Alors bien sûr, les sept nains sont au nombre de 7… Mais de là à proposer un album sur Blanche Neige et les sept nains pour la série-concept Sept… Il faudrait être sacrément frapadingue pour se lancer dans un tel projet! Ou s’appeler Wilfrid Lupano… Et avec un tel scénariste, il était bien difficile de faire l’impasse sur ce projet joyeusement barré!

Vous l’ignorez peut-être mais les fameux sept nains font les bouffons du roi. Le jour de l’anniversaire de Blanche, sa fille chérie née hors mariage, ils font rire la cour aux éclats avec leurs pitreries, leurs acrobaties et leurs saillies… Las! L’un d’eux fait la blague de trop… Celle qui va faire sortir la reine de ses gonds… Ivre de colère, elle les condamne immédiatement à mort. Mais le roi lui rappelle que lui seul peut décider d’une telle sentence… Ne pouvant se heurter frontalement à sa chère et autoritaire épouse, il commue sa sentence en bannissement à vie. De plus, le monarque, épris de justice et grand amateur de l’humour ravageur de ses bouffons, leur donne un mystérieux rendez-vous dans une taverne de la ville… Rendez-vous auquel il ne viendra jamais! Commence alors une longue descente aux enfers pour nos sept hommes de petites tailles…
Contraints de trimer sang et eau dans une mine épuisée, logeant dans une masure crasseuse et délabrée au fin fond de la forêt, leur avenir s’annonce sombre et désespéré… Jusqu’à ce que…

Difficile de ne pas se laisser prendre au jeu en découvrant cette version iconoclaste et joyeusement décalé du ce conte pour enfant… Plein d’humour et d’inventivité, le scénariste réussi le tour de force de respecter (à peu près) la trame originale tout en proposant un récit radicalement différent… Il s’inspire bien évidemment de la version très soft de Disney en faisant éclater un à un tous les clichés à coups de pioches…
Ses personnages des sept nains (jamais nommé mais si délicieusement caricaturaux qu’on le reconnaît aisément, dans une version disons assez… hum… décalée) s’avère particulièrement irrésistibles… Avec une mention spéciale pour celui endossant le rôle de Grincheux, plus énervé que jamais, ou celui incarnant Simplet, vraiment très… simplet… Et que dire de Blanche Neige, à mille lieux d’être la jeune fille belle et pure qui prend son pied en faisant le ménage en chantant accompagné d’oiseaux graciles… ou de la méchante Reine, du miroir magique ou encore du prince charmant pas trop charmant… Lupano propose une version décapante, jubilatoire et fantastique du conte… bien que l’auteur se soit amusé, avec malice et inventivité, à gommer tout élément fantastique de son récit…
Et que dire de cette chute pour le moins impromptue qui ferait se retourner Walt dans la tombe? Elle achève de nous convaincre que cet album est un grand Lupano (mais avez-vous déjà lu des petits Lupano ou même des Lupano moyens?)…

Le trait expressif de Roberto Ali que l’on avait découvert sur Les Jardins de Babylone (une autre série-concept dédiée aux sept Merveilles) s’avère particulièrement efficace pour mettre en scène cette galerie de personnages joyeusement foutraque. La colorisation de Lou insuffle une part de féérie à un récit qui en a étrangement (mais savamment!) été dépouillé par le scénariste… Le découpage, basé sur un storyboard de Jérôme Lereculey est quant à lui impeccable, tout à la fois fluide et dynamique…

Il fallait s’appeler Wilfrid Lupano pour oser proposer une adaptation de Blanche Neige et les Sept Nains dans la série Sept… Sa version des Sept Nains, à réserver à un public (un peu) avertit, réussit l’improbable exploit d’être tout à la fois (presque) respectueuse de la trame originale tout en étant totalement iconoclaste. Le scénariste s’amuse avec une jubilation communicative à faire exploser un à un tous les clichés du conte pour nous servir une adaptation remaniée, ludique et joyeusement déjantée… Porté par le dessin expressif redoutablement efficace de Roberto Ali, cette adaptation irrésistible et caustique fera date… Une façon percutante d’inaugurer la troisième saison de la série!