:::Les Sentiers de l'Imaginaire:::

Oui, il y a un mauvais jeu de mots dans le titre ; et oui, « Batman Begins » est un excellent film. Pourquoi ?

D’abord par la qualité des acteurs choisis, dont l’extraordinaire Christian Bale (« American Psycho », « Le règne du feu », « Equilibrium »,…) qui trouve enfin un premier rôle à sa mesure. Mais il y a aussi Michael Caine ( !: une carrière monumentale, récemment « Crime contre l’Humanité »), Morgan Freeman (« Seven », « Million Dollar Baby »), Liam Neeson (« La Liste de Schindler », « Star Wars 1 : La Menace Fantôme ») ou encore Rutger Hauer (« Blade Runner », « La Chair et le Sang », « Sin City » récemment), Katie Holmes (la série « Dawson », « Phone Game ») et Gary Oldman (« Dracula », « Leon », « Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban»). Déjà, sur le papier, ça en impose, vous en conviendrez.
Et j’avoue que l’interprétation -contrairement à l’accoutumée pour les films à casting- est au diapason de ce que l’on pourrait espérer, si ce n’est à mon avis un Liam Neeson peu crédible dans son rôle. Bon, il est vrai que son verbiage philosophico-justicier à deux sous du prologue est véritablement imbuvable, alors ça ne peut pas l’aider. Mais je crois que tout simplement, il a une trop bonne tête et un charisme trop humain pour ce rôle… Quant à ses gorilles, ils sont bien trop patibulaires et bodybuildés pour être crédibles en tueurs de l’ombre. Je leur préfère largement le personnage de l’Epouvantail, même si je ne suis pas persuadé de la pertinence du choix de Cillian Murphy (que j’ai pourtant adoré dans « 28 Jours plus tard »). Trop juvénile, sans doute, mais le personnage est bon ; dans l’esprit mais pas too much, bien qu’il rappelasse un peu trop le Joker pour être original.

Ensuite parce que « Gotham City », la cité de Batman, trouve enfin une âme au cinéma et s’incarne dans ces décors industrialo-gothiques cyclopéens qui sont aussi le témoin de l’immensité de la décadence de l’Homme. « Gotham City » rappelle un peu le Los Angeles de Ridley Scott dans « Blade Runner », et cela est tout à fait voulu par le réalisateur, qui n’a d’ailleurs sans doute pas embauché Rutger Hauer par hasard… Il y a peu de choses à jeter malgré que tout soit bâti sous studio…on peut difficilement en demander plus.
Et encore, la leçon sur glace (tournée en Islande) où même l’ascension jusqu’à la retraite de Ra’s Al Ghul sont aussi de splendides séquences qui ont le mérite de nous aérer avant de rallier Gotham.

Enfin parce que la réalisation de Christopher Nolan (« Memento », une petite merveille ; « Insomnia », pas mal non plus) est au-dessus de tout reproche, si ce n’est dans la restitution des combats, qui se perdent dans l’obscurité et le chaos ; ce qui arrange bien le travail du chorégraphe et allège le travail physique des acteurs. C’est assez dommage, surtout lorsque l’on sait que les comédiens « actifs » (c'est-à-dire qui fracassent du bonhomme à tout rompre) avaient déjà une expérience non négligeable en la matière (jetez un œil sur « Equilibrium », et vous comprendrez de quoi je parle ; à défaut, passez-vous une petite séquence de sabre-laser). Pour le reste, les mouvements sont élégants, dynamiques ; et certaines scènes sont tout simplement magnifiques, comme ce vol de chauve-souris par milliers dans la grotte, avec Batman au milieu. Il y a bien quelques moments lourds : le combat du monastère, la poursuite en voiture/tank,…mais les proportions sont pour une fois largement acceptables. Nolan évite l’écueil des trop grosses ficelles et du manque de subtilité. Ouf…

Bien entendu, vous n’échapperez pas au manichéisme très américain sur le rapport au bien et au mal, mais nous sommes ici dans un comics…et l’histoire de ce support de l’imaginaire se confond avec celle de la pensée identitaire américaine et de ses travers face à un monde dont elle a eu la défense sans doute un peu trop tôt. Et puis certaines séquences sont trop visuelles pour être réalistes, mais quand on s’appelle Batman, on a bien le droit à quelques facéties, non ?...

Vous l’aurez compris : pour moi, « Batman begins » est le meilleur comics adapté au ciné (et d’ailleurs pas seulement au ciné) depuis un bon bout de temps, voire depuis toujours. Le film renoue avec les deux premiers opus de Tim Burton, en un peu plus sombre et moins pittoresque, et ça me va. Oublions les autres…
Héros sombre et tourmenté servi par ce talentueux acteur au visage particulier, Batman est aussi paradoxalement l’un des plus humains parmi la bande de héros en collant qui sauve le monde tous les jours, par sa fragilité et son ambiguïté. « Gotham City » vaut de plus à elle seule le voyage, parce qu’elle n’est que le reflet imaginaire (et pas seulement une ville américaine) de nos villes gangrenées (ou de l’idée que s’en font certains) et que chacun de nous peut s’y voir parcourant les ruelles, à la recherche de justice…