Moriarty, le Napoléon du crime… Ce nom fait frémir de plaisir et d’effroi tout amateur de Sherlock Holmes… Et c’est en tant que personnage principal de l’intrigue qu’il revient sur le devant de la scène...
Londres, 1893. Meredith Rutherford rentre chez elle avec un ami pour le moins entreprenant… Mais son chien ne vient pas l’accueillir comme il le fait de coutume… Quelqu’un s’est introduit chez elle, quelqu’un qu’elle connaît bien mais qu’elle croyait, comme tout un chacun, décédé : James Moriarty… Après une année d’exil, il est de retour, plus inquiétant et dangereux qu’au paravent, lorsqu’il s’était sacrifié pour empêcher les dieux anciens de fouler à nouveau la Terre… Pour se venger, ces derniers l’ont attiré dans leur monde, lui infligeant les pires tortures pour le contraindre à ouvrir un portail dimensionnel vers notre univers… Mais la force de caractère de ce génie du crime lui a permis de résister aux atrocités qui l’ont endurcit et profondément changé…
Faisant suite à
Sherlock Holmes et le Necronomicon, cette nouvelle série de la jubilatoire et inquiétante collection 1800 mêle inextricablement l’univers victorien de Sir Conan Doyle avec la mythologie inquiétante et tourmentée de Howard Phillips Lovecraft pour un résultat surprenant. Si Moriarty a survécu aux épreuves indicibles infligées par les dieux anciens, il est revenu avec semble-t-il la ferme intention d’empêcher à jamais les horreurs tentaculaires de revenir sur Terre en détruisant un à un tous les exemplaires connus du terrifiant Necronomicon, ouvrage sulfureux qui aurait été écrit par l’arabe dément Abdul al-Hazred. Il est surprenant de retrouver l’énigmatique Professeur Moriarty sur le devant de la scène, lui qui a toujours su cultiver le culte du secret, et qui plus est dans le rôle du sauveur de l’humanité luttant pour empêcher les sorciers humains d’utiliser le Necronomicon et appeler à eux les dieux anciens… Il use toujours de la manière forte mais sans la finesse qui le caractérisait, s’exposant inutilement au lieu de jouer au marionnettiste machiavélique. Certes, il est investi de nouveaux et inquiétants pouvoirs et les tortures infligées par les infâmes déités ont pu changer notre homme… Mais il est difficile de voir dans ce personnage ce Napoléon du crime dépeint par Conan Doyle même si l’histoire qui nous est contée se lit avec plaisir…
Le dessin classique Andrea Fattori, qui signe là son premier album, est efficace et si la colorisation d’Axel Gonzalbo est de bonne facture, les crayonnés du dessinateur italien ont notre préférence. Il s’en dégage une force et une énergie qu’estompe par trop la couleur. Reste que ses cadrages, très cinématographiques, renforcent l’action et la dramaturgie de façon très convaincante…
Si l’histoire mêlant l’univers holmésien et locraftien, portée par un dessin classique mais efficace, se tient plutôt bien, le rôle attribué au Professeur Moriarty laisse dubitatif et ne parvient pas tout à fait à convaincre. Est-ce de voir en pleine lumière celui qui a fait si longtemps été dans l’ombre ou de le voir lutter pour la survie de l’humanité, lui qui n’a œuvré que pour son propre intérêt? A moins que ces actes, en apparence héroïques, ne cachent encore de sombres dessins… Gageons que le second tome donnera tout son sens à cet audacieux crossing-over qui, s’il surprend et déstabilise, n’en est pas moins un bon album…