L’Ombre de l’Echafaud fait partie de ces séries dont on attends la suite avec jubilation. Avec elle, Jean-Luc Masbou a démontré qu’il n’était pas seulement l’un des dessinateur et coloriste diaboliquement doué, avec un sens de la mise en scène, du mouvement et de la physionomie à couper le souffle… Car non content d’être le dessinateur de la superbe et romantique série De Capes et de Crocs, il signe avec cette série un scénario original et captivant mis en image par le talentueux Cerqueira qui signait avec L'Affaire Brignou son premier album…

On retrouve avec un plaisir certains le commissaire Picon et son improbable acolyte, l’agent Renoir, pardon, le Docteur Renoir. Leur duo décapant n’est pas sans évoquer celui formé par le déjanté Sherlock Holmes et le Docteur Watson des compères Weys et Barral… Le travail apporté aux divers personnages, dont chacun possède une part burlesque non négligeable, est fort appréciable et il apporte une note humoristique à un récit qui aurait pu être très sombre. L’humour est omniprésent, tant dans le texte que dans le dessin léger et nerveux de Cerqueira. Son aptitude à accentuer l’expressivité de ses personnages n’est pas sans évoquer le cinéma muet où les acteurs n’avaient que leur physionomie pour faire passer une émotion.

Côté narration, les auteurs se plaisent à innover. On plonge parfois en plein film muet avec récitatifs et absences dialogues, on suit plusieurs personnages en même temps, le tout soutenu par un travail soigné de la couleur. Certaines scènes récurrentes (la découverte d’un tableau de Valkoviak) sont un réel délice qui n’est pas sans évoquer les scènes de panique à bord des navires à propos d’un sympathique petit lapin dans de Capes et de Crocs…

L’Ombre de l’Echafaud est un petit bijou dont l’atmosphère délicieusement fantastique n’est pas sans évoquer le jeu de rôle Maléfices, jeu fantastique ayant pour cadre la Belle époque… L’ambiance sulfureuse distillée dans chacun des trois tomes apporte au récit une dimension fantastique agréable et le personnage (les personnages?) du Spectre, Génie du Mal aux desseins encore obscurs, est parfait dans son rôle de grand méchant.
L’atmosphère des romans feuilletons flotte dans ce récit, entrecoupé par des unes d’un journal à sensation dont le nom n’est autre que l’Ombre de l’échafaud… Le Grand Guignol n’est pas loin!

Drôle et envoûtant, ce troisième tome confirme tout le bien que l’on pensait des deux premiers. Un seul reproche : le temps qui sépare deux albums est assez longuet (un tome tous les 3-4 ans)… un comble pour une série aussi dynamique! Mais ne boudons pas notre plaisir : les amateurs de récits d’aventure fantastiques seront comblés… Vivement le prochain numéro de l’Ombre de l’Echafaud !