La tour fantôme est l’adaptation d’une traduction en japonais d’un roman d’Alice Muriel Williamson, écrivaine britanique née à l’époque Victorienne somme toute assez peu connue en France. Tout comme l’adaptation de Ruiko Kuroiwa réalisée en 1899 a fait l’objet d’une adaptation à la culture japonaise, cette adaptation de Tarô Nogiakaza en est aussi une relecture, n’hésitant pas à tordre la trame et transformer les personnages pour nous livrer une histoire sombre et malsaine…
Nous sommes en 1952. Une vieille femme a été retrouvée morte, les os brisés, attachés aux aguilles du cadran d’une horloge sise au sommet d’une inquiétante tour. Deux ans ont passé. Le jeune Amano Taïchi qui voulait postuler comme gardien de la tour est victime de la même agression dans ce lieu nimbé d’une sinistre réputation. Il ne doit sa survie qu’à l’intervention de Tetsuo, un garçon troublant en quête d’un trésor enfoui dans les entrailles de la tour, celui-là même qui l’avait aiguillé (
) pour le poste de gardien. Lorsqu’il propose à Amano de s’associer à lui pour trouver le fabuleux trésor, ce dernier, dont la vie amoureuse et professionnelle est proche du néant, n’hésite pas une seconde, voyant dans l’or chimérique la possibilité d’assouvir ses inavouables fantasmes… Mais Tetsuo qui semble se servir de lui comme d’une marionnette cache de lourds et sombres secrets…
Ce thriller à la lisière du fantastique immerge le lecteur dans une atmosphère malsaine et oppressante. En transposant son récit dans les années 50, Tarô Nogiakaza lorgne du côté des grands classiques du cinéma fantastique qui pullulèrent après la seconde guerre mondiale tout en conservant un aspect délicieusement désuet au cadre de l’histoire.
Amano Taïchi, présenté au départ comme un looser naïf et pathétique, adolescent attardé manquant cruellement de maturité perdant son temps dans les lectures d’ouvrages érotiques navrants, gagne peu à peu en épaisseur, confronté à l’horreur des évènements qui vont bouleverser sa vie. Bien vite, il soupçonne Tetsuo d’en être l’instigateur, mais, à l’instar du lecteur qui en sait pourtant plus long que lui sur ce personnage androgyne, il n’a à ce sujet aucune certitude. Les mystères qui planent autour de la
Tour Fantôme aiguisent rapidement l’intérêt du lecteur mais force est de reconnaître que ce premier opus pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse.
Le dessin sensuel et tout en finesse de Tarô Nogiakaza fourmille de détails et sa narration, extrêmement fluide, rends la lecture de ce premier opus plus qu’agréable.
La tour fantôme est un seinen (i.e. manga pour jeune homme) bien rythmé qui pose les bases d’un thriller solide et captivant… Les personnages s’avèrent tous particulièrement complexes, laissant le champ libre au déploiement de nombreux arcs narratifs. Reste à savoir comment chacun sera développé et si la tension, qui allait crescendo dans ce premier opus, restera palpable jusqu’à la conclusion de ce récit polar fantastique…
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“Time to live, time to lie, time to laugh, and time to die. Take it easy baby. Take it as it comes.” (Jim Morrison)