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Vois comme ton ombre s'allonge
Vois comme ton ombre s'allonge



Fiche descriptive

Roman Graphique

Gipi

Gipi

Futuropolis

22 Janvier 2014


19€
Chronique

Sur une plage, un homme se sent mal. On appelle les secours, il est conduit dans une clinique spécialisée. On suspecte une schizophrénie subite, avec des attitudes obsessionnelles compulsives à orientation monothématique… L’homme, Silvano Landi, est un écrivain qui n’écrit plus. Un inventeur d’histoires qui vivait en écoutant des histoires et en en racontant à son tour. Un créateur de mondes qui n’est plus capable à présent que de dessiner sur une feuille la stylisation de deux obsessions : un arbre mort et une station-service.

De les dessiner des centaines, des milliers de fois : un arbre mort et une station-service. Et entre les deux, à peine l’espace pour le souvenir d’une fille distante, des enseignements d’un père, d’une épouse qui l’a quitté, d’une sale guerre… Des histoires entremêlées dans la tête de Silvano, fragments décomposés qui cherchent leur lieu et leur raison d’être dans la construction d’une Histoire, la sienne. Celle à laquelle il cherche à échapper ou celle dans laquelle il pourrait se réfugier, pour pouvoir enfin se reconnaître. C’est dans une station-service isolée, une nuit, que sa femme l’a quitté, emmenant avec elle leur fille. C’est là que ses amours se sont perdues. « C’est là que tout a commencé à se dégrader. »

Ailleurs, sur un champs de bataille de la Première Guerre mondiale, dans le no man’s land qui sépare les belligérants, se dresse un arbre mort et solitaire. À son pied, dans un trou d’obus, un soldat écrit et pense à la femme qui l’attend, à son enfant qu’il aime tant. Le soldat s’appelle Landi, lui aussi. Est-ce l’aïeul de l’écrivain ?
un chef d'oeuvre!


un numéro d’équilibriste narratif et graphique
Avec Vois comme ton ombre s'allonge, Gipi signe un album étrange et envoûtant dont il a le secret.

Vois comme ton ombre s'allonge, planche de l’album ©Futuropolis / GipiSilvano Landi, est un écrivain qui n’écrit plus, un créateur de monde qui est passé à côté de sa vie à force d’écrire celle des autres. Un jour, alors qu’il est sur une plage, il fait une violente crise. Il est conduit dans une clinique spécialisée où l’on suspecte une schizophrénie subite, avec des attitudes obsessionnelles compulsives à orientation monothématique… La seule chose dont il est capable semble être de dessiner à l’infini un arbre mort et une station-service sans qu’il puisse en expliquer la raison… Peu à peu, au fil des pages, se construit son histoire alors que les souvenirs refont peu à peu surface. Les souvenirs d’une femme qui l’a quitté, emmenant sa fille, des souvenirs de la grande-guerre qui ne sont pas les siens mais ceux de son bisaïeul… Le tout se mêle et s’entremêlent de façon inextricable, laissant le soin au lecteur d’assembler les fragments brisés de la psyché de Silvano Landi…

Vois comme ton ombre s'allonge, planche de l’album ©Futuropolis / GipiL’album est remarquablement bien écrit. La façon dont Gipi entremêle ces différents récits qui se complètent et se répondent est saisissante. La vie de Silvano a commencé à se déliter lorsque sa femme l’a quitté, l’abandonnant au bord de la route, à côté d’une station-service. Son aïeul, dans un trou d’obus surplombé par un arbre mort pense à sa fille et à son épouse à qui il a promis de revenir. L’un espère dans l’avenir, l’autre sait qu’il est passé à côté de sa vie. Des ponts sont jetés avec finesse et délicatesse entre ces récits entrecroisés. On y apprend comment l’écrivain à force vivre avec ses êtres de papier a peu à peu perdu pied avec sa réalité qui s’est, peu à peu, désagrégée. La découverte dans son grenier des lettres écrites par son bisaïeul dans les tranchées de la grande-guerre l’a comme ainsi dire éjecté en dehors de la vie. Perdu dans son processus créatif, il ne s’est pas rendu compte que sa femme s’éloignait et que sa fille grandissait, sans lui… Le temps de rouvrir les yeux, il était seul et son miroir lui renvoyait l’image d’un vieil homme usé par la vie…

Vois comme ton ombre s'allonge, planche de l’album ©Futuropolis / GipiDifficile de ne pas être bouleversé par cet album à la narration et au graphisme si particulier qui entraîne le lecteur dans la folie d’un homme ayant perdu pied… On assiste à la déconstruction de Silvano, on voit peu à peu les pièces d’un étrange puzzle s’assembler sous nos yeux. Explorant de nombreuses techniques graphiques, le dessin de Gipi happe littéralement le lecteur dans son univers. Alors que le présent est étrangement esquissé en monochrome avec un trait nerveux, les souvenirs sont superbement mis en scène avec de somptueuses aquarelles.

Vois comme ton ombre s'allonge est un album unique qui vous fait entrer dans l’intimité d’un homme de façon remarquable. Véritable numéro d’équilibriste narratif et graphique, Gipi nous entraîne dans un voyage entre rêve et réalité qui nous conduit aux portes de la folie… un ouvrage touchant et bouleversant qui ne ressemble à aucun autre… Magistral…
Le Korrigan




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