Le train des orphelins fait référence à un épisode de l’histoire des Etats-Unis extrêmement méconnu. Des recherches sur le net induites par la lecture de l’album s’avèrent des plus infructueuses dans la langue de Molière, si ce n’est un épisode de Docteur Quinn, femme médecin, ce qui rend le dossier qui clos l’album des plus appréciables…

L’histoire concoctée par Philippe Charlot (Bourbon Street) s’appuie sur des évènements historiques précis s’étant déroulés entre les années 1854 et 1929. Durant cette période, des dizaines de milliers d’enfants ont été déracinés, coupés de leurs familles, pour partir vers une nouvelle vie à bord de ces trains baptisé « Orphean trains » ou « train des orphelins ». Le révérend Charles Loring Brace ne partageait pas la théorie du « mauvais sang » qui justifiait les conditions miséreuses des enfants des rues de New-York. Féru de darwinisme, il était persuadé de donner une chance à ses enfants en modifiant leur milieu de vie, en les extirpant de leur milieu corrupteur. Ainsi germa l’idée des « Orphean Trains »…

Ce premier tome se déroule sur deux époques, ce qui est fort joliment suggéré par le superbe dessin de couverture. Dans les années 1990, Harvey Young se rend dans la demeure cossue de Jim, devenu avocat et qui attendait sa venue de longue date…
1920. Jim, Joe et Anna Smith vont faire la connaissance de Harvey à bord d’un de ces fameux trains. Une amitié va naître dans l’adversité entre Jim et Harvey qui n’a pas son pareil pour conter d’extraordinaires histoires.
L’histoire qui nous est contée est édifiante, bouleversante souvent, voire même franchement révoltante par moment. La façon dont les « adoptants » choisissent leur enfant évoque tant le marché aux bestiaux (ou celui aux esclaves) qu’on ne peut qu’être sidéré de voir comment une idée humaniste peut être tant dévoyée. S’il n’y avait le dessin poétique de Xavier Fourquemin pour en atténuer la noirceur, elle serait sans doute par trop insoutenable. Mais ce talentueux dessinateur n’a pas son pareil pour donner vie à ces gosses, pour leur redonner à travers ce sombre récit cette part d’enfance et d’innocence qu’on leur a volé.

Le récit parallèle mené entre deux époques est des plus captivants et gageons qu’il nous révèle de nombreuses surprises et rebondissements. Comment ne pas être bouleversé par le destin croisé de cette poignée de gosses conté de main de maître par Philippe Charlot qui n’en finit plus de nous captiver et mis en image par un Xavier Fourquemin dont le dessin poétique continue de nous envoûter… Un premier tome d’excellente facture qui laisse augurer une suite de haute tenue…