Excalibur. Un mot, une légende, une terre, un roi…
Le mythe arthurien, jusque récemment, a souvent été adapté et a inspiré nombre d’œuvres. Il est sans doute, en même temps que le principal inspirateur des idéaux chevaleresques, sa meilleure illustration (le mythe se forgea en effet au XIIème siècle de notre ère, avec les écrits de Geoffroi de Monmouth que développa Chrétien de Troyes). Si certains protagonistes de la légende existèrent sans doute vraiment (Merlin en druide celte influent; Arthur en seigneur de guerre celto-romain victorieux des envahisseurs saxons), les écrits tardifs sur le sujet furent surtout une synthèse de tout un corpus de récits et de légendes, souvent d’origines différentes (Lancelot est un personnage armoricain, par exemple).
Malheureusement, l’œil critique n’aura pu se satisfaire de la plupart des adaptations qui en ont été faites. Pourtant, en 1981, John Boorman légua au 7ème art sa version de l’épopée « tragico-romantique » du Roi Arthur.
A mon sens et à ma connaissance, et bien que ce fusse purement subjectif, elle n’a pas connu d’égale jusqu’à aujourd’hui.
Certes, le film de Boorman a tout de même vieilli et certains effets spéciaux sont assez grossiers. Certes, on pourra lui reprocher de ne pas s’embarrasser de « vérité historique », comme en témoignent les armures complètes improbables à l’époque estimée du mythe, aux alentours des Vème et VIème siècles après J.C.
Néanmoins, l’ambiance qui en émane colle parfaitement à la légende, qui symbolise entre autres le passage entre le monde des croyances celtiques et celui du dieu chrétien/romain. La sorcellerie et la volonté de Dieu semblent y mener un sourd combat permanent.
Les personnages jouent juste et sont loin esthétiquement des poncifs hollywoodiens. Arthur y est un roi écrasé par sa charge, Lancelot porte sa souffrance sur le visage et se bat avec la rage d’un damné, la fraîche Guenièvre y est perdue entre son roi et son amant, Morgane est drapée d’une beauté vénéneuse héritée d’une ancienne tromperie et Merlin y représente le dernier flambeau mystérieux d’un autre monde qui s’évapore peu à peu sous la pression du nouveau.
Les décors sont teintés d’un romantisme étrange qui fait la part belle à la Nature, omniprésente alors. Parfois, la brume et la froideur qui s’abattent sur une terre sacrilège vous glacent et laissent une impression de solitude et de désespoir. La musique de Trevor Jones, elle, est envoûtante et inquiétante et les scènes d’action sont assez réalistes (se battre avec une armure, c’est fatiguant et contraignant…). Les costumes sont peut-être un peu excessifs parfois (les armures, en fait) mais tellement plus esthétiques

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Excalibur, lorsqu’elle est sortie de son fourreau, est traitée comme un personnage à part entière. Elle tranche les chairs et soumet les hommes, et sa présence est simplement retranscrite par un vrombissement sonore. Pour une fois, d’ailleurs, on remerciera les accessoiristes d’avoir confectionné une lame simple et pourtant splendide avec ses reflets verts, et de ne pas l’avoir sortie de la quincaillerie du coin.
Après l’avoir vu, et si vous vous trouvez au bord d’un plan d’eau calme, peut-être vous prendrez-vous à rêver en voir surgir une épée, pour que la légende renaisse.