J’aime assez quand un pays choisit d’exploiter son folklore local, fusse t-il pauvre (ce qui n’est pas le cas puisque l’ « Amérique » existait avant les américains), plutôt que de tenter de prémâcher à un public facile mais ignare -pour le rendre plus comestible- le background d’autres contrées ou cultures. La démarche est en général mieux renseignée, plus complète, plus mature, bref, plus riche.
Ici, avec Kate Hudson (très appréciée dans « Presque Célèbre »), Iain Softley (« Les Ailes de la Colombe », « K-Pax ») nous plonge au cœur des bayous de Louisiane, là où la culture déracinée et défensive des esclaves noirs put fleurir au mieux, sous la chaleur moite des marécages, lorsqu’un environnement hostile apporte crédit aux croyances. Cette variation sur thème du vaudou se penche sur le « hoodoo », une sorte de magie melting-pot (alors que le vaudou est plus religieux, nous dit-on), inspirée et étoffée de rites chrétiens, africains, juifs et amérindiens… Cette culture originale, à l’image de la nation américaine, eut d’autant plus de succès (jusqu’à nos jours) qu’elle permettait à chacun d’y trouver de quoi y être sensible, tout en lui conservant un aspect étrange et donc inquiétant. Comme si une croyance devait savoir être punitive pour ne pas être oubliée… A mon sens, le vaudou (comme le « hoodoo ») est un sujet de société réellement fascinant, car il est le produit d’une réaction identitaire d’une communauté déracinée et opprimée, réduite en esclavage sur des terres qui n’étaient pas les leurs et avec des compagnons d’infortune qui pouvaient être les ennemis d’hier. On comprend dès lors mieux le rôle du vaudou dans la constitution des cultures des caraïbes, Lousiane y compris, et dans la défense de celles-ci aux agressions de notre monde.
Sur le sujet, mais sans pour autant plonger dans l’analyse, je vous conseille « Angel Heart » (avec Mickey Rourke et Robert De Niro dans un rôle surprenant), dont le réalisateur avoue s’être inspiré, et qui franchit un cran de plus dans l’inquiétant…
Passée cette modeste réflexion de clavier sur la portée et l’intérêt sociologique du sujet, il nous reste un film divertissant, assez efficace et bien servi par ses acteurs (Gena Rowlands ni trop ni pas assez, notamment). L’intrigue à double fond est juste assez fantastique pour nous garder immergés dans l’ambiance, sans pour autant atteindre des sommets (navrants ou terrifiants) dans l’horreur gothique. Nous sommes dans le bayou, et ça transpire déjà suffisamment l’étrangeté. La fin est propre, et ça nous change un peu ; et l’ambiance musicale qui nous accompagne jusque là est fort à-propos, entre blues et gospel, comme pour rappeler aussi le rôle de la musique comme ferment identitaire dans toutes les cultures de notre joli monde. Tiens, je vais aller me faire un petit sacrifice chez McHoodoo, moi