuté du projet et celui-ci m'a plu immédiatement.


Gwenole

© Soleil / Jacques Lamontagne


Comment prépare-t-on en amont une BD sur le thème des druides? L’élaboration de l’album a-t-il nécessité de réunir une grosse documentation iconographique? Quels ouvrages ont particulièrement retenu ton attention?
Pour être honnête, du monde druidique je ne connaissais que Panoramix. Par contre, je comptais sur les grandes connaissances que Thierry Jigourel, co-scénariste des Druides, pour m'appuyer dans la récolte d'iconographies Celtes. Je n'ai donc pas eu à faire de recherches dans des bouquins car Thierry m'inondait à chaque semaine de photos et gravures. Mais il n'y avait pas seulement la doc. historique qui posait problème, il y avait également le fait que je n'avais jamais mis les pieds en Bretagne. Donc, tous les décors de bord de mer, les bois etc... m'étaient complètement inconnus. On a toujours un vague idée à quoi ça ressemble mais je me devais tout de même de faire valider par Jean-Luc et Thierry mes environnements avant de me lancer plus avant.


Gwenc-hlan

© Soleil / Jacques Lamontagne


Du synopsis à la planche finalisée, comment avez-vous organisé votre travail avec les deux scénaristes de la série dont un océan vous séparait?
Le fait que j'habite au Canada et que mes deux scénaristes soient en Bretagne n'est guère différent que j'aie habité en France. Beaucoup de dessinateurs et scénaristes communiquent comme nous l'avons fait, par courriel. Je commençais tout d'abord par l'envoi d'un découpage très "rough" de chacune des planches. Jean-Luc et Thierry me revenaient avec leurs commentaires et j'étais dès lors prêt à attaquer la planche finale. Si toutefois quelque chose n'allait vraiment pas, on pouvait toujours se téléphoner. Mais, il est évident que j'aurais aimé pouvoir les rencontrer durant la production du premier tome des Druides. Il est étrange d'avoir des collaborateurs aussi près au niveau de l'élaboration d'un projet mais à la fois aussi loin, de ne les avoir jamais rencontrés en personne. Ce qui devrait se faire très bientôt à Angoulême.


Taran

© Soleil / Jacques Lamontagne


En tant que dessinateur, comment perçois-tu les séances de dédicaces? Que représente Angoulême pour toi?
J'ai récemment vécu mes premières séances de dédicaces ici au Québec. Voir des gens faire la file afin que je barbouille dans leur album tout neuf m'a fait une drôle d'impression! J'ai grandement apprécié. J'ai pu prendre le temps d'échanger avec les gens, d'avoir leur appréciation à propos de l'album. On m'a parlé d'Angoulême et de la folie qui y règne. On me l'a quasiment décrit comme un monstre smiley. Des dizaines de millier de personnes se tamponnant dans les différents espaces des éditeurs. Je dois avouer que je suis très excité à l'idée d'y être en janvier prochain. Il sera plus facile pour moi de vous en reparler après l'avoir vécu.

L'envie de rencontrer le public semble se faire sentir… Comment perçois-tu tout ces avis très positifs sur ce premier album?

J'ai travaillé pendant près de 8 mois dans la plus grande incertitude, l'angoisse et surtout la crainte d'un mauvais accueil par la critique et les lecteurs. Je blague à peine. À l'âge que j'ai, je ne pouvais me permettre que mon premier album soit un échec complet. Alors, le fait que Les druides ait reçu un bon accueil a grandement rassuré l'éternel inquiet que je suis.

Pour la mise en couleur, vous semblez avoir opté pour une technique mixte, alliant mise ne couleur par ordinateur et technique traditionnelle. Peux-tu nous expliquer ta manière de procéder?
Tout d'abord, il n'y a aucun encrage dans les Druides. À partir de mon découpage je fais une impression de ce dernier agrandi et en bleu pâle. Je repasse par dessus mes traits comme je le ferais avec un pinceau ou une plume mais j'utilise plutôt un crayon à mine de plomb. Une fois la planche numérisée, débute alors la colorisation. Je travaille essentiellement avec Photoshop et bien sûr avec une tablette graphique. Pour certaines cases, j'additionne de l'aquarelle traditionnelle faite spécifiquement pour la scène choisie que je numérise et combine à mon document Photoshop.

Quelles ambiances nécessitent le recours à l'aquarelle et que ne permette pas de retranscrire la seule colorisation numérique?
J'utilise l'aquarelle surtout pour les ciels très nuageux. J'ai également en banque certaines textures que j'ai créées pour des besoins très particuliers. Entre autre, des fonds à l'aquarelle texturés avec des éclaboussures de gouache faites à la brosse à dent. Ceux-ci me servent lorsque j'ai à rendre des textures organiques comme un sol de terre ou des murs de pierres.

Quelle étape préfères-tu dans l'élaboration d'une BD?
J'aime beaucoup l'étape du découpage et celle du dessin. Un peu moins celle de la couleur.

