Voilà déjà plusieurs mois qu’on nous bassine avec le concept hyper novateur de
Time Stories, sur le mode, genre « le jeu est absolument incontournable, vous verrez, c’est une expérience de jeu unique »… Oui, oui… La promesse d’atteindre la profondeur d’immersion d’un jeu de rôle dans un jeu de plateau… Mais oui, bien sûr… Allez, on remballe, c’est purement marketing tout ça… Inutile d’en faire tout un plat… On essaye quand même histoire de et puis basta…
[…] une partie et plusieurs runs plus tard…
Ah ouaip… quand même… La pub était mensongère : le jeu n’est pas bon, c’est tout juste une tuerie… C’est sans contestes le jeu le plus enthousiasmant de ces… allez… à la louche… dix dernières années… un pur O.L.N.I. (Objet Ludique Non Identifié), qui ne ressemble à rien de connu mais quand même beaucoup au jeu de rôle…
Règles et matériel
La boîte, aussi épurée qu’attirante, cache un matériel de qualité. Ça, on s’en doutait : il y a marqué Space Cowboys sur la boîte, et c’est un signe qui ne trompe pas… Sébastien Pauchon oblige, le thermoformage a été bien pensé, très bien pensé même si on pense à la possibilité de sauvegarde (eh oui, dans
Time Stories on peut même sauvegarder ses parties!)… Bien pensé, donc, mais bizarrement un peu fragile …
Le plateau est lui aussi extrêmement sobre et épuré. Mais pouvait-il en être autrement quand il sera utilisé pour explorer l’Egypte des pharaons, le Paris de la Belle Epoque, la Préhistoire, la Saint-Barthélémy ou le sacre de Charlemagne?
Les cartes (format tarot) sont tout simplement superbes… Le formidable travail graphique réalisé par David Lecossu et Benjamin Carré font bien plus que donner un habillage au scénario. Les illustrations accentuent bien évidemment l’immersion dans l’histoire, mais elles sont surtout l’un des moteurs du scénario, complétant et enrichissant l’histoire… Cela dit, bien évidemment, il est formellement interdit d’admirer le matériel avant de jouer… Sous peine de se flinguer la partie en révélant des choses qui devraient rester secrètes!
Les règles (20 pages) sont (comme toujours) très bien écrites et très bien maquettées… Mais elles n’en restent pas moins quelque peu obscures… Parce les règles sont faites pour coller à l’ensemble des scénarios possibles qui peut sortir du cerveau inventif des créateurs démiurgiques… Une sorte de boîte à outil qui ouvre sur tous les univers et toutes les intrigues possibles! De plus, difficile d’illustrer chaque point de règle par un exemple sans spoiler le scénario de la boîte… Les règles semblent étrangement abstraites, un comble pour un jeu narrativiste! N’aurait-on pas pu imaginer un scénario court, voir minimaliste, deux lieux à explorer, quatre personnages, une vingtaine de cartes, pour comprendre par l’exemple les différents rouages du jeu? Mais je chipote : les règles sont suffisamment claires pour qu’on puisse se lancer dans le premier run et que chaque point de règles se fasse rapidement limpide…
Contenu de la boîte
8 pions agent (1 grand et 1 petit), 1 marqueur de Temps, 1 marqueur de Groupe, 1 dé Time Capitain, 6 dés d’Action, 40 Boucliers Normaux / Crâne, 7 Boucliers Temps, 7 Bouclier Cœur, 7 Bouclier spéciau, 140 marqueurs Ressources (dont la nature variera en fonction des scénarios), 30 Points de Vie, 24 jetons d’Etats.
Déroulement d’une partie
La mise en place s’avère extrêmement simple, d’autant plus qu’elle est explicitée de façon extrêmement claire par une illustration dûment légendée.
Le jeu est résumé par l’étrange vocable de «Decksporation ». Le scénario est constitué d’un paquet de cartes, comprenant les lieux à visiter, les personnages à rencontrer, les objets ou indices à trouver. Un simple paquet de cartes pour une aventure trépidante (dont on ne vous dira rien, même sous la menace… rangez quand même ce cure-dent et votre sourire sadique, ça m’angoisse…)…
Les joueurs incarnent des agents spatiaux-temporels envoyés dans le passé (et pourquoi pas le futur!) pour résoudre une mission… Ils s’incarneront dans un réceptacle (un personnage) qui leur permettra d’agir. Ce dernier est doté de caractéristiques propres au scénario.
A eux d’échanger les informations collectées, de discuter, pour tenter de mener la mission à son terme et éviter au mieux les embûches… A l’instar du JdR, le jeu est avant tout narratif, des textes savamment concoctés jusqu’au langage, support d’interaction entre les joueurs…
Pour agir (fouiller, combattre, se déplacer, crocheter, jouer au bilboquet…), les joueurs vont dépenser des unités de temps (UT). Pour une UT, Tous les joueurs pourront effectuer une action… A zéro UT, le run s’achève… Mais les joueurs auront la possibilité de retenter l’aventure… avec les connaissances acquises lors du ou des runs précédents!
