Panthéon: le tombeau des Dieux endormis est un nouvel album coédite par les Edtions Glénat et les Editions du Patrimoine. On s’en doutera, l’histoire tourne autour du monument pensé au départ comme une église destinée à recevoir les reliques de sainte Geneviève mais consacré juste après son achèvement au grands hommes de la nation. Mais si la thématique est clairement affichée, l’histoire concoctée par Eric Adam et Didier Convard est pour le moins originale… Car loin d’ancrer le récit dans une époque définit qui servira de prétexte à l’exposition de l’histoire de l’édifice, les auteurs ont concoctées une histoire de science-fiction situées dans un futur lointain.

La montée inexorable des océans a contraint l’humanité à quitter la terre nourricière pour coloniser la lune. Progressivement s’est installé une société nouvelle reléguant la guerre et la faim au rang de souvenirs diffus. Mais la société nouvelle développée sur la Lune a engendré un mal nouveau. Coupé de ses racines, évoluant dans une société parfaite mais froidement mécanique d’où la notion de joie et de plaisir semblent abolie, une vague inexplicable de suicide endeuille quotidiennement la mégapole lunaire. Imputant l’origine du mal à l’absence de racine et à la perte de mémoire, le consistoire lunaire décide d’envoyer sur terre « histoirnautes » chargés de collecter des souvenirs sur l’antique planète. Amerrissant sur la cité engloutie de Paris, leur investigation va les mener au Panthéon… Mais sur une terre livrée aux océans, des organisations claniques s’opposent. L’une d’elle, ancrée dans le présent et suivant les préceptes d’une étrange religion, imputent les malheur du monde au passé dont ils veulent faire table rase. Alors qu’une micro société ayant trouvé refuge dans le Panthéon sont les fervents défenseurs de ce passé et de l’âme des grands hommes qui l’ont forgé…

L’histoire, étrange mais captivante, se veut une réflexion originale sur le temps et les liens de causalité existant entre passé, présent et futur. La société lunaire, qui représente notre futur, ne peut subsister sans passé. Ne sachant pas d’où ils viennent, les lunaires ne peuvent rêver un avenir. On perçoit rapidement l’impasse dans laquelle s’engagent ces fanatiques défenseurs d’un présent immuable, alors que les « panthéistes » s’enferment dans le passé sans chercher à esquisser un avenir. A travers cet album intelligent, les auteurs posent en filigrane l’intérêt de préserver le passé mais aussi le danger de s’y laisser enfermer.

Le dessin de Nhek Han qui signe avec Panthéon: le tombeau des Dieux endormis son tout premier album est épatant et porte admirablement bien ce projet. Il donne vie à cet univers crépusculaire lunaire et aux différents clans rencontrés par les histoirnautes de façon très convaincante, travaillant costumes et décors avec un talent certain. Il suffit de voir la somptueuse et énigmatique couverture de l’album pour être convaincu du potentiel de cet auteur d’origine cambodgienne qui devrait faire parler de lui dans un avenir proche…

L’approche iconoclaste des auteurs a engendré un album original, ludique, délicieusement surprenant et pour le moins intéressant. Qu’est-ce qui pousse l’homme à ériger des lieux dédié à la mémoire, tel le Panthéon? Une question philosophique pour laquelle les auteurs esquissent des réponses à travers cette parabole de science-fiction particulièrement pertinente… Il nous tarde de découvrir ce que les scénaristes, assistés d’ Eric Liberge , feront de Versailles, à travers les trois époques qu’ils semblent désireux de nous faire visiter…