Paru initialement en couleur en 1992, la trilogie, alors épuisée, a été rééditée en noir et blanc en 2000. On y perd la couleur douce et sobre de Johana Shipper qui contribuait pourtant à l’ambiance si particulière de cette série. Dans sa version noir et blanc, le lecteur y perd beaucoup, bien que le trait d’Emmanuel Moynot s’y prête fort joliment.

Les personnages de ce petit groupe d’anarchiste sont fort bien campés. On s’invite dans leur rêve utopiste d’une société juste et égalitaire, libre de tous ces carcans imposés par une morale judéo-chrétienne, libéré du joug du pouvoir et de l’autorité. On suit le développement de ces hommes et femmes épris de liberté. Mais on ne peut se nourrir exclusivement de rêve, furent-ils les plus beaux. Aussi, Augustin et ses amis sont-isl peu à peu poussé à l’action… Et si leurs actes semblent parfois pathétiques, ils sont toujours dictées par un idéal auquel on ne peut qu’adhérer. A travers eux, on découvre les rêves fous et tourmentés d’une jeunesse, des rêves qui s’estompent au fil du temps qui passe, broyés par la société… L’anarchie cherche à établir une société humaine, où l’homme serait placé au centre des préoccupations, une société centrée sur les individus et non sur le profit et l’exploitation du peuple par une poignée de bourgeois… Rêve rendus dérisoires de nos jours et la plus grande victoire du capitalisme c’est sans doute d’être parvenu à rendre le mot « anarchie » synonyme de désordre et de chaos…

Le temps des bombes est une série magistrale concocté par Emmanuel Moynot, scénariste subtil et dessinateur fort talentueux. Une œuvre belle et profondément humaine qui ne devrait laisser personne indifférent… Un autre monde est-il encore possible?