

Celui qui n’existait plus est un road-movie humaniste saisissant signé par Rodolphe et Georges Van Linthout.

Norman Jones a une femme, deux enfants, une maison, un boulot qui rapporte et une maîtresse avec qui il batifole au lieu d’aller au bureau lorsque commence l’histoire. Agé de quarante ans, il s’interroge sur le sens de sa vie, bien remplie mais finalement très creuse… Nous sommes le 11 septembre 2001 et les deux avions viennent de percuter les tours jumelles du World Trade Center où siégeait la compagnie dont Norman était le vice-président. S’il avait été travaillé, il serait sans nul doute mort dans ce tragique attentat… L’occasion pour lui de recommencer à zéro, de disparaître pour de bon, de tout plaquer pour commencer une nouvelle vie plus conforme à ses rêve d’enfants… Le voilà parti sur les routes, vers la ville de son enfance, avant d’emprunter la mythique route 66. Il y croisera les pires des salopards, mais aussi des gens prêt à lui tendre la main… Commence alors son odyssée salvateur… Il lui aura fallu mourir pour réapprendre à vivre…

Rodolphe signe là un scénario original et captivant sur une crise de la quarantaine pour le moins radicale. Norman, ayant réussi sur le plan professionnel et sur le plan familial, a accompli son amercian way of life, vie rangée à laquelle aspire bon nombre d’hommes et de femmes. Mais la vacuité de son existence qui le rongeait depuis quelques temps lui explose à la figure lors des attentats du 11 septembre 2001. Ces derniers lui servent d’élément déclencheur pour tenter de mettre sa vie en accord avec ses rêves. Sans vraiment réfléchir, il coupe les ponts avec tout ce qui faisait sa vie, se débarrassant de ses papiers, de son portable et de sa carte de paiement. Mais la liberté de vivre sans contraintes et sans entraves, en marges de la société, n’est-elle pas au final une simple fuite en avant, un leurre? En abandonnant sa vie son petit confort de cadre supérieur, il va connaître la morsure du froid et de la faim, les lendemains incertains, et la violence de la rue qu’il n’imaginait même pas. Ce road-movie commence comme un polar pour se poursuivre en road-movie. Et il y a cette fin, cinglante comme un coup de fouet, qui place le récit dans une tout autre perspective… La structure narrative de l’album fait montre d’une grande maîtrise et on appréciera la mise en place du personnage de Norman, la violence et l’humanité qu’il va côtoyer dans sa fuite en avant…

Le dessin de Georges Van Linthout est lui aussi parfaitement maîtrisé. Ses planches laissent voir un crayonné des plus efficace au service de l’histoire concoctée par Rodolphe. Ses lavis sont tout à la fois discrets et parfaitement maîtrisés, faisant la part belle aux ombres et aux lumières et sa façon de mettre en scène la nature est de toute beauté. Sa narration s’avère extrêmement fluide et contribue à nous immerger dans ce récit initiatique saisissant…
Celui qui n’existait plus est un one-shot captivant au final ébouriffant. La narration impeccable de Rodolphe est mise en image avec efficacité par un Georges Van Linthout particulièrement inspiré. Ce road-movie initiatique ravira sans nuls doutes les amateurs d’histoires intimistes introspectives…