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Les sœurs Van Apfel ont disparu
Les sœurs Van Apfel ont disparu



Fiche descriptive

Littérature Générale

Felicity MCCLEAN

Les Presses De La Cite

28 mai 2020


21€

9782258162921

Chronique
Les sœurs Van Apfel ont disparu
Disparues

Été 1992, dans une lointaine banlieue de Sydney, en lisière du bush. Un été caniculaire durant lequel une puanteur infecte se dégage du lit de la rivière. Un été que Tikka, onze ans et deux mois, n'a jamais oublié : celui où les soeurs Van Apfel ont disparu.
Les trois filles du pasteur –; Hannah, l'aînée, Cordelia, la fantasque, somnambule à ses heures, et la petite Ruth avec son bec-de-lièvre –; profitent de l'entracte du spectacle de l'école pour se faire la belle et s'évanouir dans la nature. Le corps de la plus jeune sera retrouvé coincé entre deux rochers...

Vingt ans plus tard, Tikka retourne chez ses parents pour prendre soin de sa grande soeur, malade. Un séjour qui sera l'occasion d'affronter avec elle les fantômes qui les hantent. Leurs amies se sont-elles enfuies pour échapper au joug de leur père ou ont-elles été victimes d'un prédateur ? Y a-t-il la moindre chance pour qu'Hannah et Cordelia soient aujourd'hui toujours en vie ?
un excellent bouquin!


Disparues
Baltimore, Maryland, 2012, Tikka technicienne de laboratoire est hantée par une histoire qui s’est déroulée vingt ans plus tôt quand elle habitait encore en Australie : la disparition de ses petites voisines les trois sœurs Van Apfel : Hannah, Cordelia et Ruth. Elle se demande sans cesse ce qu’il est advenu des deux aînées puisqu’on a retrouvé le corps de la benjamine dix jours après dans les buissons. Ont-elles fugué ? Ont-elles été enlevées ? Sont-elles toujours vivantes ? Elle croit même souvent apercevoir la cadette au milieu de la foule. Sa sœur aînée Laura était très proche d’Hannah ; elle était plutôt fascinée par la charismatique Cordie. Elle rentre dans son village natal de la banlieue éloignée de Sydney en lisière du bush quand elle apprend que sa sœur infirmière est atteinte d’un cancer. C’est l’occasion pour elles de s’avouer leurs sentiments de culpabilité et de confronter leurs souvenirs. Ensemble, avec leur regard d’adulte, elles vont essayer de reconstituer ce qui s’est passé cet été-là…

Celles qui restent…
Le titre de ce premier roman de Felicity Mc Lean ne pourrait pas annoncer plus clairement le thème traité : la disparition de trois sœurs. Mais il est en même temps déceptif : l’œuvre n’est ni un roman policier ni un thriller au suspense haletant mais un roman plus psychologique dont le sujet principal sera moins « les sœurs Van Apfel » que les sœurs Molloy, Laura et Tikka, celles qui restent et n’ont jamais réussi à faire leur deuil.

Tikka est d’ailleurs la narratrice. On oscille entre passé – quand elle est une enfant de onze ans et deux mois- durant ce fameux été de 1992 et présent lorsqu’elle revient à trente-deux ans sur les lieux … de la perte. On a ainsi un va et vient entre deux points de vue : celui de l’enfant qu’elle fut, lacunaire car non conscient des enjeux et des sous-entendus, et celui de l’adulte qu’elle est devenue qui comprend mieux certains événements ou certaines réactions des adultes qui l’entouraient et s’évertue à combler les blancs et à démêler l’écheveau.

