Un drame social saisissant
Paris, ville d’ombres et de lumières, 1869. Perdue au milieu de la foule, Constance Desprez vient de débarquer dans la capitale où elle n’est jamais venue. Elle compte bien y retrouver son fils. Né d’une folle et éphémère passion avec Célestin, un jeune aristocrate, il lui a été arraché alors qu’elle-même était enfermée dans un couvent. Elle s’en échappa pour apprendre que ses parents étaient décédés,que son fils avait été placé dans un orphelinat parisien par les parents de son amant alors que ce dernier a trouvé la mort, contraint de s’engager dans l’armée impériale.
Dans sa quête, elle pourra compter sur Darius, jeune galopin façon gavroche, et sur André Gill, célèbre caricaturiste au journal L’Éclipse qui se prendra d’affection pour elle et lui ouvrira les portes du Paris mondain.
Nous attendions beaucoup de ce drame social signé par Michael Le Galli et Marie Jaffredo dont nous avions beaucoup apprécié les précédentes œuvres, des
démons de Marie au
Sang des bâtisseurs… Et nous n’avons pas été déçus… Cette plongée dans le Paris foisonnant d’avant la Commune est saisissante et si le récit est solidement charpenté autour du destin croisé de trois figures (Constance, Darius et André), Paris est incontestablement le quatrième personnage de ce drame social fortement ancré dans l’Histoire. Le scénario ciselé par Michael Le Galli est tout à la fois poignant et réaliste. A travers ses personnages, de la provinciale fraîchement débarquée au gosse des rues en passant par l’artiste en vue, il nous entraîne à la découverte du Paris miséreux mais aussi du Paris Mondain et de ces artistes dont les œuvres révolutionneront l’art, de Monnet à Manet en passant par Gaspard-Félix Tournachon (alias Nadar), Cézane ou Renoir, sans oublier Zola. Le scénariste mêle avec un certain talent personnages historiques et fictionnels, conférant toute sa crédibilité au récit alors que le superbe travail graphique de Marie Jaffredo l’habille de la plus élégante des façons.
Son trait, plein de finesse et de douceur, immerge le lecteur au cœur du Paris des années 1870, à cette époque où Montmartre était encore un village. S’inspirant des tableaux et de photos de l’époque, elle a reconstitué un Paris impressionniste tout à la fois crédible saisissant qu’on visite aux côtés de ces êtres de papier dont on va suivre le tragique destin. La couverture de l’album est elle aussi de toute beauté, et plus saisissante encore une fois l’album refermé…
Les Damnés de Paris est un long récit (près de 120 pages !) poignant et captivant, bien mené et joliment mis en image. L’album est complété par d’élégantes aquarelles d’études et de recherches… Je vous encourage vivement à aller sur le site de la dessinatrice pour y découvrir son travail en général et ses crayonnés en particulier…