Dans
Champ d’Honneur, les joueurs incarnent un chef de guerre médiéval cherchant à étendre son territoire en guerroyant.
Règles et matériel
La boîte du jeu, avec son rabat aimanté et son design de coffre médiéval ornementé de motifs celtiques, est de celle qu’on ouvre et manipule avec un plaisir jubilatoire. Et le matériel qu’il contient est à la hauteur du contenant : des jetons de poker joliment ouvragés pour figurer les différentes unités, des cartes de bonne facture expliquant les spécificités de chaque type d’armée, un plateau magnifique imitation bois, des sacs portant d’élégantes armoiries cousues au fil d’or et, cerise sur le gâteau, un thermoformage qui permet d’organiser les jetons armée…
Avec un matériel aussi beau qu’agréable à manipuler, impossible de ne pas avoir envie de se lancer sans tarder dans la première escarmouche ! Mais avant, bien sûr, il faut se lancer dans la lecture de la règle…
Présenté sous la forme d’un grimoire à serrure, le livret (20 pages, dont 3 de FAQ et 1 de crédit) s’avère particulièrement dense et pourra donner des sueurs froides à des joueurs occasionnels peu rompus à l’art de la lecture de règles. L’ensemble reste néanmoins parfaitement digeste et si les règles semblent si touffues, c’est que leur rédacteur a cherché à être exhaustif (trop peut-être) afin que ne subsiste nulle zone d’ombre. D’ailleurs, une fois digérées, les règles s’expliquent en quelques minutes, d’autant que le résumé figurant au dos du livret s’avère fort bien fait.
Contenu de la boîte : 78 pièces Unité (de 16 types différents), 16 cartes Unité, 1 marqueur d’initiative, 1 plateau et, pour chacun des 4 joueurs : 1 sac, 8 marqueurs de Contrôle
Déroulement d’une partie
Mise en place
Passée la partie de découverte, la mise en place s’avère simple et rapide : chaque joueur reçoit 4 cartes unités (parmi 16) et les jetons associés. Chaque joueur met 2 pièces de chaque dans son sac ainsi que le jeton Royal. Chaque joueur place 2 jetons de Contrôle sur les deux lieux libres situés de son côté du plateau… On tire à pile ou face pour désigner le joueur qui entamera les hostilités…
Déroulement
Au début chaque manche, chaque joueur pioche 3 jetons dans son sac et en prend secrètement connaissance. Tour à tour, chaque joueur va utiliser l’un de ces jetons pour effectuer une action.
1Placement: permet de déployer une unité sur un lieu libre contrôlé ou de renforcer une unité existante de même nature (en empilant les jetons)
2Défausse face cachée: permet de Prendre le jeton Initiative, de recruter un jeton armée de sa réserve (et de le placer dans la défausse) ou de passer.
3Défausse face visible (manœuvre): permet d’activer l’Armée correspondante déjà déployée sur le plateau. Le joueur pourra ainsi la déplacer, lui faire prendre le contrôle d’un lieu, attaquer (et défausser définitivement un jeton armée adverse) ou d’utiliser la Tactique de l’unité.
Fin de partie
La partie prend fin dès qu’un joueur a placé sur le plateau son dernier jeton Contrôle. Il remporte alors la bataille et la partie.
l’Avis de la Rédaction
Présenté dans un
superbe écrin,
Champ d’Honneur est
une petite merveille alliant simplicité et profondeur à même de séduire un large public…
Difficile de ne pas songer au
jeu des rois et rois des jeux : les échecs. Chaque pièce est dotée d’une capacité particulière, d’un mode d’attaque et de déplacement qui lui est parfois propre. Aux joueurs de tenir compte des capacités de chaque unité en jeu pour les utiliser de façon efficace… Mais là où les échecs proposent un jeu à peu près symétrique opposant deux armées de même nature, Champ d’Honneur fait le choix de l’
asymétrie… De plus, le but n’est pas tant de mettre à mort le roi adverse que de conquérir et défendre un territoire, même si la recherche du mat aux échecs passe par un contrôle de l’échiquier.
