
La puissance que dégage ce film hors normes qui oscille entre espoir et désespoir, fait écho à nos peurs les plus intimes pour notre futur commun, mais rappelle aussi que notre passé comme notre présent lui prêtent déjà bien des traits.
La vision d’anticipation du « Fils de l’Homme » (« Children of men ») est terrifiante, certes, mais elle est aussi un cri de vie d’une pureté réelle, auquel les porteurs du projet ont certainement conféré toute leur sincérité. C’est ainsi que le monde a été parfois (on ne peut que penser à la seconde guerre mondiale comme au problème très actuel de l’immigration), c’est peut-être ainsi que le monde sera. Pourtant, « Children of men » porte en lui une lumière, comme si de toute cette boue la vie pouvait fleurir à nouveau. Un message vieux comme le monde et son histoire ; mais vous l’aurez compris, la portée philosophique -presque philanthropique- de ce film est d’une grandeur rare. En revisitant le bagage judéo-chrétien à la lueur de notre modernité (une sainte noire, une étable avec des trayeuses mécaniques, etc.), « Les fils de l’homme » est d’abord le reflet de notre monde d’aujourd’hui, avant d’être celui du monde de demain.
La réalisation d’Alfonso Cuaron, au dessus de tout reproche, est d’une efficacité R-E-D-O-U-T-A-B-L-E, soutenue par le travail exemplaire sur la photographie d’Emmanuel Lubezki (récompensé à Venise, comme le réalisateur) et par les prestations irréprochables d'un touchant Clive Owen ou d'un fantasque (et fantastique) Michael Caine, pour ne parler que d'eux. Honnêtement, j’ai rarement vu un film à l’ambiance si léchée, et croyez-moi, il y a des moments ou vous vous accrocherez à votre fauteuil. Bien sûr, le réalisateur abuse de cette efficacité, et le film se joue du spectateur en alternant perpétuellement les moments de grâce et les moments d’horreur. Mais c’est ce qui fait sa force, comme si le jeu du contraste devait nous rappeler comme le monde peut être beau, ou terrifiant.
Fruit du mariage entre thriller, film d’action et road-movie, l’œuvre nous donne l’occasion de découvrir ce que pourrait devenir le monde sans enfants (et sans espoir, donc). « Le Fils de l’Homme » est un film choc, doté d’une extraordinaire maîtrise technique ; mais aussi d’une âme artistique. On ne voit pas ce film, on y plonge. On y meurt un peu, mais on y revit, aussi.