Ce second tome de la Mondaine clôt ce formidable diptyque qui plonge un rêveur dans le Paris occupé.

Cinq années se sont écoulées et l’ombre de l’occupation a étendu son spectre sur la ville des lumières. L’insouciance des années 30 s’est diluée dans la dure réalité de la guerre. Aimé Louzeau y a laissé quelques plumes de sa coiffe de chef indien, perdant peu à peu ses illusions et ses rêves d’enfants. L’album s’ouvre une nouvelle fois au cœur du bunker, alors que l’aviation allié fait pleuvoir sur Paris un déluge de bombe et la parenthèse encadrant le flashback qui constitue l’histoire proprement dite se referme, sur une rêverie mélancolique, laissant au lecteur le soin d’achever cette histoire…

Zidrou signe un scénario sensible immergeant le lecteur dans cette période troublée au travers des évènements de l’opération Vent Printanier de sinistre mémoire. Au travers de personnages hauts en couleur, il dépeint avec justesse une époque aussi complexe que troublée faisant la part belle à la complexité de l’âme humaine. De l’amour teinté de folie qui lie les parents d’Aimé, en passant par cet officier allemand désabusé, l’Inspecteur Principal Séverin dont la conscience va être fortement ébranlé par les évènements de juillet 44 sans oublier Aimé que les évènements et les rencontres ont rendu cynique et amer…
La façon dont le jeune va peu à peu révéler sa véritable nature est saisissante. Du jeune policier rêveur, timide et un peu gauche, il ne semble plus rien subsister… Mais le personnage, en proie à ses démons intérieurs, est bien plus complexe qu’il n’y parait. C’est contre lui-même qu’il lutte, contre ce passé si lourd, cette culpabilité qui le ronge d’être à l’origine de la folie furieuse de son père, prêtre défroqué qui vécut une formidable passion avant de sombrer... C’est dans cette lutte intérieure que le récit puise toute sa force…

Difficile d’être insensible à cette histoire portée par le dessin plein d‘élégance de Jordi Lafebre qui signe des planches de toute beauté. Ses mises en couleur soignées soulignent avec maestria les différentes ambiances qui émaillent l’histoire alors que ses visages, d’une rare expressivité, sont tout simplement bouleversants… Son travail sur la lumière est épatant alors que ses cadrages audacieux et inventifs forcent l’admiration…

La Mondaine est un récit magistralement écrit et mis en scène dont la structure narrative souligne l’évolution d’un personnage atypique qu’une rencontre va bouleverser à jamais… Sans se départir de son humour incisif, Zidrou signe là un formidable histoire, tout en nuances et en subtilités, faisant la part belle aux émotions et empreint d’une délicieuse mélancolie… un pur chef d’œuvre…