Mais surtout, au cœur
Champ d’Honneur se trouve
une mécanique de bag-building d’une rare élégance…
Mais qu’est-ce que le bag building me direz-vous ? Facile, un dérivé du deck-building
. Imaginé par Donald X. Vaccarino pour son
Dominion, le principe en est simple : chaque joueur commence une partie avec un deck de cartes. Au début de son tour, il en pioche un certain nombre qu’il activera ou utilisera pour acheter de nouvelles cartes qui viendront enrichir son deck qui va évoluer au fil de la partie. Le bag-building c’est comme le deck-building, mais avec un sac où on mettra des dés (comme dans l’excellent
Quarriors…), des cubes (
Hyperboréa) ou des jetons (comme ici) et dont le contenu évoluera au cours de la partie et des acquisitions et pertes des joueurs…
Dans
Champ d’Honneur chaque sac contient, en début de partie, 2 jetons unités de chaque type constituant son armée. Dès le départ, le jeu est asymétrique, que vous optiez pour le
setting très
équilibré judicieusement conseillé pour les premières parties, une
distribution aléatoire, un
système de draft (à réserver aux vétérans) ou une
« reconstitution » de batailles célèbres… Les différentes combinaisons d’unités composant les armées assurent au jeu une excellente durée de vie en proposant des
parties aux physionomies très différentes en fonction de la nature des unités engagées… La composition de l’armée de l’ennemi est bien évidemment un facteur à prendre en compte sous peine de subir bien des déconvenues !
Mais la force et la richesse de
Champ d’Honneur réside dans les
multiples utilisations possibles de chaque jeton pioché. On peut ainsi
déployer ou renforcer son armée en jouant directement le jeton sur le plateau,
recruter de nouvelles unités ou
activer les unités déjà présentes sur le champ de bataille… Et l’opportunité de
prendre l’initiative pour la manche suivante est bien loin d’être anodine ! Chaque coup joué devra être murement réfléchi en tenant compte du facteur hasard, largement atténué par la connaissance que peut avoir chaque joueur du contenu de son sac et de celui de l’adversaire… sachant que les jetons joués face cachés entretiennent une sorte de brouillard de guerre particulièrement savoureux. Il faudra parfois (souvent ?)
faire preuve d’audace en estimant les chances de l’ennemi de bouger telle ou telle unité en fonction des jetons déjà piochés… Mais il faudra aussi savoir quels jetons seront disponibles pour la manche suivante afin de
planifier au mieux l’activation de ses unités sur le terrain… Se déployer ou recruter, activer ou prendre l’initiative…
L’éventail des possibles font du jeu un jeu éminemment tactique particulièrement savoureux….
Le mécanisme d’activation d’unités oblige chaque joueur à trouver un
subtil équilibre entre sa force (le nombre de jetons constituant cette unité)
et sa mobilité (déplacement ou attaque) qui dépendra du nombre de jetons de cette même unité contenus dans le sac… Ce qui s’avère au final assez logique puisqu’un gros corps d’armée s’avère bien moins manœuvrable qu’une petite !
Porté par un matériel somptueux aussi agréable à regarder qu’à manipuler (proposé qui plus est dans une boîte magnifique!), ce premier jeu de Trevor Benjamin et David Thompson est une petite merveille d’inventivité alliant avec art simplicité et profondeur.
Si Champ d’Honneur évoque les échecs avec des unités dotées de leurs propres caractéristiques et capacités, il s’en éloigne résolument par son aspect asymétrique et ce savoureux mécanismes de bag-building qui est au cœur du jeu et offre aux joueurs de savoureuses possibilités d’action.
Ajoutons à cela la possibilité d’y jouer à 4 (par équipe) et vous obtenez un jeu bougrement original aux mécanismes élégants à même de séduire un large public… Une excellente surprise et un énorme coup de cœur…
On aime...
le matériel magnifique et agréable à manipuler
la simplicité des règles et la profondeur du jeu
la richesse des choix offerts à chaque coup
la subtile part du hasard et l’audace dont on doit faire preuve
les parties nerveuses et disputées
la courbe d’apprentissage et le plaisir d’y (re)jouer
On n'aime pas...
la règle est un brin touffue (mais rien d’insurmontable !)