Le personnage de John Arthur Livingstone évoque bien sûr le héros imaginé par Edgar Rice Burroughs dans son roman
Tarzan of the Apes. Recueilli très jeune par une tribu de grand singe, il a été retrouvé et emmené à la civilisation à laquelle il a du se plier, avec heurts et fracas. Devenu la coqueluche de Londres à l'heure où se développe le darwinisme social, John Arthur a fort à faire pour dominer son animalité dans cette société londonienne où certains portent sur lui un regard hautain, voir méprisant. Pendant qu'il se produit devant des parterres de notables, des femmes sont assassinées dans les ruelles de Londres. Il n'en faut pas plus pour raviver le souvenir encore vivace de Jack l'Eventreur. Un témoin affirme que le meurtrier n'est autre que Hyde, le personnage tout droit sorti de la nouvelle de Robert Louis Stevenson. L’inspecteur Mark Douglas aura sans doute fort à faire pour démêler le vrai du faux dans cette sordide affaire, alors que le découpage ambigu suggère au lecteur que l'assassin pourrait bien être Lors Livingstone lui même...
Le scénario, très littéraire, porte la patte de Philippe Bonifay à qui l'on doit, entre autre, Pirates (Jacques Terpant), Mon voisin le Père Noël (Béatrice Tillier) ou le sublime et troublant Zoo (Frank Pé). On y retrouve ces ambiances étrangement poétiques, et cette force sourde et un temps contenue quine demande qu'à éclater au grand jour.
Son récit est fort élégamment bâti et sa mise en image par le tandem formé par Fabrice Meddour et Stéphane Paitreau épatente. Les deux compères se connaissent et s'apprécient sans doute puisqu'ils ont signé ensemble plusieurs albums, dont
Le chœur des ténèbres, huitième tome de la geste des Chevaliers Dragons, ou encore sur la série
Ganarah. Mais cette série là est graphiquement époustouflante. La couverture force d'emblée l'admiration et donne une furieuse envie de lire cet album. Et sitôt ouvert, ce n'est plus une envie mais une nécessité... Les planches de l'album sont tout simplement sublimes. Les différentes ambiances, chaudes et lumineuse, sombres ou inquiétantes sont formidablement bien retranscrites et ce de façon très expressionniste. De la jungle sauvage aux brumes de Londres, les décors sont somptueux et les dessinateurs parviennent à donner aux personnages cette part de mystère qui fait les grandes histoires. Rarement dessin et mise en couleurs n'auront été en pareille osmose tant et si bien qu'il est difficile de croire que deux personnes distinctes tenaient les crayons et les pinceaux. Si ce n'était la captivante histoire concoctée par Philippe Bonifay, les seules planches de l'album justifient sa lecture!
John Arthur Livingstone - Le Roi des singes est un premier tome de haute tenue. En s'inspirant du personnage imaginé par Burroughs, Bonifay a su tisser une intrigue prenante et solidement charpentée, superbement mise en image par deux auteurs dont le talent éclate littéralement plus qu'avec aucun de leurs précédents albums... Un album sublime et incontournable au scénario formidablement bien écrit.