Le portrait de Dorian Gray n'est pas seulement le roman le plus connu d'Oscar Wilde, c'est aussi et surtout l'un des chefs d'œuvre de la littérature fantastique. Figure incontournable incarnant la hantise de la décrépitude et le dégoût de la laideur qui rongeait Wilde, il était impensable que le dandy décadent n'intègre pas cette superbe collection qu'est 1800...

L'action se passe après la fin du roman qui diffère de la rame originale : Dorian a survécu à la folie qui s'est emparée de lui et qui sonna le glas de sa fascinante beauté. Rattrapé par sa vie de vices et de débauche, il parait n'être plus qu’un vieillard sinistre dépouillé de sa dernière parcelle d'humanité. Mais une lueur d'espoir illumine sa déchéances : s’il débarrasse Londres d'un homme plus mauvais que lui, il pourrait retrouver sa beauté perdue. Trouver une telle personne n'est pas chose aisée pour celui qui a élevé le mal au rang d'art de vivre. Pourtant, un inquiétant individu autoproclamé Invisible Ier hante les sinistres ruelles de la capitale. En entrant à son service, il compte pouvoir le connaître suffisamment pour lui porter le coup fatal. Mais le mal dont use l'homme invisible n'est qu'un outil pour instaurer une nouvelle ère, un autre monde dont on aurait gommé les injustices qui clivent la société.
Dès lors, Dorian a-t-il le droit de mettre un terme aux agissements de ce terrifiant criminel pour retrouver son lustre d'antan? Doit-il trahir cette nouvelle famille qui l’a accueilli et placé en lui sa confiance? L'Amour se mêlant à cette étrange histoire de rédemption pour compliquer et sublimer l'ensemble... Le final horrifique, digne du Grand Guigol, est d’un sombre et terrifiant romantisme…

Le dessin inquiétant et tourmenté de Bojan Vukic porte littéralement cette sinistre histoire de rédemption. Son crayon campe remarquablement bien les basfonds londoniens et la misère qui y règne. Les trognes des hommes de main d’Invisible Ier sont remarquablement inquiétantes, rendant cette Cour des Miracles victorienne délicieusement dérangeante.

Ce second volet clos un dytique de haute tenue mettant en scène l’un des personnages les plus emblématiques de la littérature fantastique qui nous fait plonger dans les tréfonds de l’âme humaine. Etrangement, là où Wilde posait sur l’homme un regard pessimiste et désabusé, les deux auteurs parviennent, au fil d’un récit pourtant particulièrement sombre, à allumer une lueur, vacillante, d’espoir, au milieu de l’horreur sans nom qu’ils se complaisent à mettre en scène.