Peux-tu nous expliquer un peu ta façon de travailler, du rough à la mise en couleur finale, afin de mieux comprendre ta façon de travailler
Ben voici quelques étapes de réalisation de la portion du haut d'une double page du tome 1 des Druides. ( http://www.jacqueslamontagne.com/druides-step.htm )


© Soleil / Jacques Lamontagne

La première image consiste à la première esquisse envoyée à mes scénaristes. En plus foncé on aperçoit les propositions faites par Jean-Luc Istin.


© Soleil / Jacques Lamontagne

Deuxième image, on peu voir l'impression en bleu que j'ai tiré de mon esquisse ainsi que le nettoyage à la mine de plombs que j'ai fait par dessus. Je travaille à environ 130% du format d'impression.


© Soleil / Jacques Lamontagne

Troisième image, je numérise mon dessin et transforme le trait en un duotone brun. Je trouve que ce brun foncé est plus intéressant lorsque des couleurs pâles sont appliquer en dessous. Lorsqu'on laisse le trait en gris, je trouve que les couleurs ont tendance à avoir l'air sales. Dans Photoshop je transforme donc mon trait en multiply ( je travaille avec la version anglaise de Photoshop et les termes employés sont donc en anglais ) et je commence à appliquer mes couleurs sur une couche en dessous de mon trait. Je commence toujours par l'arrière plan de mon image. Cela aide à bien saisir l'ambiance générale que je voudrai donner ainsi qu'à définir les sources d'éclairage.


© Soleil / Jacques Lamontagne

Quatrième image, la case une fois terminée.

Les personnages que tu as mis en scène dans Druides, les moines notemment, ont tous une trogne particulière, composant une galerie de portrait pour le moins marquante… Comment construis-tu l'apparence des tes personnages?
Je me devais pour l'album les Druides de créer des têtes vraiment particulières pour mes moines. Tous sont vêtus de la même façon. Il fallait donc que le lecteur les différencie au premier coup d'œil. J'adore créer des trognes particulières, flirtant presque avec le grotesque. La vie autour de nous nous propose chaque jour une formidable galerie de personnages. Je puise donc l'inspiration dans les gens que j'ai pu croiser dans la journée. Parfois, je fais une petite recherche sur le net avec Google en tapant un prénom au hasard. Vous seriez surpris des résultats que l'on peut trouversmiley


© Soleil / Jacques Lamontagne


Dans quel environnement travailles-tu? De nombreux dessinateur aiment à dessiner en musique? Et toi?
Durant la production des Druides j'ai souvent fait jouer des chants Grégoriens comme musique de fond, ça m'aidait à rendre les ambiances des monastères. Sinon, j'écoute vraiment de tout et plus souvent qu'autrement, seulement le silence.

Le moins que l'on puisse dire c'est que ton premier album a fait sensation dès sa publication. Quels sont tes autres projets à cours ou moyen terme?
Je m'affaire présentement à la suite des Druides. Le boulot avance rondement. Je travaille également à deux contes pour le troisième tome des Contes de l'Ankou. Des projets d'une série parallèle aux Druides sont dans l'air... Mais pour l'instant, ce sont Les Druides qui priment. On ne désire pas faire attendre trop longtemps les lecteurs pour connaître la suite des aventures de Gwench'lan et Taran. Entre ça, je continue à prendre des contrats d'illustration.


© Soleil / Jacques Lamontagne


Tu as créé un site internet sur lequel vous proposez aux lecteurs de découvrir vos œuvres et vos différents travaux. Peux-tu nous expliquer cette démarche que l'on ne peut qu'applaudir à deux mains?
En réalité, ce site dédié à ce premier tome ne tient que sur une page, plutôt mal faite d'ailleurs. Je déteste les codes html et toute la programmation pour le web, mais je voulais tout de même créer un petit quelque chose sur la série Les Druides d'ici à ce que j'aie plus de temps pour en monter un valable, ou encore, les sous pour payer quelqu'un pour le faire à ma place.

Qu'est ce qui te passionne tant dans le métier de dessinateur de BD?
Grand amateur de cinéma et de lecture, la BD c'est la fusion complète entre ces deux arts. On devient à la fois réalisateur, monteur, photographe de plateau, éclairagiste...

Quel sont tes derniers coups de cœur? (BD, ciné, musique ou romans…)
Pour la BD, le vol du corbeau et les 3 Green Manor. Cinéma, y'a un moment que j'ai vu un film qui m'a véritablement plu.

Y-a-t-il une question que je n'ai pas posé et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
Non, j'ai l'impression d'avoir tout dit! smiley

Pour finir, comme le veut la tradition et afin de mieux te connaître, voici un portrait chinois à la sauce Imaginaire…

Une créature mythologique : Un Centaure
Un personnage de cinéma : Joseph dans la gloire de mon père
Un personnage biblique : Jacques ( c'est pourquoi ma maman m'a donné ce prénom)
Un personnage de roman : Sherlock Holmes
Un personnage historique : Winston Churchill
Un pirate (fictif ou historique) : Long John Silver
Un personnage de BD : Jules de chez Smith en face
Un personnage de théâtre: Guignol
Une œuvre humaine: Toutes les oeuvres humanitaires qui nous redonnent espoir en l'homme.
Le Korrigan