Pinkerton… Pour tous les amateurs de western, ce nom résonne comme celui de Billy the Kid, Jesse James, Calamity Jane ou Buffalo Bill. Les membres de l’Agence Pinkerton ont d’ailleurs fait des incursions dans les œuvres phares de la BD western : Blueberry, Durango ou Lucky Luke ont eu à frayer avec eux. On connaît les connaît surtout comme détective, à cette époque troublée où la police était quasi inexistante. Mais l’activité étant plus lucrative, l’Agence est plus tard devenue le bras armé du patronat contre les syndicats. Cette série de Remi Guerin et Sebastien Damour se propose de nous raconter l’histoire de cette puissante famille qui s’est forgé un nom en faisant respecter la loi, leur loi. Leurs méthodes, peu orthodoxes, n’avaient rien à envier à celles des outlaws qu’ils traquaient sans pitié. Désireux de pacifier l’ouest sauvage, le gouvernement ferma les yeux sur les exactions commises par les Pinkerton dont la devise était « We never sleep ». Plus que jamais peut-être, la fin justifiait les moyens.
Plutôt que de nous conter l’histoire de l’Agence Pinkerton, à partir de sa création, Remi Guerin se propose de nous en narrer quelques épisodes phares dans des one-shot indépendant qui brosseront un portrait impressionniste d’Allan Pinkerton, fondateur de l’Agence éponyme, et de ses fils qui lui succédèrent.
Ce premier opus se propose de nous parler de la longue traque des Frères James et du fameux épisode de l’attaque de la ferme où était censés être les de hors la loi. L’assaut, particulièrement violent et au cours duquel fut même utilisé une bombe incendiaire, a contribué à rendre plus populaires encore les bandits, les faisant rentrer par la même définitivement dans la légende de l‘Ouest. En s’appuyant sur l’histoire et sur le mythe, Remi Guerin tisse une histoire crédible et inquiétante dont les ramifications s’étendent jusqu’à la sphère politique et médiatique.
L’histoire s’avère tout à la fois prenante et édifiante. La famille Pinkerton n’y apparait clairement aps sous son meilleur jour. Les supputations quand à la mise au vert des frères James sont crédibles et l’idée que le « lâche Robert Ford » ait pu être une créature d’Allan Pinkerton est pour le moins séduisante. Le lecteur sera sans nul doute frustré de ne pas en savoir plus sur le destin des Frères James. Seuls les connaisseurs (où les cinéphiles) comprendront l’histoire des colts délaissés et du tableau devant lequel mourut Jesse James. Un petit dossier de quelques pages complétant l’histoire et développant les zones d’ombre du récit, pour le compléter par des notes historiques, aurait été pour le moins bien venu et aurait tout naturellement trouvé sa place à la fin de de cet album dense et captivant.
Sebastien Damour qui explore pour la première fois l’ouest sauvage à l’aide de ses crayons agiles plus rompus à la science-fiction. Et le fait est qu’il retranscrit fort bien tant l’aspect rugueux des terres de l’ouest, que l’aspect plus policé des grandes villes de l’est. Il pose avec efficacité ce pays où certains étaient près tout pour faire régner l’ordre et la Loi. On songe à ces sublimes westerns (
L'Homme qui tua Liberty Valance,
Mon nom est personne…) qui mettait en lumière ce basculement de la loi du plus fort vers la Loi, oubliant parfois d’insister plus avant sur le prix à payer, parfois très élevé…
En leur donnant la possibilité d’imposer la Loi, les politiciens ont fait des Pinkerton la Loi, sans se soucier des dégâts collatéraux dont certains auront à souffrir. Avec Pinkerton, Remi Guerin et Sebastien Damour nous invitent à découvrir la face sombre d’une Amérique en pleine mutation Ce premier album est des plus prometteurs et nous attendons la suite avec impatience… Celle-ci devrait prendre place quelques années auparavant et lever le voile sur le complot de Baltimore…