Paru en mars 2010, le premier tome de Parker a d’emblée placé la barre haute. Avec un scénario au cordeau, un découpage de haute volée, des dialogues ciselés et un personnage principal délicieusement archétypal, la série est un vibrant hommage aux polars hardboiled des années 50-60. Les tomes se sont depuis succédés, étoffant le personnage froid et sans scrupule qui donne son nom à cette série incontournable…
L’album plonge d’emblée le lecteur au cœur de l’action alors qu’une bande de malfrats attaque un fourgon blindé. Le braquage effectué, la voiture démarre sur les chapeaux de roues. Soudain, le conducteur, trop nerveux, perd le contrôle du véhicule qui effectue plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser. Parker s’extirpe de la carcasse, emportant le sac contenant le butin, laissant ses comparses sur le carreau. Il se réfugie dans un parc d’attraction fermé pour la morte saison. Mais, alors qu’il enjambe la grille, son regard croise celui de deux policiers et deux quidams… Plus moyen désormais de faire demi-tour… Les agents n’ayant pas donné l’alarme, Parker comprend que ces derniers comptent mettre la main sur le butin. Le parc n’ayant d’autre issue que la grille principale, Parker sait qu’il va devoir improviser et faire preuve d’imagination pour se tirer de cette nasse…
Une fois encore, on retrouve tout ce qui fait le sel de cette série construite autour d’un personnage froid et cynique et un scénario tendu porté par un texte finement ciselé. Adapté de
Planque à Luna-Park, roman de Donald E. Westlake alias Richard Stark, le scénario est brillamment adapté par un Darwin Cooke particulièrement inspiré. Il use de l’art de l’ellipse avec un évident brio et épure l’intrigue de façon très convaincante, conservant l’esprit de l’œuvre originale. Il parvient à conserver le style incroyablement incisif du romancier, esquissant en quelques traits des seconds rôles convaincants, alternant dialogues percutants et scènes muettes superbement mise en scène, et campant un Parker plus froid et déterminé que jamais…
Son travail graphique est tout aussi remarquable que sa réécriture du scénario. Empruntant au vocabulaire cinématographique d’un genre très codifié, ses cadrages dynamisent des planches au charme délicieusement désuet.
Le contraste saisissant entre la froideur et le cynisme de Parker et l’ambiance festive des différentes attractions apporte une note savoureuse à l’ensemble et l’album se dévore avec un plaisir sombrement jubilatoire…
Fun Island s’inscrit dans la ligne des trois premiers tomes de cette série adapté de l’oeuvre de Richard Stark qui semble plus que jamais taillée pour le cinéma alors que l’auteur a toujours refusé qu’elle soit adapté en conservant le nom du personnage de Parker. Le travail d’adaptation de Darwin Cooke (qui a avec un certain talent mis en scène les personnages deSuperman, Spider-Man et le Spirit…) est en tous points remarquable. L’album est complété par une histoire courte inspirée de la chute du Septième Homme… Ce quatrième opus est un album redoutablement efficace qui ravira les amateurs de polars sombres et de gangsters froids, efficaces et calculateurs…