

Si Claude Chabrol se prêter volontiers dans ses films à une analyse mordante et féroce de la bourgeoisie française, Pascal Rabaté s’attache lui à dépeindre avec tendresse les gens presque ordinaires.
Le linge sale, mis en image par Sebastien Gnaedig, centre son récit sur une famille de marginaux plutôt étroits d’esprits, de ceux qui vivotent aux crochets de la société…

Après vingt années de prison, Pierre Martino est en passe d’être libéré pour bonne conduite. Vingt années sans un mot plus haut que l’autre… Un détenu modèle comme on en fait peu… Mais voilà, le bonhomme a ruminé sa vengeance… Incarcéré pour le meurtre, il n’avait pu avoir les circonstances atténuantes du crime passionnel puisqu’il s’était trompé de chambre. Alors qu’il voulait refroidir sa femme et son amant, il a tué un autre couple, certes adultérin… Il compte bien faire payer à sa femme, à son compagnon, et à toute leur famille si tant soit est qu’ils en ai une… Ils découvrent rapidement qu’ils vivent dans un taudis insalubre, avec leur petite famille, vivant de rapine et de combines à deux sous… Il aurait pu les laisser croupir dans leur vie misérable mais cette lente agonie serait trop douce… Ils doivent mourir…

Après l’excellent
Crève Saucisse, c’est la seconde fois que Pascal Rabaté s’attache à décrire la vengeance d’un mari cocu. Comme de coutume, l’auteur excelle dans la mise en scène de personnages atypiques et tristement crédibles. Par leur truchement, il immerge le lecteur dans le quart monde et sa faune interlope sans sombrer dans le misérabilisme et sans se départir de sa justesse et de son humour. Les forces et les faiblesses de ces personnages, mais surtout la tendresse avec laquelle il les regarde, fait surgir leur part d’humanité…
En lisant cet album à la narration très fluide et porté par des dialogues finement ciselés, on se dit qu’un tel scénario, simple et sans fioriture inutiles, aurait pu être le quatrième long métrage de Pascal Rabaté… D’ailleurs, tel aurait dû être le cas! Mais le projet ne s’est pas fait et le voilà porté en BD par Sébastien Gnaedig… Car non content d’être celui qui a relancé les éditions Futuropolis et préside à leur destinée, l’homme est un dessinateur bougrement efficace! Son dessin épuré met joliment en scène cette galerie de bras-cassés dont il souligne avec finesse les émotions et porte sur eux ce regard plein d’indulgence si cher à Pascal Rabaté.
Solidement charpenté et porté par des dialogues et des personnages truculents, le Linge Sale est une comédie sociale savoureuse qui s’inscrit dans le sillage creusé il y a près de vingt ans par Les Pieds dedans… un autre excellent album plein d’humanité à porter au crédit de cet auteur multi-casquette débordant de talent…