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Un certain Cervantès
Un certain Cervantès



Fiche descriptive

Roman Graphique

Christian Lax

Christian Lax

Christian Lax

Futuropolis

2 avril 2015


26€

9782754809818

Chronique
Un certain Cervantès
Un héros de roman (graphique)

Cervantès, Mike de son prénom, est un jeune homme plutôt paisible. Pour éviter de menus ennuis avec la police, il s'engage dans l'armée, et le voici GI en Afghanistan. Fait prisonnier par les talibans, évadé, repris, maltraité, il est amputé d'un bras. Exactement comme cet autre Cervantès, Miguel de son nom de baptême, futur auteur de Don Quichotte, qui perdit l'usage de sa main gauche au cours de la fameuse bataille de Lépante le 7 octobre 1571. De retour au pays, à Jerome en Arizona, Mike, comme beaucoup de ces « revenants » de la guerre, se sent déboussolé, devient irritable, oscille entre accès de violence et moments de dépression. Révolté contre une société dure pour les faibles, fou de rage il détruit une succursale de banque, et se retrouve en prison.

C'est au pénitencier du comté, où il purge sa peine, qu'il se plonge dans la lecture et découvre, émerveillé, l'oeuvre de son illustre homonyme, Miguel de Cervantès. C'est une révélation : Mike sera le Don Quichotte des temps modernes, en butte à toutes les inquisitions contemporaines, économique, politique ou religieuse, et en lutte contre toutes les formes d'injustice.

Mike Cervantès n'écrira pas le remake de l'épopée du « chevalier à la triste figure », mais au volant de sa Mustang, sa Rossinante rutilante modèle 1971, il la vivra pleinement.
un excellent album!


Un héros de roman (graphique)
Un certain Cervantès, planche de l'album © Dargaud / LaxPremier héros de roman, Don Quichotte fait partie de ces personnages qui ont marqué des générations de lecteurs… Lax s’empare de ce personnage haut en couleur pour tisser une version résolument moderne qui met en scène un redresseur de torts qui prend les armes pour combattre les inquisitions contemporaines, mêlant inextricablement son destin à la vie aventureuse de Miguel de Cervantes qui avait tout du héros de roman…

Mike Cervantès s’est engagé comme G.I. en Afghanistan pour échapper à quelques tracas judiciaires. Capturé par les talibans, évadé plusieurs fois et plusieurs fois repris, il y laissera un bras, comme son homonyme plusieurs siècles plus tôt fut blessé à la bataille de Lépante. Revenu à la vie civile, Mike est quelque peu déboussolé et se révolte violemment contre la façon dont la société traite les plus faibles… C’est en prison qu’il rencontrera l’œuvre de son homonyme. C’est pour lui une révélation : à son tour, il va lutter contre les injustices, contre les inquisitions contemporaines, qu’elles soient politiques, intellectuelles religieuses ou économiques… Comment alors un formidable roadmovie balayé par le vent de la folie et des utopies…

Un certain Cervantès, planche de l'album © Dargaud / LaxC’est graphiquement tout d’abord que l’album captive le lecteur. Lax abandonne la couleur pour un noir et blanc superbe et des lavis incroyablement nuancés. Il donne à voir des paysages grandioses, écartelés entre songes et réalités. Son trait précis et expressif met en scène avec maestria les états d’âme de Mike qui glisse peu à peu vers la folie, se laissant gagner par les idées exacerbées du Chevalier à la Triste Figure…

Et puis il y a l’histoire de ce revenant qui porte dans sa chaire et dans son âme les stigmates de la guerre… Difficile de rester insensible à ce récit, remarquablement bien construit qui voit se télescoper la vie de Mike et de Miguel Cervantes. Lax tisse avec un talent évident des parallèles entre ces deux destins tout parant peu à peu Mike des atours de Don Quichotte, jusqu’à ses chimères et ces géants qui le hante et attisent sa folie. Rossinante devient sous sa plume une ford (Mustang bien sûr), Sancho Pancha un immigré péruvien et les moulins des géants de pierre… Les rencontres incongrues entre son héros décalé et Miguel de Cervantès sont superbement mises en scènes, déstabilisant le lecteur de façon savoureuse, lui faisant perdre ses repères pour l’entraîner dans la folie salvatrice de Mike… Car au final, comme le disait Brel, citant je crois Cervantès : « la folie suprême n'est-elle pas de voir la vie telle qu'elle est et non telle qu'elle devrait être » ? … Accepter l’inacceptable est-il un comportement plus sage que de le combattre?

Comme Miguel de Cervantès avait écrit une violente satyre de la société espagnole, Lax brosse un portrait cinglant de l’Amérique ultralibéraliste avec ce roadmovie plein de folie, d’humour et de mordant… La mise en abîme entre la vie de Mike et de Miguel Cervantès permet cette incarnation moderne de Don Quichotte qui, comme le personnage du roman, va s’ériger en pourfendeur des injustices, quel qu’en fut le prix à payer… Un certain Cervantès est une œuvre atypique captivante et envoûtante qui prouve, si besoin était, que le Chevalier à la Triste Figure du romancier espagnol n’a rien perdu de sa modernité et de son mordant…
Le Korrigan




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