La crue centennale de 1910 n’en finit plus d’inspirer romanciers et scénaristes. Après le somptueux
Sequana de Léo Henry et Stéphane Perger et l’envoûtant
A la dérive de Xavier Coste, voici donc que Patrice Ordas et Nathalie Berr choisissent cette période comme cadre à un polar très… immersif…
Paris, 4 mai 1897. Monsieur Morchard, chef d’un atelier de joaillerie de la place Vendôme, envoie l’une de ses employées faire une livraison au Bazar de la Charité. La jeune femme trouve la mort dans le dramatique incendie où périrent plus de cent vingt personnes, laissant Louise, une petite orpheline… Le généreux joailler, veuf et sans enfants, va la recueillir et l’élever comme sa propre fille.
Janvier 1910. Les Eaux de la Seine n’ont pas encore envahi les rues et les sous-sols de Paris. Louise a grandi et est devenue une belle jeune femme. Elle œuvre désormais dans la joaillerie de Monsieur Morchard où travaille le jeune Valentin… Cet apprenti joailler, se laisse entraîner par une bande d’apaches sans foi ni lois détrousseurs de bourgeois… Leur chef, le Fennec, convoite le contenu du coffre de l’établissement de Morchard… Mais la bande est dans le collimateur de la Brigade du Tigre du commissaire Sébille… De jours sombres s’annoncent, alors que la Seine commence à sortir de son lit…
C’est avec un réel plaisir que l’on retrouve Patrice Ordas, romancier féru d’histoire qui fit ses premières armes dans le neuvième art en compagnie de Patrick Cothias, prolifique auteur à qui on doit, entre autre, le
Cycle des 7 Vies de l’Épervier.
Son récit, solidement documenté, nous plonge avec aisance dans le Paris de la Belle Epoque. Ses dialogues ciselés, au verbe fleurit empruntant au parler gouailleur des bas-fonds parisien confère au récit un ancrage historique appréciable sans jamais être hermétique. Pour ce polar historique, il a composé une galerie de personnages hauts en couleurs, charismatiques ou inquiétants, de la pire des fripouilles au généreux bourgeois, en passant par le libraire excentrique, la jeune fille innocente ou l’enquêteur zélé qui n’hésite pas à donner de sa personne pour coincer la sinistre bande d’apache. Le scénario, riche en personnages, évoque celui de la série des Brigades du Tigre qui fait les belles heures du petit écran dans les années 70…
Nathalie Berr qu’on a découvert avec l’intrigante
Maison Dieu (scénarisé par Rodolphe) et qui a déjà travaillé avec Patrice Ordas sur la trilogie consacrée à Anastasia (co-scénarisée par Patrick Cothias) signe un album convainquant. Son trait, plein d’élégance, immerge le lecteur dans le Paris de la Belle Epoque, faisant revivre les quartiers guindés comme les lieux interlopes avec efficacité, du
Moulin Rouge au
Lapin Agile… Elle ponctue son récit de cases inspirées de l’œuvre d’Alfons Maria Mucha, le célèbre graphiste et affichiste fer de lance de l’Art Nouveau, l’ancrant plus encore dans son époque…
les rats de Saint-Eloi ouvrent un diptyque classique mais séduisant. Solidement documenté, porté par des dialogues ciselés et une galerie de personnages haute en couleurs, cette chronique policière nous dépeint l’époque avec précision tout en déroulant une histoire chorale solidement charpentée… Les eaux de la Seine montent et participeront sans nuls doutes à l’affrontement entre le commissaire Sébille et Lucien Rémusat et sa bande d’apaches… Nous sommes impatients de lire la suite et fin de ce polar historique prometteur.
(*) Guillaume Apollinaire