Rouge révolution ouvre un triptyque romantique et tragique qui prend place dans la tourmente révolutionnaire russe, qui connaît des échos jusque dans l'art.

L'action s'amorce dans les premières heures de la révolution russe, alors que les soldats du Comité militaire révolutionnaire dirigés par Léon Trotsky prennent possession du Palais d'Hiver au cours de l'insurrection de Pétrograd. Natalia Socolova, jeune révolutionnaire idéaliste manque d'y tuer le jeune Walter Hancock s'intéressant à l’architecture du palais. C'est leur première rencontre, les prémices d'un amour naissant au cœur de la tourmente.

Hugo et ses Misérables ont montré à quel point une période révolutionnaire était propice à l'éclosion d'histoire d'amours romantiques et passionnées. Le neuvième art n'est pas resté en reste avec le sublime Sambre d'Yslaire ou le Désespoir du Singe de Jean-Philippe Peyraud et Alfred, pour ne citer qu'eux... On devine au vu des couvertures du triptyque que cet amour sera aussi tumultueux que la période. A la couverture, pleine d'élégance de ce premier tome où l'on voit presque l'amour naître entre ces deux artistes, succédera un second tome qui les verra semble t-il s'éloigner avant que l'Amour ne se change en haine pour une ultime confrontation que l'on devine dramatique au vu de la couverture du troisième opus...

Jack Manini mette impeccablement en scène ces deux personnages, tour en déroulant et en exploitant avec subtilité le cadre historique précis où se déroule l'histoire. On y croise des figures de l'art abstrait, à commencer par Vassily Kandinsk, mentor des deux amants...

Le dessin réaliste d'Olivier Mangin, rehaussé par les couleurs chaleureuses de Bérengère Marquebreucq campe cette époque troublée de faon convaincante. Leur idylle n'est qu'une parenthèse au milieu de la tourmente de l'histoire, avec son tombereau d'horreur et de misères.


Entre idéalisme et sombre réalité, les auteurs nous entraînent avec brio dans cette époque sombre et pleine d'espoir. L'idée d'avoir mêlée la révolution qui ébranle l'art à celle qui a balayé la Russie confère une dimension édifiante au récit, éclairant le lecteur sur cet aspect méconnu de la révolution bolchévique. Le Sort d'un Chagall qui fut Commissaire aux Beaux-arts avant d'être démissionné de force est édifiant et la vindicte de Kasimir Malevitch qui s'emporte contre son œuvre est saisissante...

Rouge révolution est un premier tome passionnant qui met en scène une histoire d'amour romantique dont le dernier acte sera sans doute sanglant, pour paraphraser Blaise Pascal...