L’Expédition entraîne le lecteur au cœur de l’Afrique, pour un récit sombre et oppressant que n’aurait sans doute pas renié Joseph Conrad…
L’Egypte vient d’être conquise par les armées romaines lorsqu’une centurie romaine découvre une barque mortuaire à la dérive. Ils découvrent le corps desséché d’un homme noir paré de bijoux, métaux rares, pierres précieuses ainsi que des documents rédigés dans une langue inconnue. Le centurion Caïus Bracca organise la désertion de dix hommes pour monter une expédition pour découvrir les secrets de cette civilisation inconnue et s’en accaparer les richesses. Il place à sa tête un homme de confiance, Marcus Livius…
Ils vont pénétrer dans Niangara, « le pays plus loin que la peur, où même les bêtes sauvages craignent de perdre leur âme ». Guidés par Dubaku, ils s’approchent de leur but, affrontant maints périls… Mais ils vont être pris dans la tourmente d’une guerre civile et être réduits en esclavage. Les tensions vont s’exacerber dans ce groupe de soldats, lézardant l’unité qui fit la force des légions romaines… Le pire semble être à venir…
La construction narrative de cette tétralogie, qui évoque celle de
l’Homme qui voulut être roi de Rudyard Kipling, s’avère aussi efficace que captivante… Marcus Livius, personnage central du récit, en est le narrateur… Seul survivant de cette expédition meurtrière, arrêté par les autorités romaines, il doit répondre aux questions de ses bourreaux avant de subir le sort réservé aux déserteurs… Le récit s’enfonce à chaque tome un peu plus dans les ténèbres… Le rêve de richesse qui animait les têtes brûlées qui constituaient l’expédition s’estompent peu à peu devant l’horreur et l’âpreté des épreuves traversées… La folie n’est jamais loin, renforçant l’analogie avec
Au coeur des ténèbres, roman qui inspira Francis Ford Coppola pour on sublime et dérangeant
Apocalypse Now. On y retrouve la thématique principale, cette plongée en eaux troubles que constituent l’éloignement de la civilisation, le retour à la barbarie et la perte progressive de l’humanité au cœur d’une jungle oppressante et hostile…
Le trait sombre et l’encrage épais du dessinateur argentin Marcelo Frusin pourra dérouter certains lecteurs mais le fait est qu’il est d’une redoutable et appréciable efficacité. La mise en couleur aurait par contre gagné à être plus travaillée, pour souligner d’avantages les ambiances torturée qui baignent le récit.
L’Expédition est un récit sombre et tourmenté qui parle duc choc de deux cultures, nécessairement destructeur lorsque l’une d’elle est sûre de son bon droit et de sa suprématie… En s’enfonçant dans la jungle hostile, Marcus Livius perd peu à peu ses illusions et ses certitudes, découvrant un peuple et ses coutumes, ses envoûtements et ses dangers… Un récit paradoxalement intemporel particulièrement inquiétant…