Ce qui est apparent et évident pour un adulte ne l’est pas pour un enfant de onze ans ni même pour sa grande sœur de quatorze. Les impressions de Tikka sont un peu décalées et produisent un récit, légèrement décalé lui aussi. Felicity McLean fait un travail formidable pour que la perception enfantine soit parfaitement rendue. Tout le roman revient sur les mécanismes et les rencontres qui ont amené à la disparition des trois filles. La disparition proprement dite le jour du spectacle de fin d’année n’arrive qu’à la fin du roman, mais comme on connait l’issue dès le départ cela crée une grande tension et nous maintient en éveil. La mémoire parfois défaillante de Tikka est assistée de celle de sa sœur, plus mature à l’époque et les discussions ou les comportements qui paraissent étranges à la petite narratrice du passé en deviennent plus clairs pour l’adulte qu’elle est devenue et concomitamment pour le lecteur grâce aux révélations de sa sœur et à celles de la voisine, grâce aux souvenirs enfouis qui remontent.

Ce livre est présenté comme un thriller et je pense que c'est un mauvais service à lui rendre. C’est un roman d’initiation qui montre la fin de l’enfance et de l’innocence et le passage à l’adolescence. Oui, il y a bien le mystère de la disparition des filles Van Apfel, mais il demeure non élucidé, donc les amateurs de mystère et d’enquêtes pourront être déçus. En cela il me rappelle fortement le roman « Virgin suicides » de Jeffrey Eugenides : dans la narration d’abord (vingt ans après par les amoureux devenus des hommes murs mais avec leurs incompréhensions adolescentes), dans la prégnance du souvenir et de la fascination éprouvée ensuite, dans le portait de Cordie qui m’évoque celui de Lux Lisbon enfin.

Dans la chaleur du bush
Comme dans le roman immortalisé par le film de Sofia Coppola, là où ce livre est très réussi c’est dans la peinture des personnages et la description des ambiances. La conversation entre les filles et leurs comportements sont d’une grande authenticité dans leur candeur, leur sensualité, comme dans leur cruauté parfois et les disputes entre les sœurs raviveront certainement les souvenirs de certains ! Les scènes, vues à travers les yeux de Tikka, ont une qualité vaporeuse et floue qui a autant à voir avec la porosité de la mémoire qu’avec la canicule de cet été-là.

L'atmosphère pesante de la petite ville est très bien rendue en 1992 comme en 2012 avec l’importance des ragots, des sous-entendus et des non-dits. L’évaporation des trois sœurs ouvre tout grand la porte à toutes les suppositions de la part de la petite communauté frappée par ce drame, toutes les suspicions, tous les fantasmes, tous les non-dits préalablement couverts par l'omerta ambiante et ensevelis sous une chape de plomb vont se révéler et s’exacerber sous la moiteur ambiante. Les sens du lecteur sont très souvent convoqués dans une écriture synesthésique qui laisse fort bien percevoir la touffeur accablante du bush ou les odeurs pestilentielles qui se dégagent du lit de la rivière. Il y a quelque chose de pourri au royaume de cette banlieue… On perçoit une menace dans les cris stridents des kookaburras ces oiseaux charognards également que la voisine nourrit de boulettes de viande comme elle -même se délecte de ragots. Les personnages secondaires ont tous leurs zones d’ombres, qu’il s’agisse du nouvel instituteur qui semble toujours rôder dans le sillage de Cordelia ou M. Van Apfel très religieux voire fanatique qui force ses enfants à réaliser de fastidieuses études de la Bible et à faire amende honorable en public à chaque fois qu’elles sont prises en faute alors que son propre comportement n’est pas exempt de failles, loin de là … Même les autres adultes sont montrés comme défaillants à commencer par les parents -sympathiques au demeurant - des sœurs Molloy : ils n’ont pas voulu voir, ni dénoncer, ni porter secours quand il l’aurait fallu par crainte d’ingérence.

