Le Temple du Passé est le sixième roman de Stefan Wul. Court de par sa pagination, classique de par son approche, les dernières pages sont un festival d’inventivité qui en font une pièce maîtresse de l’œuvre du maître français de la SF…
Massir est le pilote talentueux d’une flotte de colonisation. L’alarme s’est déclenchée à bord suite à un soucis avec le « Gardien » du vaisseau… Mais le sang-froid et l’expérience de Massir ont permis de juguler le problème… Pour un temps du moins… Après un rêve agité, il se réveille alors que le vaisseau est victime d’une grave avarie qui a emporté la quasi-totalité de l’équipage. Seuls avec les deux membres survivants, il vont tenter de survivre et d’extirper leur vaisseau de cette étrange caverne organique dans laquelle il s’est échoué… Mais la tension entre les rescapés de ce drame menace la survie du petit groupe, d’autant que les fantômes du passé de Massir ressurgissent…
Hubert et Etienne Le Roux signent une adaptation audacieuse de ce roman de Stephen Wul. Hubert a étoffé la psychologie des personnages, à commencer par celle de Massir, rendant l’intrigue plus prenante encore. La structure narrative de l‘album, alternant flashback et scène d’exploration et de découverte impulse un rythme savoureux à l’ensemble.
Si elle est faussement naïve, la façon dont le petit groupe de survivant va tenter de se sortir de l’inextricable guêpier dans lequel ils se sont fourrés, n’en reste pas moins originale et inventive… Mais, plus que l’histoire elle-même, c’est le contexte qui fait la force des histoires concoctées par Sthen Wul. La (bonne) SF se doit d’interroger le lecteur sur le présent et les subtiles modifications apportées au contexte du roman dans cet album l’ancre dans l’actualité proche, donnant un écho intéressant aux polémiques qui ont fleuries autour du mariage pour tous. En renversant les usages et en faisant de l’homosexualité la norme, Hubert renvoie de façon efficace le rejet, l’exclusion et la haine de ceux qui s’écartent de la norme imposée, quoi qu’on en dise, par la société.
Le trait précis d’Etienne Le Roux (
les Serment de l'Ambre,
Le dernier voyage d'Alexandre de Humboldt,
La mémoire dans les poches…) porte très efficacement l’histoire habilement adaptée par Hubert. Le lumineux décor des flashbacks est délicieusement désuet, rendant un vibrant hommage à la SF des années 50 qui a vu naître les romans de Wul, alors que les couleurs froides qui nimbent le récit proprement dit accentuent l’atmosphère tendue et oppressante qui règne dans le vaisseau après la catastrophe…
Malgré la grande influence qu’il a exercée sur de nombreux scénaristes et romancier, Stefan Wul reste étrangement peu connu du grand public. L’audacieuse collection des Univers de Stefan Wul est l’occasion pour les lecteurs d’aujourd’hui de découvrir l’imagination fertile et débordante de ce créateur d’univers à travers des récits SF faussement naïfs mais jamais simpliste… En apportant cette touche de modernité au roman original, Hubert et Etienne le Roux remettent Wul au goût du jour, captivant le lecteur dès les premières pages et leur conférant la furieuse envie de se plonger, et dans la suite de la série, et dans le roman du maître…