l’Avis de la Rédaction
En créant
Time Stories, Manuel Rozoy a voulu un jeu qui procurerait aux joueurs des
sensations proches de celle du jeu de rôle qu’il a pratiqué avec assiduité dans sa folle jeunesse… Un
jeu de rôle épuré qui s’affranchit du maître de jeu… Si l’aspect rôle (au sens incarner un personnage doté d’un caractère et d’un passé) n’est pas présent, les parties de
Time Stories procurent cette
délicieuse impression de construire une histoire collectivement, de participer, ensemble, à une grande (et formidable) aventure…
Le premier run laisse une impression étrange etmitigée. On découvre le scénario, sans en comprendre les tenants et les aboutissants… et pour cause! On n’a fait que l’effleurer! Mais dès qu’on entame le second, riche des événements précédemment vécus, nos choix ne sont plus euristiques mais induits par notre expérience précédente… Le jeu prend alors toute sa dimension, procurant une sensation de plaisir ludique tout juste énorme…
Je ne m’attarderai pas ici sur l’excellent scénario concocté par Peggy Chassenet et Manuel Rozoy , tout à la fois remarquablement bien écrit (car c’est bien d’écriture qu’il s’agit!) et somptueusement illustré par David Lecossu et Benjamin Carré, pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte… Il est tellement convainquant qu’on sait déjà qu’on n’attendra pas pour acheter les futurs scénarios, à commencer par le premier,
The Mary Case, d’ores et déjà disponible…
Les
règles sont tout à la fois fluides et épurées. Contrairement à l’excellent
Sherlock Holmes Detective Conseil (SHDC pour les intimes) dont on pourrait le rapprocher (histoire construite collectivement),
Time Stories est doté d’une
réelle mécanique ludique tout à la fois simple, fluide et
ouverte sur tous les possibles. La nature «défis» (moment de l’histoire où les joueurs devront activer les caractéristiques pour surmonter une péripétie) étant possiblement infinie, la mécanique se veut très élastique, pour pouvoir s’adapter à un panel de situations vertigineuses…
Manuel Rozoy et les Space Cowboys ont inventé un
«jeu de rôle de plateau» … qui tient aussi du jeu vidéo. Car à l’instar des jeux sur consoles, on retrouve l’idée de rejouer un niveau, en connaissant l’emplacement des ennemis, les maps et les chausse-trapes, gagnant ainsi en efficacité à chaque tentative… Mais là, rejouer un nouveau run trouve une explication logique et rationnelle : le voyage dans le temps… Voyage dans le temps qui n’est pas un artifice ludique mais qui fait bien parti du concept novateur (et jubilatoire) du jeu…
Le
potentiel de Time Stories tout juste énorme. Imaginons un instant que les producteurs de Game of Throne ou de Star Wars, que les éditeurs de Thorgal, Titeuf ou d’Harry Potter (et leurs auteurs respectifs!) s’emparent du concept et vous obtenez un vivier de joueurs et de scénarios à donner le vertige...
Certains esprits chagrins pestent contre le prix d’un scénario gravitant autour d’une vingtaine d’euros… Alors, cher payé pour un jeu jouable une seule et unique fois?
Tout d’abord, un scénario, c’est près de 120 cartes au format tarot. 120 cartes, ce n’est pas 120 illustrations… Mais bien plus! Car le verso de bon nombre de cartes est aussi doté d’une illustration originale… et porteuse de sens… Le travail d’illustration justifie à lui seul le prix… Et vingt euros, rapporté au prix d’un bouquin ou d’une place de ciné (surtout si on y va à 4!), c’est pas cher payé pour 5 à 6 heures de jeu… Certes, on peut potentiellement rejouer 2307 fois aux Colons de Catane ou à Caylus… Mais franchement, à combien de jeux un joueur (même passionné - surtout passionné ?-) a joué plus de 30 fois? et même 10 tiens…
Et puis, mine de rien, la conception d’un (bon) scénario pour Time Stories représente à priori un travail pour le moins impressionnant. De l’idée du scénario à sa «traduction» dans la mécanique sans parler de l’écriture ou des tests en cascades pour doser la difficulté et gommer les incohérences… Assurément des heures de travail (fut-il passionnant) en perspective!
Alors franchement, cette histoire de prix, c’est un détail insignifiant… surtout rapporté au plaisir procuré lors d’une partie!
Bon nombre de rôlistes sont venus au jeu de société « moderne » faute de temps, dilué entre la vie professionnelle chronophage et la vie familiale énergivore… Time Stories leur permettra de retrouver les sensations d’une partie de JdR le temps d’une soirée, sans bouquin de background à digérer, sans règles plus ou moins complexes à assimiler et, surtout, sans scénario à préparer! Pour jouer, il suffit de réunir une bande de potes, d’ouvrir une boîte, d’enlever l’emballage des cartes et… de vivre une aventure…
Mais Time Stories, c’est aussi un formidable bac à sable, une boîte à outils simple et remarquablement bien conçue qui donne la furieuse envie de développer ses propres scénarios… une usine à rêves dont on a envie de prendre les commandes pour créer une histoire… un langage à apprendre pour retranscrire en terme de jeu les ressorts scénaristiques sortis de notre imagination débridée… Tout un programme!
Time Stories, c’est une expérience ludique unique qui démontre qu’il est encore possible d’innover et de surprendre dans le monde du jeu… C’est indéniablement ma plus grosse claque ludique depuis que je suis tombé dans la marmite du JdR… Et ce n’est pas peu dire…
On aime...
le concept enthousiasmant et jubilatoire
l’aspect jeu de rôle (mais aussi vidéo) de plateau
la simplicité de la mécanique qui ouvre sur tous les possibles
l’aspect bac à sable ludique
le potentiel du jeu, tout juste E-NO-RME !
On n'aime pas...
Comment ça il n’y a qu’un scénario supplémentaire de publié?!?