Pascal Croci fait partie de ces dessinateurs au style très prononcé qui me fascinent depuis son premier album, siècle de sang, paru jadis chez soleil et désormais introuvable ailleurs que dans les solderies.
Son trait, délicieusement gothique, et sa palette de couleurs, sombres et inquiétantes, semblaient fait pour mettre en images des histoires de goules et de vampires. Ce qu’il fit avec le superbe diptyque consacré à Dracula(le Prince Valaque Vlad Tepes / Le Mythe raconté par Bram Stoker). Mais il s’attacha surtout, avec sa compagne, romancière et dialoguiste, Françoise-Sylvie Pauly, à dépeindre la folie et la violence qui se cachent dans le cœur de l’homme et qui, lorsque le fragile vernis de la civilisation se lézarde, explose au grand jour. Ces récits historiques, d’Auschwitz qui l’a révélé au grand public en passant par Lady Tara Cornwall et Gloriande de Themines, sont tous réellement envoûtants, révulsant et fascinants à la fois, à l’instar du mythe du vampire.
Avec Elisabeth Bathory, l’auteur utilise une fois encore ses crayons et ses pinceaux pour dresser le portrait d’un personnage féminin, historique et controversé, qui passe pour être l’une des plus grandes meurtrières de l’histoire mais aussi pour avoir inspiré de nombreux personnages, tant au cinéma qu’en littérature, sans compter les groupes de metal qui lui ont dédié une ou plusieurs chansons…
Si la légende lui a imputé jusqu’à six cent cinquante victimes, mortes pour qu’ Erzsébet Báthory puisse prendre des bains dans leur sang afin de conserver son éternelle jeunesse, certains historiens pensent qu’elle a pu être victime de complot… Usant de sa fortune personnelle, elle aurait soutenu Gabriel Báthory, prince de Transylvanie, contre les Hasbourg. Les membres de sa famille auraient préféré qu’elle soit condamnée pour crimes de droits commun que pour haute trahison… Mais là encore, entre histoire, légende et folklore local, il est probable que la vérité reste à jamais enfouie sous les ruines de son ténébreux château…
Le travail graphique et narratif réalisé par Pascal Crocci est une fois de plus saisissant et semble prolonger les Carnet de voyage de Jonathan Harker (édition Près aux Clairs), ce dernier étant en quelque sorte le rapporteur de cette sinistre légende. Il cerne la personnalité trouble et ambiguë de celle qui fut surnommée la Comtesse Vampire, évoquant tant l’histoire que la légende et proposant une explication surprenante mais pourtant acceptable sur la nature de l’inquiétante Elisabeth Bathory… Le récit et les illustrations tourmentées de Pascal Croci aporte chacun une pierre à l’édifice narratif complexe mais très prenant échafaudé par l’auteur. Les dialogues, très théâtraux, viennent apporter la touche final à cette ensemble gothique à l’atmosphère très réussie. Comme dans tous les albums dessiné par Croci, on a toujours cette étrange et dérangeante impression de spectres décharnés sortis de leurs tombeaux pour nous narrer leur tragique histoire.
Un bel album, poétique, sombre et tragique, dont on ne peut que souligner la qualité d’édition… La collection Atmosphères est décidemment très prometteuse!