« Très bien merci », c’est en résumé l’histoire d’un type socialement intégré, d’un type parfaitement normal, qui décide un beau jour de descendre du train et de prendre le temps de le regarder, de tenter de comprendre sa façon d’avancer. Il se rend rapidement compte que la société dans laquelle il évolue répond à des règles et des exigences qu’il ne comprend plus et auxquelles il n’adhère pas ou auxquelles il n’adhère plus… Mais le plus dur, quand on est descendu d’un train, c’est de tenter d’y remonter en marche…

Film polémique et très engagé, ce film aurait peut-être pu s’appeler « bienvenue à Sarkoland ». Et pourtant, ce n’est pas uniquement l’état policier qu’il se propose de dénoncer. Il pose en filigrane une question bien plus sournoise et inquiétant qu’énonce la réalisatrice en quelques mots : « quand chacun est dans son droit, que se passe-t-il ? ». Car l’engrenage dans lequel Alex met le doigt est d’autant plus hallucinant que tous les protagonistes de l’affaire, à commencer par Alex lui même, sont dans leur bon droit… Et pourtant, le film glisse peu à peu dans un univers à la fois kafkaïen et surréaliste où la situation finale paraît totalement dénuée de sens alors que chacune des étapes en est éminemment dotées.

Les acteurs sont excellents et la mise en scène sobre et efficace. On peut toutefois regretter une seconde partie plus terne et moins rythmée que la première.

« Très bien merci » est un film politique étrange et hors norme qui navigue entre humour et drame, entre réalisme et burlesque. Après avoir déconstruit la société dont il est membre, Alex devra pour en faire partie, s’adapter, jouer le jeu du paraître, pour finalement renier une part de lui même…Que faut-il faire en définitive? Tenter d’être un grain de sable au risque de se faire broyer par une machinerie déshumanisée? Prendre ses distances avec les travers du monde et se convaincre que tout est bien? Faire preuve de cynisme et utiliser des moyens moralement douteux pour s’intégrer dans la société?

Autant de questions que se pose le spectateur à la fin du film qui l’incite à s’interroger sur la société qui est en train de se construire, sur la place qu’il y occupe et sur les contorsions qu’il a pu être emmené à faire avec sa morale pour acquérir cette place et la conserver.