Roger Seiter et Pascal Regnauld s’associent pour signer un diptyque nerveux et prometteur dont le premier tome, porté par un scénario précis et un dessin aussi original qu’efficace, s’avère délicieusement frustrant…
Lorsqu’il se réveille au petit matin dans le port de San Francisco avec une vilaine blessure au crâne, il ne se souvient de rien, pas même de son nom… A ses côtés traîne un 38 spécial et l’encombrant cadavre d’une jeune femme plutôt élégante… S’il ne sait pas s’il la tué, il se rend bien compte que sa présence sur les lieux le désigne comme le coupable idéal… Sans l’ombre d ‘une hésitation, il décide de ne pas attendre les flics… S’appuyant sur les maigres indices qui traînent dans ses poches, il va tenter de retrouver son identité et comprendre comment il a pu échouer sur ce port auprès de ce cadavre… Ce faisant, il va aller de mauvaises surprises en mauvaises surprises… D’autant que les flics ne semblent pas être les seuls à s’être lancés sur sa trace…
Difficile de ne pas se laisser entraîner à la suite de cet homme à quête de son identité… Le récit de Roger Seiter s’avère être solidement charpenté et parfaitement maîtrisé. Dès les premières pages, il nous immerge dans un polar sombre qui respecte les poncifs du genre, à commencer par ces longs récitatifs qui permettent de préciser les pensées et de poser le personnage principal… Par petite touche, son portrait se complète et son histoire se complexifie au fil des pages… Si le lecteur perçoit rapidement qu’il est de ces hommes à sang froid connaissant parfaitement les armes à feu, il n’en est pas pour autant au bout de ses surprises…
Si les prémices du récit évoquent
XIII de Jean Van Hamme et William Vance ou à la
Mémoire dans la peau, roman de Robert Ludlum, qui l’a inspiré, son développement est suffisamment original et inventif pour être radicalement différent…
Le travail de Pascal Regnauld qui assume pour la première fois seul le dessin ne laissera pas insensible. Ayant fait ses armes en compagnie de Benoît Sokal sur l’excellente série
Canardo, force est de reconnaître que le polar est un genre dont il maîtrise parfaitement les codes graphiques. Son sens de l’ellipse et ses cadrages résolument cinématographiques s’avèrent être d’une redoutable efficacité alors que sa colorisation immerge le récit dans les polars noir & blanc des années 60, renforçant l’atmosphère déjà sombre et dense du scénario.
Gila Monster inaugure un diptyque particulièrement prometteur dont il nous tarde de lire la suite… Doté d’une forte personnalité, le dessin de Pascal Regnauld met en image de façon très convaincante ce polar solidement charpenté concocté par Roger Seiter qui, après avoir adapté avec brio le Policier qui rit de Maj Sjowall et Per Wahloo, revient au polar harboiled avec un scénario orignal et pour le moins captivant…
(*) :
Valère Staraselski, une Histoire Française