


Après le rafraîchissant
Maliki, Souillon signe un nouvel album personnel riche et prenant qui met en scène une jeune fille de 19 ans inscrite en première année de fac et désireuse de percer dans l’illustration…
Débarquant de sa Picardie natale, Mali découvre la vie parisienne, les virées entre portes et alterne phase d’euphorie et de dépression, entre gris clair et gris foncé… Dynamique, drôle, grande gueule, pétillante, elle semble traverser la vie sans que celle-ci ne semble avoir vraiment de prise sur elle. Mais cette apparence entière est une fragile armure qu’elle s’est tissé pour protéger un mal-être latent, une peur de vivre, de s’attacher, de prendre des coups, une difficulté à s’accepter telle qu’elle est… Sa vie ne semble n’être qu’une longue fuite en avant là où d’autre ne voit qu’un long amusement…
Ce personnage de Mali est très attachant. Difficile de ne pas être touché par cette jeune femme qui se cherche et qui fait l’amer apprentissage de la liberté, de ses chimères et ses désillusions. Entre l’image qu’elle renvoie d’elle-même et l’image qu’elle a d’elle-même, il y a un gouffre insondable…

En cela la couverture est remarquablement bien construite avec ce malicieux jeu de miroir… L’apparence de Mali est aussi particulièrement bien trouvée et ce jusqu’à ces « accessoires » tel ce casque qui l’isole du monde, dont elle se sent d’une certaine manière exclue. Le titre est lui-même particulièrement ingénieux, de cet « hello » plein d’enthousiasme jeté à la cantonade à ce « fucktopia » qui situe l’action entre un monde à la fois utopique et merdique, entre une vie rêvée et une plus sombre réalité…
Si ce roman graphique aux dessins d’inspiration japonisante possède sans nul doute sa part d’autobiographie, force est de reconnaître que Mali trouve en nous certains échos de cette jeunesse où, passant à l’âge adulte, on se confronte aux dures réalités de la vie, mais aussi à ce qu’elle a de beau et d’enthousiasmant… Au final, la liberté n’est peut-être pas de faire ce que l’on veut, mais de vouloir ce que l’on fait… Un long apprentissage pour être en phase avec soi-même…
Côté dessin, le trait très dynamique de Souillon est encore une fois redoutablement efficace. Sa colorisation subtile souligne à merveille les états d’âme de son héroïne, petite chenille rebelle qui n’a pas encore totalement accomplie sa mue salvatrice…
Tout en étant sombre, Hello Fucktopia est un album remarquable de fraicheur et d’authenticité qui met en scène un personnage tout à la fois touchant et complexe dont la métamorphose ne devrait laisser indifférent aucun ado ou adulescent… Un récit entre humour et gravité… La vie quoi!