La Bête de l'Apocalypse est le fruit d’une collaboration entre Glénat et les Editions du Patrimoine. Contrairement aux œuvres précédentes publiées dans cette passionnante collection qui se centraient sur un monument, cet album signé par Rodolphe et mis en image Lucien Rollin se propose de mettre en scène une œuvre maîtresse du patrimoine artistique et culture de la fin du XIVième siècle : la tenture de l’Apocalypse. Réalisé d’après les cartons de Hennequin de Bruges en s’inspirant des manuscrits à miniature illustrant l’Apocalypse selon Saint Jean, cette tapisserie monumentale mesurant à l’origine près de 140 mètres est actuellement exposée au château d’Anger, symbole de la puissance des ducs d’Anjou.

De nos jours, un mystérieux visiteur s’introduit nuitamment l’aile du château danger abritant la tapisserie de l’Apocalypse. Fantôme insaisissable, il fait rapidement la une des gazettes. A l’instar du Louvre et de son Belphégor, le château d’Anger aurait-il lui aussi son inquiétant spectre? Quel lien existe-t-il entre ce visiteur nocturne, une société secrète préparant l’Apocalypse et le message secret qui aurait été caché dans la tapisserie par les artisans l’ayant réalisé?

A travers un récit entre deux époques, Rodolphe nous entraîne dans une enquête policière captivante. La partie moyenâgeuse s’avère très didactique, expliquant le contexte de la réalisation de l’œuvre. La narration alternée permet de dérouler trois fils d’intrigue distincts qui se rejoigne peu à peu pour créer le nœud de l’intrigue : la création de la tapisserie à l’instigation de Louis Ier d'Anjou et le message chiffré qui y sera caché, l’intrusion du « fantôme » dans le château et l’enquête qui s’en suivra, et les écrits d’un mystérieux vieillard lié à un étrange cénacle, la Société du Phœnix…
L’ambiance distillée dans l’album n’est pas sans évoquer celle du feuilleton télévisé de Claude Barma (1966). La progression de l’enquête est prenante mais on a la furieuse impression que les auteurs se sont sentis à l’étroit dans ce one-shoot qui aurait sans doute mérité de se déployer dans un diptyque afin d’étoffer les personnages et de prendre le temps de développer l’intrigue plus en profondeur.

Le dessin de Lucien Rollin, colorisé par le fidèle Jean-Jacques Chagnaud, est toujours aussi caractéristique du dessinateur. Son trait précis bien qu’un brin figé contribue grandement à poser cette ambiance étrange et mystérieuse oscillant entre polar et ésotérisme. On notera la superbe couverture dont la composition est une invitation à la lecture.

La Bête de l'Apocalypse est un album bien troussé qui, non content de proposer une enquête bien menée, donne l’envie de se rendre dans la cité des Ducs d’Anjous pour y admirer la tapisserie de l’Apocalypse… N’est pas là la preuve d’un album réussi? On regrettera cependant une nouvelle fois que l’album ne soit agrémenté d’un dossier historique sur l’œuvre mise en scène, dossier qui trouverait toute sa place dans un livre co-édité par les Editions du Patrimoine…