Franck Viale et Sylvain Dorange continuent de tricoter leur paradoxe, multipliant à l’infini le paradoxe de Barjavel dans une mise en abîme qui donne le vertige en explorant une autre dimension, celle de l’espace, à travers le concept du Multivers cher à Michael Moorcock.

Comme le veut la désormais tradition, l’action s’amorce (se réamorce ?) au premier jour du XXe siècle, alors que le très cartésien Commissaire Clé fait sa promenade sur les quais enneigés, ressassant l’idée de se trouver à l’intersection du passé et de l’avenir, d’être à une époque charnière, à l’aube d’un nouveau temps… Le lecteur sait bien que ces étranges interrogations font montre de l’esprit aiguisé du commissaire tant ils trouvent chez le lecteur un savoureux écho . C’est alors qu’un jeune bambin sûr de lui, et qui se dit médium, l’aborde. Isidore Krantz, c’est son nom, lui propose de construire une machine à voyager dans le multivers pour tenter de remettre de l’ordre dans un espace-temps sérieusement perturbé par les viles actions du sinistre et perfide Georges Gurdjieff.

On s’en doute, le cartésianisme du Commissaire Clé sera mis à rude épreuve et s’en suivront de longues et passionnantes discussions sur les paradoxes à tiroirs pouvant découler de tels voyage, ce qui n’est pas (mais alors pas du tout) du goût du Juge d’Instruction dont l’obscurantisme n’a pas grand-chose à envier aux catholiques intégriste… Peu à peu l’esprit rigoureux (et laïque!) du Commissaire va se laisser gagner par l’enthousiasme du jeune Isidore alors qu’il semble sous le charme délicieux de la troublante Sarah Krantz, la charmante mère du jeune Isidore…

Avec ce nouvel opus qui n’en finit plus de boucler la boucle, Franck Viale et Sylvain Dorange poursuivre leur exploration décalée et jubilatoire de la science-fiction du XIXième siècle avec un scénario plein de charme et d’inventivité, le tout porté par un dessin qui est loin d’en être dénué. La dernière planche ouvre une nouvelle porte qui va nous faire découvrir la mystérieuse loge X et ses membres à l’appasrence austère et rigoriste si l’on se fie à celle de Bélisaire Fox… Il n’est pas sûr que la science vainque de si tôt l’obscurantisme…