Adapter une nouvelle de Lovecraft et parvenir à en conserver l’intensité dramatique et l’horreur latente savamment distillée par le maître du fantastique n’est pas chose aisée. Le pari audacieux de Florent Calvez était des plus risqué et ce d’autant plus qu’Herbert West, réanimateur est l’une des nouvelles les plus brillantes de l’auteur américain.

Autant le dire de suite, le pari est plus que réussi tant l’auteur est parvenu à retranscrire fidèlement l’ambiance suffocante de cette nouvelle épistolaire. Son trait nerveux renforce la tension presque palpable qui se distille au fil des pages, alors que le lecteur plonge peu à peu dans l’abîme d’une indicible horreur dont l’issue sera, on le sait, funeste. Ses teintes sépias ancrent le récit dans ce début de siècle balbutiant de façon très pertinente et les cadrages riches et variés de l’auteur sont des plus percutants. Suggérant l’horreur plutôt que de se contenter de la montrer, le travail de découpage est à la fois précis et méticuleux, renforçant la force de l’intrigue et le sentiment de malaise diffus qui accroît alors que l’on se rapproche de l’inéluctable fin.

Le choix de Florent Calvez de conserver un style littéraire, se gardant bien d’introduire des dialogues futiles qui auraient assurément nuit à l’atmosphère du récit était aussi un pari audacieux… Et une fois encore, le talent de l’auteur lui permet de mener à bien ce récit d’horreur haletant happant littéralement le lecteur dès les premières pages pour l’abandonner, sonné, à la fin de l’album… La voix of de l’ami d’Herber West, à la fois fasciné et dégoûté par ce dernier, aiguise encore le sentiment d’horreur que l’on ressent en suivant les terrifiantes expériences de ce médecin génial que son art a emmené à franchir les portes de la folie. On retrouve là un schéma classique de l’œuvre de Lovecraft où un observateur presque extérieur à l’intrigue permet de prendre la juste mesure de la transgression d’un ordre moral établi et de la chute du principal protagoniste dans les abîmes de la folie.

Reanimator est sans conteste l’une des plus magistrale adaptation Bd d’une nouvelle de Lovecraft… Chapeau bas à l’auteur pour ce concentré d’horreur glaçante qui parvient à retranscrire l’atmosphère malsaine et pernicieuse de la nouvelle… Du grand art!