La disparition des adolescentes n’est ainsi qu’un prétexte pour montrer le délitement de la petite communauté. On a en fil rouge dans le récit l’évocation d’un sordide fait-divers qui avait défrayé la chronique durant les années 1980 et qui passionna le pays durant trente ans : l’affaire Chamberlain. On pourrait penser qu’il s’agit d’une digression un peu incongrue mais Félicity Mc Lean instaure ainsi un savant jeu d’échos. Comme l’Australie est fascinée toute entière par la disparition de la petite Azaria Chamberlain dans le bush, le village l’est par celle des petites Van Apfel. Cette affaire criminelle ponctue les deux époques du récit puisqu’en 1992 il avait marqué la narratrice au point qu’elle avait décidé d’en faire une pièce de théâtre pour le spectacle de fin d’année et qu’en 2012, quand elle rentre au pays, elle apprend par les médias que l’affaire est enfin classée et la mère honnie, réhabilitée. Ainsi, pendant trente ans la solution était sous les yeux des enquêteurs (c’était un dingo qui avait enlevé et tué le bébé) et cela n’a pas empêché un pays d’échafauder maintes théories et de diaboliser certains allant jusqu’à briser des vies et de familles avant l’absolution trop tardive. C’est ce qui se reproduit ici, mais les sœurs Molloy, victimes collatérales, vont finir par se pardonner.

On a souvent comparé ce roman à « Pique-nique à Hanging rock » de Joan Lindsay qui se passe dans le même cadre du bush avec cette ambiance moite et une fin ouverte mais à l’époque victorienne avec différents enjeux. Il me semble donc plus judicieux d’évoquer ici le très beau et polémique roman de Megan Abbott « la fin de l’innocence » (2012). Comme elle, Félicity Mc Lean touche à des sujets tabous : les relations professeur-élève, les relations père-fille qui quelquefois dérapent dans l'horreur… Mais, elle le fait de façon nettement moins crue, elle suggère grâce à la narration particulière qu’elle a choisie. Avec nuance, délicatesse, sensibilité et pudeur, elle se risque à évoquer le pouvoir naissant d’adolescentes qui peuvent se révéler séductrices, elle ose aussi aborder le calvaire familial que certaines d'entre elles peuvent endurer, dans le silence et l'indifférence. Rien n'est tout blanc ou tout noir dans ce roman, c’est une histoire merveilleusement ambiguë dans laquelle les questions que se posent Tikka demeurent sans réponse et hantent le lecteur …

Un roman que je vous conseille donc vivement, plutôt en V.O cependant car certaines tournures dans la traduction de Sylvie Schneiter sont maladroites. Je remercie Felicity Mc Lean, Net Galley et les Presses de la Cité de m’avoir permis de le lire.

Dans son premier roman, Felicity Mc Lean évoque la mystérieuse disparition de trois sœurs âgées de 14, 13 et 9 ans le soir du spectacle de fin d’année dans une lointaine banlieue de Sydney. Cet événement a profondément marqué la narratrice du roman qui avait 11 onze ans à l’époque et est toujours déboussolée 20 ans plus tard alors qu’elle a même changé de continent et rompu avec son passé. Alors qu’elle rentre dans son petit village natal, les questions ressurgissent. Elle va confronter ses souvenirs à ceux de sa grande sœur pour tâcher de retrouver le fil et de comprendre.

On a ici moins un thriller qu’un roman psychologique dans la lignée de « Virgin suicides » d’Eugenides ou de « la fin de l’innocence » d’Abbott. A travers le va et vient entre passé et présent et l’évocation en miroir d’une autre affaire criminelle qui avait défrayé la chronique, Mc Lean s’interroge sur la culpabilité, le voyeurisme, la vie de village, la mémoire , le passage de l’enfance à l’adolescence et surtout le deuil et le pardon. Un roman tout en suggestions et très prometteur.


Les trois sœurs avaient en tout six fémurs, quatre-vingt-dix-neuf vertèbres, trois crânes, soixante ongles. Six rotules, quarante-huit os carpiens et plus de trois millions de cheveux blonds, nuancés d’un vert extraterrestre à cause du chlore de leur piscine-où nous avions nagé presque quotidiennement jusqu’à leur disparition.Autant de choses qui s’étaient volatilisées, évaporées dans la chaleur. Sans laisser la moindre trace (p.37)
bd.otaku



Inspiration jeux de rôle

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