Le chien qui louche est le nouveau roman graphique d’Etienne Davodeau, dont chacun des nouvel album est un réel régal… L’album s’adresse une nouvelles fois aux ignorants, à ceux qui visitent volontiers les musées sans jamais s’être posé la question de savoir comment les œuvres exposées y pénétraient…
L’histoire que ce conteur hors pair se propose de nous narrer est celle de Fabien qui s’apprête à rencontrer la famille de Mathilde avec qui il partage plus ou moins la vie depuis quelques semaines. En fait, les Benion, tel est leurs noms, tiennent plus du clan que de la famille. Ils vivent Benion, pensent Benion et travaillent Benion, dans l’entreprise familiale d’ameublement. Fabien officiant comme agent de surveillance au Louvre, c’est tout « naturellement » qu’ils lui demandent sur le ton de la plaisanterie si
Le Chien qui Louche, croûte peinte par leur aïeul, n’aurait pas sa place dans le plus beau musée du monde… Pour ne froisser personne, Fabien botte en touche mais c’est méconnaître la pugnacité des Benion qui reviennent à la charge, bien décidé à voir le chef d’œuvre de leur ancêtre exposé en bonne place… Le jeune homme ne sait pas trop comment se tirer d’affaire sans heurter l’orgueil de sa presque belle-famille… C’est alors que Monsieur Balouchi, un visiteur assidu du Louvre que n’aurait pas renié le surréalisme, lui parle d’une étrange confrérie qui œuvre en secret, la République du Louvre, passionnée par le bizarre, l’aléatoire et l’improbable… Cette société secrète et surréaliste pourrait bien, et contre toute attente, réaliser la demande impromptue des Benion…
Une fois encore, Etienne Davodeau place sa caméra à hauteur d’homme pour tisser une histoire captivante pleine d’humour, de tendresse et d’inventivité. La façon dont il met en scène le couple formé par Mathilde et Fabien est touchante d’authenticité. Avec simplicité et sans artifices, l’auteur nous entraîne dans leur quotidien et leur intimité, conférant au récit cette note de crédibilité qui fait toute sa force et tout son charme. Tous ses personnages ont fait l’objet du même soin, des gardiens de musée, à la fois blasé et émerveillé, aux visiteurs banals ou excentriques qui posent sans cesse les même questions, en passant par la famille Benion et ses idées loufoques et saugrenues.
Drôle, touchant, plein d‘humanité, ce nouvel album d’Etienne Davodeau pose d’intéressante questions sur la place d’une œuvre d’art au sein d’un musée, poussant le lecteur à s’interroger sur la légitimité de certaines d’entre elle, reconnues et exposée en pleine lumière, alors que d’autres resteront, à jamais peut-être, dans l’obscurité, posant en filigrane la question de ce qu’esune œuvre d’art ?…
Je ne sais si le
chien qui louche entrera un jour au Louvre (mais peut-être l’est-il déjà ?) mais ce qui est sûr, c’est que cet album a sa place dans toute bonne bédéthèque, de par sa finesse, son humanité et les questions qu’il pose la légitimité d’une œuvre d’art… Une chose est sûre : vous ne regarderez plus jamais la célèbre (
) toile « Intérieur de la Basilique Basse de Saint François d’Assise » de François Marius Granet de la même façon…
Pour conclure, il me revient une amusante anecdote : lors de l’inauguration du MAMCS (Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg), un plaisantin inspiré avait posé une étrange sculpture faite de bric et de broc posée sur un petit socle en ayant pris soin d’apposer un petit cartouche indiquant les noms de l’auteur (imaginaire ?) et du tableau. L’œuvre est restée exposée une dizaine de minute, l’un des gardiens, en communication avec la direction, attendant de savoir s’il devait, ou non, enlever cette œuvre…